Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Autres formes de protectionnisme

Le 29 avril 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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On peut aller plus loin dans l’interprétation du protectionnisme. Posons d’abord que l’implantation du commerce libre hausse les salaires, c.-à-d. la rémunération du facteur le plus abondant qu’est le travail. Or les votants sont aussi des travailleurs. La démocratie semblerait donc conférer à une tranche élargie de la population le bénéfice de salaires accrus. On devrait prédire le recul du protectionnisme avec l’avènement du régime démocratique. Le fait est que depuis la deuxième guerre mondiale, les tarifs ont baissé. De 1981, année où le monde comptait une quarantaine de démocraties,  à 2003 où leur nombre avait plus que doublé, le tarif moyen des pays sous-développés a diminué de plus de la moitié, soit de 30% à moins de 15% (Kono 2006). Ce résultat reste trompeur. L’instrument tarifaire a sans doute reculé, mais les autres formes de protectionnisme mieux déguisées ont connu une recrudescence inégalée dans l’histoire. On les désigne souvent dans le monde politique comme des «sauvegardes», des instruments de protection sanitaire, du contingentement, des droits antidumping ou même des «restrictions volontaires à l’exportation». La réalité est que, si les barrières tarifaires ont baissé, les autres barrières ont gagné du terrain. Selon les calculs de Kono, la part des importations touchée par ces variétés de protectionnisme a gagné sept points en pour cent. Vingt pour cent des importations font l’objet de dispositions sanitaires, contre seulement neuf pour cent il y a vingt-cinq ans.

L’interprétation analytique de cette évolution reste la même: l’obscurité dans laquelle baignent ces outils protectionnistes dans l’esprit des masses. Kono les décrit comme des formes politiquement «optimales d’obscurité». La masse des votants peut à peine les distinguer dans le déluge d’interventions qui caractérisent les choix publics contemporains. Le politicien libre-échangiste pourra peut-être convaincre l’électorat que ses adversaires choisissent de frapper son lait ou sa voiture de tarifs qui lui valent des prix exorbitants dans ses achats. De discerner l’impact ou la signification d’une mesure sanitaire ou antidumping devient une démarche plus subtile. Peut-on raisonnablement s’élever contre une politique qui vise à protéger la santé et la sécurité publique? Qui oserait publiquement sacrifier la tortue marine dans les filets de pêcheurs au profit de crevettes moins chères?  Ces questions valent d’être posées, puisque les pays les plus soucieux de sécurité, de santé, de qualité et de pureté environnementale à la frontière, ne s’avèrent comme par hasard pas plus empressés d’appliquer les mêmes standards à l’intérieur. Dans la même veine, d’autres pays, comme le Mexique, se sont montrés particulièrement sévères à l’endroit du dumping pour gagner l’adhésion populaire au Traité de Libre-échange nord-américain.

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Protectionnisme, fardeau pour les consommateurs et exportateurs, bénéfice pour les industries protégées

Le 21 avril 2016 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

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Toutes les mesures protectionnistes que sont les tarifs douaniers, le contingentement (voitures japonaises entre autres), les autres barrières non tarifaires et les subventions aux producteurs nationaux ne se comprennent que comme une conspiration légalisée des détenteurs de facteurs de production pour extraire une richesse accrue aux consommateurs et aux exportateurs. Coûts diffus à travers toutes les industries d’exportation et les consommateurs, bénéfices concentrées dans les industries protégées. On peut dire que le nationalisme et le protectionnisme puisent leur inspiration à la même source en ce qu’ils sont tous deux des phénomènes de redistribution. En ce sens le nationalisme se distingue du patriotisme par lequel les gens eux-mêmes acceptent des sacrifices dans leurs échanges marchands pour favoriser leurs proches.

Depuis deux siècles, l’illusion persiste que la prospérité d’un pays repose sur les exportations, tandis que les importations constituent un mal nécessaire, regrettable. Le pendant de cette hérésie s’exprime dans la publication des chiffres sur la balance commerciale. On donne l’impression qu’un surplus commercial est, comme un profit, une bonne chose, un déficit une perte. Sait-on que pendant 350 des 400 dernières années de leur histoire, la balance commerciale des États-Unis était en déficit au compte marchandises? En vertu de cette vision erronée, les gouvernements doivent protéger les industries nationales contre les importations et en particulier subventionner les entreprises tournées vers l’exportation. Pendant la bataille référendaire d’octobre 1995, le président de Bombardier fondait son opposition au séparatisme sur le fait que le gouvernement provincial n’avait pas la taille fiscale suffisante pour perpétuer l’octroi de subventions à des firmes exportatrices comme la sienne. Le mercantilisme n’avait aucun fondement au XVIIIe siècle lorsque Adam Smith l’a démasqué. Il en a encore moins au XXIe dans un monde de plus en plus intégré, à taux de change variable.

Il n’est pas toujours facile pour les non initiés de comprendre les avantages du libre-échange. Il faut pour les appréhender faire intervenir une démarche théorique. La transition à opérer pour les régions et les employés touchés est souvent douloureuse. À l’intérieur du pays ou d’une province, on comprendra aisément que le commerce intérieur détruise des emplois dans une région, mais qu’il en crée d’autres et de meilleurs dans une autre région du même territoire. S’agissant du commerce extérieur, c’est à l’étranger que les emplois se créent directement, mais c’est à l’intérieur qu’ils se perdent. L’instinct spontané des profanes est de croire que les barrières à l’importation (ou l’octroi de subventions à l’exportation) suscitent l’emploi. Il n’en est rien pourtant. Au contraire, tout obstacle à l’importation comprime l’exportation. A la limite, comment les étrangers pourraient-ils acheter chez nous, si on n’importe rien d’eux? Mieux encore, la baisse des prix et des coûts qui accompagnera l’importation suscitera indirectement l’expansion consécutive de la production intérieure et stimulera l’emploi. C’est l’ensemble de la population qui profite des bienfaits du commerce, tandis que les coûts se concentrent sur quelques groupes d’intérêt dans des industries circonscrites. La thèse du libre-échange ne repose même pas sur la réciprocité, c.-à-d. sur son adoption universelle. Son fondement réside plutôt dans les avantages qu’encaisse le pays qui le pratique indépendamment des «concessions» consenties par les autres. En mots plus directs encore, ce sont les populations du pays qui se protège qui absorbent les pertes en prix accrus, en concurrence réduite et en productivité diminuée.  Mais au plan politique, l’ignorance rationnelle des gens suscitera la perception d’une asymétrie entre exportations et importations.

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Profit de monopole aux syndiqués par l’étatisation

Le 28 janvier 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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La monopolisation de la production suscite l’apparition d’une rente, d’un profit, d’un surplus que quelqu’un voudra s’approprier. L’apparition de surplus suscite la convoitise. Elle donne lieu à ce que l’économiste désigne comme la course aux rentes, de la part de toutes sortes d’intérêts qui gravitent autour de l’industrie monopolisée.

L’une des constantes observées dans l’histoire de la monopolisation sectorielle veut que la cartellisation d’un secteur d’activité par l’étatisation favorise la monopolisation syndicale, c.-à-d. l’apparition d’un cartel des acteurs, soucieux de s’approprier sa part du surplus découlant de la concentration accrue de la structure de production.

Le principal obstacle à la modernisation de l’État réside souvent dans les syndicats du secteur public, qu’il s’agisse des enseignants, chez nous comme aux États-Unis ou des travailleurs du rail en France. En raison de sa structure centralisée, à l’image des vieilles entreprises industrielles, les firmes publiques sont plus faciles à organiser pour un monopole syndical que leur contrepartie privée. On a pu observer cette implication de l’analyse dans les secteurs de l’éducation, de la construction, du transport, de la santé, des télécommunications, de l’agriculture et ailleurs.

Dans certains cas, c’est le législateur lui-même qui a imposé la formation d’un monopole professionnel de représentation, comme dans l’éducation, la santé, l’agriculture et les corporations professionnelles. Le syndicalisme est devenu, au Québec et ailleurs, un phénomène étatique. Alors qu’un employé du secteur privé sur cinq appartient à un monopole syndical au Canada, le pourcentage grimpe à trois sur quatre dans le secteur public.

Le dénominateur commun de la plupart des grèves qu’on observe au Canada est qu’elles surviennent dans le secteur public. Il ne se passe pas d’années sans qu’on soit témoin ou victime d’une grève des enseignants, des infirmières, des fonctionnaires, des diffuseurs de Radio-Canada, quelque part au Canada. Pas étonnant puisque le gros des monopoles syndicaux s’observe dans le secteur public.

Dans l’ensemble du pays, les employés publics comptent pour 18% de la main-d’œuvre mais pour plus de la moitié des jours perdus en grève dans une année type. Certains analystes estiment même que la production publique devient dans ce contexte, non  pas une activité au service de la population consommatrice, mais plutôt une machine à fabriquer des jobs et des conditions favorables aux syndiqués. (R. Breton, 1999).

Que se passe-t-il dans les secteurs ainsi cartellisés?  En l’absence de monopolisation du secteur, la menace toujours constante d’apparition d’employeurs libres de syndicats sert de frein aux demandes syndicales.  La crainte d’attirer des producteurs concurrents, advenant que les salaires et donc les prix s’élèvent démesurément dans les firmes syndiquées, contribue à modérer les ambitions du monopole syndical.

Par contre, si l’étatisation limite l’entrée de producteurs concurrents, la contrainte au gonflement des salaires s’en trouve supprimée aux yeux du monopole syndical. La poussée des salaires et la compression de l’emploi suivent par la force des choses. En général, les salaires des syndiqués du secteur public, composantes importantes du coût ou du prix, montent plus rapidement que ceux du secteur privé. (Ferris et West, 1999).

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : capitalisme, économie, étatisation, gouvernement, grève, industrialisation, modernisation, monopolisation, Québec, syndicalisme

Régulation de l’économie plutôt que subventions dans l’économie américaine

Le 23 novembre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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On nous permettra un jugement global sur le contraste manifeste entre l’évolution de l’État aux États-Unis et ailleurs dans les démocraties des pays avancés au cours des quelque trois derniers quarts de siècle d’envahissement étatique. L’économie américaine est sans contredit la plus vaste, la plus concurrentielle, la plus dynamique de l’époque moderne. Les facteurs de production, dont le travail en particulier, y sont le plus mobiles, l’innovation et l’entrepreneurship le plus florissants.

Dans le langage que nous retenons, l’offre dans tous les secteurs est plus élastique que partout ailleurs. La prédiction que nous dégageons de notre hypothèse est que la fiscalité ou l’aide y occuperait moins de place et que l’intervention prendrait surtout la forme de régulation. Or la réalité globale est qu’en effet les subventions explicites aux entreprises y occupent une place moins large que partout ailleurs, de même que les entreprises publiques et le recours à la politique industrielle ou régionale. Les contribuables font moins qu’ailleurs les frais des faveurs aux producteurs. La régulation industrielle par contre et, dans une moindre mesure, le protectionnisme extérieur, sont des instruments d’État au moins aussi répandus que dans les autres régimes démocratiques, peut-être plus. Il existe peu d’agences de régulation au monde aussi puissantes et lourdes à porter pour les consommateurs que le Food and Drug Administration (FAA), le Federal Trade Commission (FTC), l’ICC (Interstate Commerce Commission) ou le Federal Commerce Commision.(FCC). La guerre réglementaire contre la cigarette, contre les aliments suspects, contre les véhicules utilitaires (les SUV en particulier) et en général contre les différentes formes de plaisirs populaires y est menée avec une force et une rigueur exceptionnelle.[1]

Néo corporatisme

Cette panoplie d’interventions au profit des producteurs entraîne l’émergence de ce qu’on peut appeler une forme de néo-corporatisme. Une longue tradition anticapitaliste enseigne que les «partenaires sociaux», éclairés idéalement par « la faculté », doivent collaborer à la solution des grandes questions nationales de l’heure, sous l’œil bienveillant et intégrateur de l’État. Les Québécois de formation classique se souviendront que l’Église locale retenait la doctrine corporatiste comme palliatif à l’individualisme postulé du régime de marché. Arrivés à la faculté dans les années 50, les étudiants d’économique ne manquaient pas de se moquer de ce modèle factice et un peu loufoque. Quelle ne fut pas notre stupéfaction de retrouver cette doctrine quelques années plus tard, au cœur du modèle retenu par la révolution tranquille. Les gouvernements successifs du Québec depuis Jean Lesage ont voulu faire des États généraux et de la participation, l’un des mécanismes essentiels de la recherche du « bien commun ». C’était leur façon d’exprimer leur foi dans la politique. Le contexte concurrentiel nord-américain nous a protégés des conséquences extrêmes de cette forme de cartellisation de l’économie, mais pas de toutes ses incursions dans les choix politiques effectifs. Au Québec, une quarantaine de secteurs, dont la construction, sont régis par cette forme d’étatisme qui a nom extension des conventions collectives à tout le territoire. La conjoncture politique nous offre régulièrement le spectacle de rassemblements formels des protégés de l’État conspirant contre le bien commun. On leur donne le nom trompeur de « concertation », « d’États généraux » ou de « démocratie sociale ». N’eût été que des aspirations de la classe politique et intellectuelle asservie au « modèle européen », le fléau du corporatisme nous aurait envahi.

Le plus récent lauréat Nobel d’économie, Edmund S. Phelds (2006), a rigoureusement démasqué cette forme de conspiration des groupes d’intérêt les mieux placés.  Il identifie deux régimes économiques en place en occident : Le capitalisme dynamique en Amérique du Nord et au Royaume-Uni d’une part; et l’autre, le régime qui régit l’Europe continentale de l’ouest que le Québec voudrait imiter. Le premier se distingue par la propriété privée et sa grande ouverture aux idées commerciales émanant des entrepreneurs. L’autre, bien qu’aussi réceptif à la propriété, se distingue par la mise en place d’institutions protectionnistes des intérêts, des partenaires sociaux. Ces derniers se composent des confédérations d’employeurs, des grands syndicats et, dans le cas européen, des grandes banques monopoles. Le modèle a nom « cogestion » et « conseils du travail », qui en Allemagne siègent aux conseils d’investissement des sociétés commerciales.  En France, c’est la « démocratie sociale » qui l’inspire; en Italie la « concertazione ». La finalité universelle de ces cartels est de faire obstacle au changement, telle la relocalisation des firmes ou l’entrée de nouvelles entreprises dans l’industrie.

[1] Il faut dire par ailleurs que la vérification exhaustive de notre hypothèse se complique du fait qu’une fois cartellisé par la régulation ou le protectionnisme, un secteur particulier devient en fait un monopole créé par l’État et donc susceptible de profiter des subventions sans risquer de susciter la concurrence.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : capitalisme, corporations, économie, Edmund S. Phelds, FAA, FCC, gouvernement, industrialisation, néo corporatisme, société

Politisation de la science et réchauffement de la planète

Le 26 août 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Bureaucrates, politiciens, écolos et leurs haut-parleurs dans les médias s’emploient à terroriser la population pour lui faire digérer l’intervention massive de l’État. La mortalité attribuée de façon absurde au smog sert à justifier le gaspillage gigantesque de ressources dans les moulins à vent et le transport en commun. Dans un monde d’ignorance rationnelle, les activistes peuvent rêver de nous imposer l’impossible Kyoto sous prétexte qu’il nous épargnera la dévastation future.

Le sens du protocole de Kyoto (rejeté par le Canada) fournira une deuxième illustration de la pensée grégaire et du biais rationnel en faveur de l’étatisme de la part de la masse de bonnes âmes, « des faux gentils ».[1] L’incertitude demeure sur l’origine du réchauffement climatique et surtout sur la part qu’on doit attribuer aux émissions humaines de gaz à effets de serre, plutôt qu’au magnétisme changeant du soleil, aux courants maritimes ou aux particules atomiques de la galaxie. Même si on accepte la validité de la thèse du réchauffement par l’homme, on peut dans cette matière adopter l’une ou l’autre de deux approches. La première exerce un impact direct et immédiat : faire appel à la régulation d’État pour freiner l’émission de gaz à effets de serre. On sait aujourd’hui que cette formule entraînera des coûts gigantesques, qu’elle condamnera de nombreux pays à rester pauvres, mais n’aura aucune incidence notable sur le réchauffement, tout au plus une réduction de moins de 0,1 de degré Celsius d’ici la fin du siècle.

La deuxième approche consisterait à s’en remettre à la discipline du marché pour susciter l’information et la motivation de s’adapter et de façon appropriée aux conditions nouvelles. Comme on l’a fait dans le passé d’ailleurs. Qu’on se rappelle qu’au début du XXe siècle, le problème urbain de l’heure découlait du fumier de cheval qui salissait les rues et empoisonnait l’atmosphère. C’est en peu de temps que le pétrole a évacué la question, dont la solution aurait été vraisemblablement retardée par les gouvernements du XXIe. Cette façon de faire, parce qu’indirecte, pourrait dans l’immédiat ne pas abaisser autant les émissions de CO2, mais, dans un avenir plus éloigné, elle susciterait notre adaptation aux circonstances nouvelles. Elle favoriserait l’innovation qui réduirait notre dépendance de l’énergie fossile, en même temps qu’elle garantirait la croissance et la liberté. À long terme, la logique du marché ferait plus pour ralentir le réchauffement (c’est à long terme qu’il se pose) que la méthode forte et directe de l’État. Comme pour le libre-échange, l’opération du marché reste souvent invisible et indirecte. Son modus operandi est difficilement accessible. La reconnaissance des droits de propriété et l’expansion consécutive du marché réalisent le miracle non seulement de multiplier la production de « ressources non renouvelables », mais encore de susciter l’apparition de nouvelles ressources et de nouvelles méthodes d’exploiter les anciennes.

Il faut malheureusement prévoir que telle ne sera pas l’option retenue. La flexibilité par le marché ne reçoit pratiquement pas d’appui dans le débat sur le réchauffement; peu de gens contestent que la solution doive venir du législateur. Non pas uniquement parce les bénéfices purement spéculatifs de l’action étatique auront entraîné la faveur d’un public rationnellement ignorant, mais parce que les énormes budgets bureaucratiques et les allocations de recherche comportent des avantages immédiats et concentrés dans les organisations « d’experts ». Dans un grand nombre de domaines, la science s’est politisée du fait que le financement public domine la recherche, surtout médicale et environnementale. Suivant la logique du ministre fédéral de l’environnement, c’est le consensus scientifique qu’il faut chercher désormais, non pas l’exploration de théories rivales et d’instruments concurrents associés à l’essai et l’erreur. Les agences publiques ne financent pas les théories rivales. La science et la politique sont devenues inextricablement liées, ce qui permet de passer du financement de la recherche sur le sida à l’aide internationale, de l’identification de plus de 100 oncogènes, dont aucun n’a été associé au cancer, à la régulation de tous les produits chimiques et à l’interdiction des aliments génétiquement modifiés.

Les gestes « audacieux » et immédiats se vendent mieux à un public rationnellement ignorant et inspiré par la peur, même si les bénéfices à court terme découlent exclusivement de leur apparence plutôt que de leur contribution effective à la solution d’un problème. Le politicien lui-même trouvera plus facilement dans ces gestes le moyen de s’arroger le crédit, que de solutions marchandes plus productives mais indirectes.

[1] L’expression est de Rioufol (2004)

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : bureaucratie, économie, Etat, gaz à effet de serre, gouvernement, industrialisation, pouvoirs publics, protocole de Kyoto, réchauffement climatique, société, système politique

Conscience du marché, remède historique à la pensée groupiste

Le 24 juillet 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Pour surmonter ces préjugés primitifs et le fait que la société ait évolué tellement plus vite que notre cerveau, la sagesse civilisatrice impose « l’éducation » de soi et l’analyse plutôt que la simple rationalisation facile de la pensée interventionniste. L’homme ne fait pas naturellement l’appréciation d’un mécanisme aussi vaste et complexe que le marché, tandis que l’effet direct et apparent du salaire minimum ou du contrôle des loyers exerce toujours leur fascination sur nos esprits malgré leur échec ultime incontournable. Cette démarche facile et primitive est décrite par Sowell[1] comme le fait de limiter sa réflexion au « stade un de la pensée ».

Cet instinct primaire qui nous fait béatement percevoir l’État comme le chef protecteur de la grande famille nationale a pourtant été surmonté, depuis moins de 10 000 ans, dans l’avènement du réseau complexe de coopération qu’on désigne aujourd’hui comme le marché, fondé sur la confiance entre étrangers. L’examen sérieux de cette question amène Jason Shogren à poser que c’est le commerce et la spécialisation consécutive qui sont ultimement responsables de l’existence de l’humanité. C’est par ce truchement, amorcé il y a 40 000 ans, que l’homo sapiens en serait venu à supplanter le néandertal et à s’installer comme la seule espèce humaine. Avant cette ère, selon la thèse d’un professeur de Toulouse[2], la coopération se limitait au réseau personnel des proches parents. Le partage des tâches avec des membres non génétiquement reliés et la spécialisation du travail entre membres de la même espèce mais en dehors de la famille, sont des phénomènes uniques à l’espèce humaine. C’est la capacité de calculer rationnellement les bénéfices de la coopération, de la main invisible, qui aurait suscité ce déterminant de la vie économique moderne.

De l’avis de l’auteur, cette tournure des choses s’avère la dimension la plus invraisemblable et surprenante de l’évolution. La fantastique capacité du marché de multiplier sans cesse les innovations et d’offrir une infinie variété de biens et de les répartir selon l’intensité des préférences de milliards d’acheteurs volontaires, tient du merveilleux. Et cette forme de décentralisation définit la liberté même, qui, l’histoire et l’analyse le démontrent, est inconciliable avec la planification centrale. Malheureusement, s’agissant de la perception de l’autorité, elle n’a pu faire le poids contre la vision paternaliste qui nous inspire toujours.

 

[1] Sowell, Thomas, Affirmative Action Around the World: An Empirical Study, 2004.

 

[2] Seabright, Paul, The Company of Strangers: A Natural History of Economic Life,                 Princeton University Press, mai 2004.

 

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : classe moyenne, industrialisation, revenu médian, société

Tendance centrale, non associée au revenu médian, mais à la classe moyenne

Le 24 avril 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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De nombreux auteurs jugent non concluante la relation empirique observée entre le revenu médian et le gonflement de l’État. Peltzman (1980) est l’un d’entre eux. Il retient, bien sûr, que la finalité essentielle de la politique reste essentiellement redistributionniste. Il aboutit à la conclusion que l’État croît démesurément là où les groupes qui partagent un intérêt commun dans cette croissance deviennent plus nombreux. Les intérêts homogènes qui y gagnent à l’expansion de l’État deviennent dès lors une source plus puissante de croissance du gouvernement. Or les temps modernes, qui dans ce schéma remontent surtout aux quelque 50 dernières années, sont marqués par ce qu’il est convenu d’appeler la montée de la classe moyenne. Les Européens préfèrent désigner ce phénomène comme la montée de la « bourgeoisie », qui comporte cependant une connotation plutôt péjorative.

Quoi qu’il en soit, la signification analytique de cette évolution s’exprimerait comme suit. L’homogénéisation caractéristique de la phase récente d’industrialisation correspond au nivellement des revenus à travers, non pas nécessairement toute la population, mais une part accrue de la population, soit la classe moyenne montante. Dans ce contexte, les écarts de revenus se nivellent au centre de la distribution. C’est surtout dans le rétrécissement de l’écart entre les travailleurs qualifiés et les non qualifiés (skilled-unskilled differential) que Peltzman dépiste le nivellement des revenus. L’auteur attribue et associe ce nivellement à la fin de l’exode massif des ruraux non qualifiés vers les villes. Ce sont les groupes qui composent la classe moyenne qui partagent donc des intérêts communs. Ce bassin électoral homogénéisé et élargi appuiera l’expansion de programmes spécifiques, telles l’éducation, la santé, la sécurité de la vieillesse, qui refilent aux revenus supérieurs une part du fardeau de ses aspirations qu’il partage avec le grand nombre. C’est dans ce bassin que le politicien puisera les appuis majoritaires qui lui valent le pouvoir. « L’embourgeoisement » typique du monde occidental vient donc élargir le bassin politique favorable à l’expansion du secteur public. Les conditions sont désormais réunies pour la surexpansion du secteur public par le redistributionnisme systématique. Le paradoxe est que la plus grande égalité au centre suscite une demande politique d’égalisation toujours plus prononcée. Maintenant que la majorité des femmes appartiennent au marché du travail dans la plupart des économies avancées, la priorité contemporaine accordée aux garderies publiques s’interprète directement par cette évolution.

Cette homogénéisation de la majorité n’implique nullement que tous les membres de ce regroupement profiteront également de chaque transfert de richesse que se vote la classe moyenne. Les couples sans enfants sortent manifestement perdants de l’implantation de l’enseignement public. Les subventions aux parents d’étudiants universitaires sont en partie assumées par les pensionnés plus âgés de l’État, qui appartiennent à la même classe sociale, et vice versa. Mais le bloc immensément large de mesures que forme la majorité lui vaudra au total des gains nets qu’il arrache aux revenus moyens supérieurs, mais des gains entremêlés de toutes sortes de brimades. Dans un monde d’interventionnisme généralisé, chacun se retrouve tôt ou tard victime d’exactions par ses semblables. Au total cependant, les intérêts sont suffisamment rapprochés pour entraîner l’adhésion majoritaire.

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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