Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Règles constitutionnelles restrictives, indispensables à la démocratie

Le 15 juillet 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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L’histoire du XXe siècle confirme que la moitié de l’Europe a succombé à l’autoritarisme dans les années 20 et 30. La démocratie occidentale est devenue surchargée d’obligations et dominée par les groupes d’intérêt.  Le correctif qui s’impose, révélé par l’histoire du XXe siècle, est que les règles constitutionnelles qui la régissent la circonscrivent rigoureusement. La question première à se poser reste toujours celle de définir son rôle à l’État, pour ensuite l’encadrer de règles qui interdisent le gonflement dont il a fait l’objet au XXe siècle. Force nous est de reconnaître que l’étendue de l’intervention étatique est la mesure de notre échec comme animal social. L’explosion des «droits sociaux» depuis la deuxième guerre mondiale constitue le problème essentiel de l’État moderne. C’est lorsque le commerce entre les hommes devient impraticable que l’État est appelé à intervenir. La coercition d’État est un mal nécessaire aux sociétés libres. Mais il faut voir dans l’explosion de l’étatisme à travers l’Occident depuis cinq décennies, l’expression incontestable de la faillite de nos relations humaines, de notre humanisme. Le vieillissement de la population n’incite guère à l’optimisme à cet égard.

Le moment est venu de persuader les votants et les gouvernements eux-mêmes de mettre un terme à la tendance naturelle de l’État à se gonfler. Significations pratiques? Elles sont trop vastes pour s’insérer intégralement dans ces lignes. Quelques illustrations suffiront. La Suède s’est engagée à équilibrer son budget sur l’étendue des cycles économiques. L’introduction de clauses d’expiration aux lois et aux régulations se conçoit aussi. Un régime où les lois et règlements expireraient après 10 ans ne manquerait pas de freiner la poussée des dépenses en imposant aux gouvernements eux-mêmes de se contrôler. En se rappelant que l’exercice de la politique monétaire par la Banque Centrale s’est avéré une heureuse évolution, on est tenté de retirer aux politiciens certaines décisions pour les confier aux technocrates. L’autorité des banques centrales a abaissé le taux d’inflation en Occident de plus de 20 pour cent en 1980 à près de zéro aujourd’hui. Dans ce contexte, le danger d’évoluer vers la technocratie serait réel; ce qui justifierait le recours calculé et circonscrit à cette formule à un nombre limité de décisions, comme par exemple les pensions. La concession aux autorités locales de fonctions plus nombreuses irait dans le même sens[1][1]. Mais la suggestion la plus puissante découlant de notre analyse consisterait à imposer des règles plus restrictives aux législateurs: par exemple la règle de décision à plus de 50 pour cent des assemblées législatives, aux deux-tiers ou plus, dans toutes les décisions susceptibles de gonfler les budgets et les contraintes aux citoyens. L’adoption de compressions aux budgets et à la fiscalité, elle, se maintiendrait à 50 pour cent. La tâche assignée ne sera pas facile, mais le coût de l’inaction à long terme serait énorme. L’avantage de cette sorte de réforme serait par contre imposant. La société qui l’adopterait prendrait l’avance sur ses voisines aux plans humains et économiques. L’accès à la liberté et aux droits de l’individu constitue la tradition qui a propulsé l’Europe d’abord, les États-Unis ensuite, vers le progrès et la richesse. A cet égard, le Québec étant l’une des communautés qui a le plus souffert de l’étatisme, il a le plus à gagner à réinventer l’État.

Dans son histoire récente, la société québécoise a particulièrement misé sur l’appareil orwellien de l’État pour réaliser le progrès et la prospérité, en gâtant  les riches «baby boomers» de son excessive générosité. Elle a, plus que presque partout ailleurs, combiné le vieillissement de la population et la poussée des coûts de la santé. La vision élitique et discréditée qui a présidé à la révolution dite tranquille, mais qu’on qualifierait mieux de bureaucratique, a entrainé la société québécoise à sa suite, en faveur de l’amplification de nos retards et de l’émigration consécutive. L’occasion est venue de persuader les votants et les gouvernements d’accepter les contraintes constitutionnelles à la tentation naturelle de l’État de se gonfler. La consigne est claire: moderniser, par des règles du jeu pragmatiques, une institution étatique surchargée de responsabilités qui ne lui reviennent pas.

[1][1] Le gouvernement québécois projette déjà d’abaisser ses subventions aux municipalités de 300 millions.

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Conclusion: Le capitalisme, seule source de la hausse du niveau de vie

Le 8 juillet 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-Capitalisme-Juill16

La piètre croissance du Québec s’avère donc la recette infaillible pour garantir l’émigration de sa population, l’étiolement progressif du français et sa marginalisation ultime. Si le français est menacé, c’est parce que le milieu où s’exprime cette langue languit depuis les années 60 et qu’il offre moins d’opportunities aux Québécois. Peut-on vraiment espérer que le français progresse dans une économie où, faute de dynamisme, la population stagne, le marché de l’emploi est anémique et la croissance s’inscrit en-dessous des territoires qui nous entourent? Toute tentative de balkaniser une société de petite taille au nom de l’identité culturelle ou du multiculturalisme est une menace à la culture qu’on prétend assister. Le fétiche souverainiste est l’expression ultime de cette vision protectionniste de la culture. D’autant plus que la baisse des barrières commerciales a réduit le coût d’être une société de petite taille. Ce qui explique sans doute que le souverainisme ait perdu son audience. Le salut et le rayonnement du français chez nous ne passent ni par l’État québécois, ni par l’État canadien. C’est vous et moi qui ferons l’essor de la culture à la façon de nos ancêtres, non pas la panacée étatiste.

La vision économique, léguée par notre premier maître Adam Smith, repose sur le principe que le commerce libre entre individus et organisations décentralisées est seul capable de créer la richesse et le bien-être. Il en est la pré condition. Selon l’enseignement d’Adam Smith, le progrès économique résulte de contrats entre individus. La civilisation, selon Stuart Mill, ne peut avancer que si les gens jouissent du maximum de liberté de développer leur propre pensée.  Même en acceptant que l’État doive prendre des décisions qu’il faut appuyer, il nous faut reconnaître que chaque intervention diminue la liberté. L’État doit laisser le capital trouver sa plus haute rentabilité; laisser les biens trouver leur prix, la paresse sa punition naturelle, l’industrie sa propre récompense.  Le marché récompense le travail, l’investissement, l’épargne, la productivité, les relations humaines en somme. Une main invisible suscite des comportements socialement et économiquement désirables. Le marché repose sur la responsabilité individuelle. Cette pensée n’est pas l’expression d’une idéologie particulière; elle repose sur l’observation méthodique de la réalité contemporaine. Là où les droits de propriété et la liberté de choisir sont protégés, les marchés modérément libres et le fardeau réglementaire et fiscal léger, le taux de croissance est élevé et l’innovation florissante. Là où le fardeau fiscal, le poids réglementaire et l’instabilité politique sont grands, le progrès économique ralentit[1][1]. Le choix est statistiquement net: croissance et prospérité pour tout le monde par le marché et l’ouverture au monde, ou sous-développement permanent par l’égalitarisme et le redistributionisme d’État.

En 1900, pas un seul pays ne jouissait de ce que l’on considère aujourd’hui une démocratie. En l’an 2000, Freedom House classifiait 120 pays englobant 63 pour cent de la population comme démocratiques. La démocratie, dans ses règles traditionnelles, est la forme de gouvernement la plus favorable à la liberté…sans la garantir cependant. La démocratie du XXIe siècle souffre de problèmes graves. Les économistes de la tradition «public choice», associés à James Buchanan, ont été les premiers à reconnaître ses lacunes, avant même les analystes politiques. Ils ont tôt reconnu que les politiciens démocratiques s’assujettiront aux pressions de leur électorat, comme le confirme l’histoire du XXe siècle. Ils gonfleront les déficits et sous-investiront en infrastructures. On observe d’ailleurs que les votants n’éprouvent guère de respect pour les gouvernements que la démocratie leur a légués. Paradoxalement, ils estiment que la démocratie ne mérite aucune critique. Ils déplorent la pratique, mais ne contestent jamais la théorie. Ils attendent surtout toujours plus de l’État démocratique. En un mot, dédain du gouvernement, mais dépendance accrue à son endroit. Le libre choix en politique ne peut fleurir que sous un régime de libre choix dans le marché.

[1][1]Illustré abondamment dans Micklethwait et Wooldridge, op. cit.

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A compter des années 1960 au Québec, étatisme asservissant

Le 9 juin 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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On peut argumenter qu’au cours des années 60 le Québec s’est libéré d’un certain fondamentalisme religieux asservissant. Il s’est par contre assujetti à une idéologie plus asservissante que la ferveur qui a caractérisé sa foi religieuse traditionnelle. Cet asservissement a nom étatisme, contrôle de l’État. Cette évolution idéologique n’est pas unique au Québec. Le Canada dans son ensemble a opté pour un régime de bien-être public du berceau à la tombe. Mais au Québec, le mouvement en faveur de l’étatisation s’est tout simplement avéré plus prononcé qu’ailleurs au pays et en Amérique du Nord en général. En somme, le Québec a importé le modèle européen.

Relativement aux États-Unis, l’ensemble du Canada est devenu plus syndiqué, plus à l’abri de la concurrence étrangère; ses entreprises ont fait l’objet de subventions généralisées et le fardeau fiscal s’y est fortement alourdi (38.4% du PIB en 2011 contre 32,0% aux USA). On songe ici aux États-Unis traditionnels qui se sont faits les leaders mondiaux dans la promotion de la démocratie et du libre marché. Les sceptiques mettront en doute la récente évolution de ce pays comme promoteur de ces vertus. Les États-Unis se sont polarisés. Par exemple, de nombreux démocrates refusent de couper les dépenses, tandis qu’un grand nombre de républicains s’opposent à toute forme d’alourdissement du fardeau fiscal.

En 2012, le coût des campagnes électorales s’élevait à 6,3 milliards, deux fois le montant de l’an 2000. Près de 12000 lobbyists s’agitent à Washington à un coût de 2,4 milliards. La complexité des lois facilite l’insertion de privilèges spéciaux. En Grande-Bretagne, le membership des parties politiques est tombé de 20 pour cent de la population en âge de voter en 1950, à 1 pour cent. Ce mouvement universel s’est donc accompagné d’une perte de liberté individuelle dans tout l’Occident.

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Autres formes de protectionnisme

Le 29 avril 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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On peut aller plus loin dans l’interprétation du protectionnisme. Posons d’abord que l’implantation du commerce libre hausse les salaires, c.-à-d. la rémunération du facteur le plus abondant qu’est le travail. Or les votants sont aussi des travailleurs. La démocratie semblerait donc conférer à une tranche élargie de la population le bénéfice de salaires accrus. On devrait prédire le recul du protectionnisme avec l’avènement du régime démocratique. Le fait est que depuis la deuxième guerre mondiale, les tarifs ont baissé. De 1981, année où le monde comptait une quarantaine de démocraties,  à 2003 où leur nombre avait plus que doublé, le tarif moyen des pays sous-développés a diminué de plus de la moitié, soit de 30% à moins de 15% (Kono 2006). Ce résultat reste trompeur. L’instrument tarifaire a sans doute reculé, mais les autres formes de protectionnisme mieux déguisées ont connu une recrudescence inégalée dans l’histoire. On les désigne souvent dans le monde politique comme des «sauvegardes», des instruments de protection sanitaire, du contingentement, des droits antidumping ou même des «restrictions volontaires à l’exportation». La réalité est que, si les barrières tarifaires ont baissé, les autres barrières ont gagné du terrain. Selon les calculs de Kono, la part des importations touchée par ces variétés de protectionnisme a gagné sept points en pour cent. Vingt pour cent des importations font l’objet de dispositions sanitaires, contre seulement neuf pour cent il y a vingt-cinq ans.

L’interprétation analytique de cette évolution reste la même: l’obscurité dans laquelle baignent ces outils protectionnistes dans l’esprit des masses. Kono les décrit comme des formes politiquement «optimales d’obscurité». La masse des votants peut à peine les distinguer dans le déluge d’interventions qui caractérisent les choix publics contemporains. Le politicien libre-échangiste pourra peut-être convaincre l’électorat que ses adversaires choisissent de frapper son lait ou sa voiture de tarifs qui lui valent des prix exorbitants dans ses achats. De discerner l’impact ou la signification d’une mesure sanitaire ou antidumping devient une démarche plus subtile. Peut-on raisonnablement s’élever contre une politique qui vise à protéger la santé et la sécurité publique? Qui oserait publiquement sacrifier la tortue marine dans les filets de pêcheurs au profit de crevettes moins chères?  Ces questions valent d’être posées, puisque les pays les plus soucieux de sécurité, de santé, de qualité et de pureté environnementale à la frontière, ne s’avèrent comme par hasard pas plus empressés d’appliquer les mêmes standards à l’intérieur. Dans la même veine, d’autres pays, comme le Mexique, se sont montrés particulièrement sévères à l’endroit du dumping pour gagner l’adhésion populaire au Traité de Libre-échange nord-américain.

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Protectionnisme, fardeau pour les consommateurs et exportateurs, bénéfice pour les industries protégées

Le 21 avril 2016 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

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Toutes les mesures protectionnistes que sont les tarifs douaniers, le contingentement (voitures japonaises entre autres), les autres barrières non tarifaires et les subventions aux producteurs nationaux ne se comprennent que comme une conspiration légalisée des détenteurs de facteurs de production pour extraire une richesse accrue aux consommateurs et aux exportateurs. Coûts diffus à travers toutes les industries d’exportation et les consommateurs, bénéfices concentrées dans les industries protégées. On peut dire que le nationalisme et le protectionnisme puisent leur inspiration à la même source en ce qu’ils sont tous deux des phénomènes de redistribution. En ce sens le nationalisme se distingue du patriotisme par lequel les gens eux-mêmes acceptent des sacrifices dans leurs échanges marchands pour favoriser leurs proches.

Depuis deux siècles, l’illusion persiste que la prospérité d’un pays repose sur les exportations, tandis que les importations constituent un mal nécessaire, regrettable. Le pendant de cette hérésie s’exprime dans la publication des chiffres sur la balance commerciale. On donne l’impression qu’un surplus commercial est, comme un profit, une bonne chose, un déficit une perte. Sait-on que pendant 350 des 400 dernières années de leur histoire, la balance commerciale des États-Unis était en déficit au compte marchandises? En vertu de cette vision erronée, les gouvernements doivent protéger les industries nationales contre les importations et en particulier subventionner les entreprises tournées vers l’exportation. Pendant la bataille référendaire d’octobre 1995, le président de Bombardier fondait son opposition au séparatisme sur le fait que le gouvernement provincial n’avait pas la taille fiscale suffisante pour perpétuer l’octroi de subventions à des firmes exportatrices comme la sienne. Le mercantilisme n’avait aucun fondement au XVIIIe siècle lorsque Adam Smith l’a démasqué. Il en a encore moins au XXIe dans un monde de plus en plus intégré, à taux de change variable.

Il n’est pas toujours facile pour les non initiés de comprendre les avantages du libre-échange. Il faut pour les appréhender faire intervenir une démarche théorique. La transition à opérer pour les régions et les employés touchés est souvent douloureuse. À l’intérieur du pays ou d’une province, on comprendra aisément que le commerce intérieur détruise des emplois dans une région, mais qu’il en crée d’autres et de meilleurs dans une autre région du même territoire. S’agissant du commerce extérieur, c’est à l’étranger que les emplois se créent directement, mais c’est à l’intérieur qu’ils se perdent. L’instinct spontané des profanes est de croire que les barrières à l’importation (ou l’octroi de subventions à l’exportation) suscitent l’emploi. Il n’en est rien pourtant. Au contraire, tout obstacle à l’importation comprime l’exportation. A la limite, comment les étrangers pourraient-ils acheter chez nous, si on n’importe rien d’eux? Mieux encore, la baisse des prix et des coûts qui accompagnera l’importation suscitera indirectement l’expansion consécutive de la production intérieure et stimulera l’emploi. C’est l’ensemble de la population qui profite des bienfaits du commerce, tandis que les coûts se concentrent sur quelques groupes d’intérêt dans des industries circonscrites. La thèse du libre-échange ne repose même pas sur la réciprocité, c.-à-d. sur son adoption universelle. Son fondement réside plutôt dans les avantages qu’encaisse le pays qui le pratique indépendamment des «concessions» consenties par les autres. En mots plus directs encore, ce sont les populations du pays qui se protège qui absorbent les pertes en prix accrus, en concurrence réduite et en productivité diminuée.  Mais au plan politique, l’ignorance rationnelle des gens suscitera la perception d’une asymétrie entre exportations et importations.

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Syndicalisation, grèves et salaire minimum au Québec

Le 14 avril 2016 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

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On doit donc lier notre performance désastreuse en matière d’emploi à la concentration de pouvoir dans les monopoles syndicaux découlant des lois sur les relations de travail. Au-delà de l’importance plus grande du secteur public dont nous avons fait état ci-dessus, c’est donc le biais systématique des lois québécoises du travail qui explique le taux de syndicalisation supérieur qu’on observe au Québec. Parmi les dispositions législatives qui ont contribué à consolider le monopole des syndicats, rappelons que le Québec est affublé du plus haut de syndicalisation en Amérique du Nord,  40% de la main-d’œuvre, (24,7 % en Alberta et 28,3 % en Ontario, 32,4% pour l’ensemble du Canada). En cette matière, le Québec occupe le dernier rang au Canada et le dernier en Amérique, 60e sur 60. Or les 5 territoires des États-Unis et du Canada marqués du plus haut taux de syndicalisation souffrent de niveaux de chômage de 78,5% supérieurs (taux de chômage de 8,5%) au taux caractéristique des  5 juridictions (taux de chômage de 4,7%) qui comptent les plus faibles taux de syndicalisation. Il en va de même de la sévérité et de la durée du chômage. Dans les 5 juridictions les plus syndiquées, 23 % des chômeurs souffraient de cette condition depuis plus de 27 semaines. C’était le cas de moins de 11,5% des chômeurs dans les juridictions les moins syndiquées, donc la moitié moins.

La loi québécoise rend aussi obligatoire, sinon l’appartenance au syndicat de l’entreprise, du moins le paiement de la cotisation syndicale (formule Rand). Nonobstant les énoncés pieux des lois et les serments des milieux intellectuels, la liberté d’association en milieu de travail, c.-à-d. le syndicalisme libre n’existe pas chez nous.  C’est la monopolisation coercitive de la main-d’œuvre qu’on appelle  syndicalisme; la contrainte est générale au Canada, mais de nombreux États américains reconnaissent légalement le droit au travail libre (Right-to-Work Legislation). Le Canada est le seul pays, avec l’Australie, à imposer sans restrictions la cotisation syndicale ou le membership syndical. Une fois qu’un syndicat est accrédité dans une entreprise ou une industrie entière, tous les employés sont régis par le syndicat, soumis à la cotisation et aux conditions spécifiées dans la convention, même les employés qui n’adhèrent pas au syndicat et qui voudraient offrir leurs services à des conditions différentes. L’employé jouit du droit de s’associer, mais pas du droit de ne pas s’associer.

La loi québécoise rend l’accréditation d’un syndicat plus facile que dans la plupart des provinces : mise en branle du processus dès que 35% (50% dans d’autres provinces) des employés ont acquis une carte de membre, pas de vote secret nécessaire, et accréditation automatique dès que 50% des employés détiennent une carte de membre. L’accréditation est aussi plus facile que la désaccréditation, en ce qu’alors le vote secret devient nécessaire.

Contrairement à la moitié des provinces, le recrutement d’employés au cours d’une grève est interdit et la réembauche garantie à la fin du conflit (loi anti scabs). La seule insertion dans les règles de convention collective d’une disposition anti-briseurs de grève multiplie de 13% le nombre de grèves (Cramton et Tracy, 1995). Dans les années 90, les employés canadiens sont allés 6 fois plus en grève que leurs contreparties américaines. Les grèves durent plus longtemps aussi et coûtent 2 millions de dollars de plus par grève. Le piquetage secondaire en cas de grève (chez un fournisseur ou un client commercial) est permis, bien que sujet à la discrétion d’une cour de justice; il est interdit en Alberta et en C.-B.;

L’employeur québécois doit donner au syndicat un avis d’implantation de changements technologiques, au grand détriment de l’innovation et de l’investissement ; c’est le cas de quatre autres provinces seulement. Contrairement à quatre autres provinces, en cas de litige dans l’application de la convention collective, l’arbitrage est immédiatement obligatoire et exécutoire, sans possibilité d’autres recours;

En matière d’emplois syndiqués dans le secteur public, à 18,5 % de l’emploi total (14,3% en Alberta, 13,9 % en Ontario), c’est à la 53e place que se classe le Québec. Par l’effet de monopolisations publiques d’industries entières, plus marquées au Québec, comme l’éducation, les services municipaux et la santé, la centralisation des négociations dans le secteur public confère un pouvoir illimité aux monopoles syndicaux.

Le Québec paie le plus haut salaire minimum (relativement au PIB par tête) au Canada et en Amérique du Nord. C’est le chômage des moins qualifiés qui écope. D’autres contraintes légales sont exclusives au Québec, comme l’extension des décrets dans des dizaines d’industries, qui, à l’exemple des pratiques françaises, élargissent le pouvoir du syndicat à l’ensemble de la province en uniformisant les conditions de travail.

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Autres restrictions syndicales et salariales au Québec

Le 7 avril 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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La loi québécoise rend l’accréditation d’un syndicat plus facile que dans la plupart des provinces: mise en branle du processus dès que 35% (50% dans d’autres provinces) des employés ont acquis une carte de membre, pas de vote secret nécessaire, et accréditation automatique dès que 50% des employés détiennent une carte de membre. L’accréditation est aussi plus facile que la désaccréditation, en ce qu’alors le vote secret devient nécessaire.

Contrairement à la moitié des provinces, le recrutement d’employés au cours d’une grève est interdit et la réembauche garantie à la fin du conflit (loi anti scabs). La seule insertion dans les règles de convention collective d’une disposition anti-briseurs de grève multiplie de 13% le nombre de grèves (Cramton et Tracy, 1995). Dans les années 90, les employés canadiens sont allés 6 fois plus en grève que leurs contreparties américaines. Les grèves durent plus longtemps aussi et coûtent 2 millions de dollars de plus par grève. Le piquetage secondaire en cas de grève (chez un fournisseur ou un client commercial) est permis, bien que sujet à la discrétion d’une cour de justice; il est interdit en Alberta et en C.-B.;

L’employeur québécois doit donner au syndicat un avis d’implantation de changements technologiques, au grand détriment de l’innovation et de l’investissement; c’est le cas de quatre autres provinces seulement. Contrairement à quatre autres provinces, en cas de litige dans l’application de la convention collective, l’arbitrage est immédiatement obligatoire et exécutoire, sans possibilité d’autres recours;

En matière d’emplois syndiqués dans le secteur public, à 18,5 % de l’emploi total (14,3% en Alberta, 13,9 % en Ontario), c’est à la 53e place que se classe le Québec. Par l’effet de monopolisations publiques d’industries entières, plus marquées au Québec, comme l’éducation, les services municipaux et la santé, la centralisation des négociations dans le secteur public confère un pouvoir illimité aux monopoles syndicaux.

Le Québec paie le plus haut salaire minimum (relativement au PIB par tête) au Canada et en Amérique du Nord. C’est le chômage des moins qualifiés qui écope. D’autres contraintes légales sont exclusives au Québec, comme l’extension des décrets dans des dizaines d’industries, qui, à l’exemple des pratiques françaises, élargissent le pouvoir du syndicat à l’ensemble de la province en uniformisant les conditions de travail.

Monopole syndical et évolution de l’investissement en R&D

Une fois implanté, l’investissement en R&D devient immobile, en ce qu’il en coûterait prohibitivement cher de le déplacer. Le capital ainsi immobilisé devient l’objet de chantage de la part du monopole syndical qui cherchera à s’approprier le rendement de l’investissement en R&D, sous forme de salaires accrus et de conditions améliorées. Pour s’en défendre les employeurs comprimeront à long terme leurs investissements en R&D. Une récente étude (Betts, Odgeros, et Wilson, 2001) confirme cette prédiction en établissant une relation négative étroite entre le taux d’investissement en R&D d’une part (dépenses de R&D/unité d’output) et le degré de syndicalisation dans 13 industries canadiennes, entre 1968 et 1986.  Le Canada se situe désormais au 14e rang des 27 pays de l’OCDE en matière de taux d’investissement en R&D. Un taux moyen de syndicalisation au Canada s’accompagne d’une baisse de 28 à 50% des dépenses de R&D. Dans une industrie donnée, la R&D tombe de 40% quand on passe de l’entreprise moins syndiquée (25e rang percentile) à l’entreprise plus syndiquée (75e rang). Ultimement, c’est la croissance économique générale qui en souffre.

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Mesure du fardeau réglementaire au Canada

Le 17 mars 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Fardeau administratif  issu du gouvernement canadien

Sait-on qu’Ottawa à lui seul, ajoute chaque année près de 1 200 nouvelles réglementations à son arsenal de contrôle? C’est plus de 5 000 pages de nouvelles contraintes par année, plus de 3 pages et demie chaque jour de l’année. Selon le Conseil du Trésor, ce n’est pas moins de 640 000 employés du secteur public, fédéral, provincial ou municipal, qui s’activent à temps complet à rédiger et appliquer les régulations. Et donc pas moins de 20% des fonctionnaires des gouvernements, des hôpitaux, des municipalités et des commissions scolaires, qui sont affectés à cette tâche. La régulation est aussi camouflée en ce que la plupart du temps elle est soustraite à l’approbation du Parlement et donc n’apparaît nulle part au budget public. Seulement 20% des régulations fédérales émanent du Parlement. C’est le Cabinet fédéral ou la myriade d’agences fédérales (la Commission de la Radio Télévision, l’Agence de la sécurité aérienne, Transport Canada) qui proclament le reste, de l’autorité qu’ils n’ont pas. Noter que cette tradition ne déplaît pas aux législateurs. Elle leur évite d’avoir à prendre position eux-mêmes sur une multitude de sujets controversés.

Fardeau administratif issu du gouvernement québécois   

En 2003, on comptait environ 473 lois et 2345 règlements au Québec. Ces documents couvraient 15 000 et 21 000 pages respectivement. Les lois et règlements adoptés dans la seule année 2002 faisaient 8 789 pages de la Gazette officielle. De 1975 à 1980, c’est entre 7 000 et 8 000 pages de textes qui étaient adoptées chaque année. La moyenne a baissé à environ 6 000 dans les années 80, pour remonter de plus belle à 7 500 par la suite.

Les entreprises québécoises doivent se conformer, chaque année, à une multitude de formalités administratives, demandes d’autorisation, immatriculations et production de rapports. Au total, ces formalités donnent lieu à plus de 17 millions d’opérations. Nonobstant les prétentions du gouvernement québécois d’avoir allégé ses exigences réglementaires après le rapport des années 80 sur la déréglementation, de nouvelles contraintes réglementaires sont apparues en grand nombre depuis, notamment en matière d’emploi en général, et de prétendue «équité dans l’emploi» en particulier. Le rapport sur la déréglementation estimait que plus du tiers de l’économie québécoise tombait sous le coup de réglementations directes en matière d’entrée dans l’industrie, de quantité produites et de prix et salaires.

La contrepartie de cette armée de fonctionnaires publics se retrouve dans les entreprises, où, selon la Chambre de Commerce du Canada,  pas moins de 300 000 travailleurs (près de 3% de la main-d’œuvre privée) sont affectés à la tâche de s’astreindre aux millions de régulations fédérales et provinciales présentement en vigueur. Constatons enfin, avec le Groupe conseil sur l’allègement réglementaire (Lemaire), que les petites entreprises québécoises consacrent environ 15% de leurs revenus au traitement des formalités administratives fédérales et provinciales.

On peut aussi mesurer le fardeau de la régulation par son contraire: la dérégulation. Une étude s’emploie à examiner des épisodes de dérégulation survenus dans 7 industries (le transport aérien, le camionnage, le chemin de fer, les télécommunications, la poste et l’industrie du gaz et de l’électricité), dans 21 pays industriels, au cours de la période allant de 1975 à 1996. L’indice de régulation (difficulté d’entrer dans l’industrie, contrôle des prix, place de la propriété publique) retenu démontre que la régulation strictement industrielle a effectivement diminué au cours de la période, surtout aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. L’étude établit que la dérégulation a donné lieu à une expansion phénoménale des investissements dans les industries ainsi libérées, en conséquence de la baisse de prix et de la demande accrue, ainsi que par l’effet d’abaissement des coûts administratifs pour les firmes. En diminuant la régulation de 15%, on suscite l’expansion des investissements de 6 à 7%.

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La régulation étatique, fardeau camouflé aux consommateurs

Le 10 mars 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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On associe la plupart du temps l’interventionnisme d’État à la fiscalité et aux budgets de dépenses, dont la monopolisation publique directe. À bon droit. Mais la coercition d’État s’étend bien au-delà du poids fiscal. Il y a en particulier la régulation qui s’avère aussi lourde. Et la critique économique s’applique tout aussi bien aux activités réglementaires qu’aux budgets publics.

On entend par régulation l’imposition, par les gouvernements, de contrôles sur à peu près toutes les dimensions des entreprises et de nos vies professionnelles et personnelles, depuis nos contrats de mariage jusqu’à la grosseur des ouvertures dans les tétines de biberons d’enfants, aux images qu’on a le droit ou pas de regarder à la télévision, en passant par la quantité de lait qu’on a le droit de produire. La signification profonde de ce mécanisme réside dans le pouvoir qu’elle confère aux offreurs de se soustraire à la concurrence. C’est le régulé qui «capture» le régulateur et l’amène à régler ses décisions sur l’intérêt des producteurs aux dépens des consommateurs.

Toutes les régulations sectorielles qui concèdent le monopole à des entreprises particulières et perpétuent des raretés coûteuses et des prix artificiellement gonflés s’inscrivent dans la logique du transfert de richesse aux dépens des consommateurs. A l’ère de l’internet, le CRTC décrète en 2006 qu’il sera illégal pour les monopoles locaux de téléphone d’abaisser leur prix pour rivaliser avec la téléphonie par câble[1][1]. Il est interdit aux banques étrangères de concurrencer leurs contreparties canadiennes, à moins de constituer une entité distincte de la maison mère. La loi interdit la vente de margarine couleur beurre au Québec et les supermarchés doivent limiter leur personnel à quatre employés aux heures tardives du week-end pour protéger les dépanneurs. Wall Mart est victime d’un véritable jihad. Dans ses effets, cette forme de cartellisation, rappelons le, se distingue de la monopolisation publique pure en ce qu’elle diffuse le fardeau sur les consommateurs plutôt que sur les contribuables. Les industries les plus touchées se retrouvent dans l’agriculture (lait, volailles, céréales et œufs), dans l’industrie du taxi, de la téléphonie et de la radiotélévision, des institutions financières, de l’énergie dont le gaz naturel, dans le logement par le contrôle des loyers et, bien sûr, dans tout le marché du travail.

Jusqu’au milieu du dernier siècle, la population n’attendait pas grand-chose du gouvernement. Chacun pouvait mener sa vie suivant les principes personnels dictés par ses croyances et les contraintes qui l’encadraient. Les lois en vigueur n’affectaient pas immédiatement la vie des individus, ni celle de leurs entreprises. L’individu qui menait une vie honnête et s’employait à subvenir aux besoins de sa famille était jugé bon citoyen. Parce qu’elle vivait sous un régime de gouvernement limité, la population n’avait pas lieu de blâmer le gouvernement de ne pas régler les problèmes qui ne le regardaient pas. Cette convention implicite s’est rompue le jour où le législateur s’est avisé de poser que tout relevait désormais de sa responsabilité.

Désormais que les gouvernements prennent parti dans les affrontements qui divisent la population dans des matières morales qui touchent les gens dans leurs principes les plus profonds, l’aliénation se généralise. L’avortement, le port du turban dans la gendarmerie royale, du voile islamique à l’école publique, la discrimination active à l’endroit d’une multitude de minorités, le droit homosexuel dont le mariage entre gais, la langue d’affichage et de travail, les clauses du contrat de mariage, autant d’objets de controverse morale où le législateur prend parti contre la volonté de larges fractions de la population. À la maison ou au travail, une multitude de nouveaux risques physiques et psychologiques ont maintenant été identifiés, que notre ignorance présumée nous empêchait de reconnaître avant la clairvoyance, aussi présumée, du régulateur.

Tout employeur appréhende désormais de se retrouver en infraction d’une loi ou d’un règlement quelconque édicté par la CSST, le ministère de l’environnement, la Commission des droits de la personne, la police de la langue, et par quelques dizaines d’autres bureaucraties, dont les sous-fifres de l’équité dans l’emploi. Tout contribuable, individuel ou corporatif, doit craindre à tout moment d’avoir violé l’une ou l’autre des règles fiscales. Lorsque la prison guette l’agriculteur qui produit la quantité de lait qu’il juge optimale ou qui choisit de transporter ses céréales à la frontière, ou qui s’avise de cultiver des OGM, ou qui a recourt à la carabine pour se débarrasser de quelque encombrant rongeur protégé, il y a lieu de parler de harcèlement des citoyens.

A titre d’illustration de l’impact de la régulation, résumons le dernier travail paru sur la régulation des banques. (Barth, Caprio et Levine, 2006) Les auteurs établissent que la supervision des banques par l’autorité exerce un effet négatif sur leur développement, abaisse leur efficacité et élève la probabilité de crises financières. On découvre aussi que de hausser le ratio du capital au crédit offert par les banques n’exerce pas d’effet discernable. On peut aussi mesurer le fardeau de la régulation par son contraire : la dérégulation. Une étude récente s’emploie à examiner des épisodes de dérégulation survenus dans 7 industries (le transport aérien, le camionnage, le chemin de fer, les télécommunications, la poste et l’industrie du gaz et de l’électricité), dans 21 pays industriels, au cours de la période allant de 1975 à 1996. L’indice de régulation (difficulté d’accéder à une industrie, contrôle des prix, place de la propriété publique) retenu démontre que la régulation strictement industrielle a effectivement diminué au cours de la période dans certains pays, surtout aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. L’étude établit que la dérégulation a donné lieu à une expansion phénoménale des investissements dans les industries ainsi libérées, en conséquence de la baisse de prix et de la demande accrue, ainsi que par l’effet d’abaissement des coûts administratifs pour les firmes. En diminuant la régulation de 15%, on suscite l’expansion des investissements de 6 à 7%.

[1][1] Le Cabinet fédéral a par la suite renversé cette décision.

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Catégorie(s) : Articles Étiqueté : capitalisme, consommation, famille médiane, gouvernement, pouvoirs publics, régularisation

Centralisation des conventions collectives et baisse de l’activité économique

Le 11 février 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Nous nous en remettrons sur ce sujet à l’étude publiée récemment par la Banque Mondiale (2003). Les résultats confirment que la centralisation des négociations associée à la monopolisation publique et aux décrets ralentit les dépenses de recherche et de développement et réduit l’activité économique générale par le gonflement des salaires et des avantages sociaux. Souvent, elle ralentit la croissance de la productivité. La permanence d’emploi s’installe. Enfin, les conditions générales de travail (permanence, congés payés, congés de maladie, régime de retraite, longueur des heures de travail) l’emportent progressivement sur celles des travailleurs non soumis à cette forme de monopole de négociation.

La collectivisation des négociations s’exprime dans des contrats qui opposent des obstacles permanents au professionnalisme du personnel médical et au rendement. On assiste à la rigidification des horaires et des classifications qui gênent la créativité et l’excellence. Les clauses d’ancienneté se substituent à la compétence dans l’avancement. Les règles d’évaluation sont adoucies, quand elles ne sont pas purement absentes et le congédiement pour incompétence exclu. L’échelle des salaires récompense l’âge plutôt que le talent, exclut souvent toute forme d’incitation à l’excellence et interdit à la direction de récompenser l’effort supplémentaire et le succès.

Comme le rappelle R. Brenner (2001), la distribution des salaires se rétrécit aussi aux dépens des plus talentueuses et des plus dynamiques des infirmières.
Politique industrielle et subventions aux entreprises

À la différence de la monopolisation pure, la politique industrielle constitue un moyen indirect de subventionner les producteurs en pénalisant les contribuables. Tous les gouvernements prétendent pouvoir faire mieux que le marché pour déceler d’avance les industries gagnantes.  Tous ont fait la preuve qu’il s’agit d’une illusion coûteuse.[1][1]

Les chefs du gouvernement canadien réaffirment régulièrement leur foi inébranlable dans une stratégie industrielle nationale pour l’automobile, de même que pour l’industrie aérospatiale à qui ils promettaient leur prodigalité par le Technology Partnership Canada en faveur de l’aérospatial et de la défense.

Ce dernier organisme a depuis 1996 approuvé plus de 3 milliards en « contributions » au secteur privé. Comme il s’agissait en principe de « prêts » remboursables à même les rendements fabuleux des investissements, les estimations initiales prévoyaient le remboursement de 80%. La réalité révèle que c’est moins de 5% que les contribuables ont récupéré (Williamson 2006). Au même moment, le Comité des Communes sur l’Industrie concentrait arbitrairement son attention sur trois secteurs : le pétrole, le textile et le vêtement. Pas précisément des industries de pointe. Pourquoi ces trois industries plutôt que d’autres, bien malin qui pourrait y répondre. Le seul gouvernement canadien a gaspillé environ $5 milliards de fonds publics par année en faveur des entreprises et des agriculteurs, injectés par les tubes intraveineux que sont les agences régionales (dont le Bureau fédéral de développement régional—Québec), les politiques industrielles, les programmes d’infrastructure et de promotion technologique, les politiques de ressources (Hibernia) et de transport (rachat du programme de subvention au transport des céréales de l’Ouest), sans compter les budgets de la Corporation de développement des exportations.

Le régime de quasi monopole public qui régit nos forêts a valu des milliards de subventions à l’industrie du papier et du bois d’œuvre en droits de coupe artificiellement bas et en interdiction d’exporter le bois en billes. Il nous a aussi valu 25 ans de conflits perpétuels avec les producteurs américains. Le règlement intervenu en 2006 tient du même arbitraire, mais laisse au moins la porte ouverte à un régime de propriété privée si les provinces s’avisaient de s’en prévaloir.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : classe moyenne, gouvernement, pouvoirs publics, subvention

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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