Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Protectionnisme et préjugés anti importation

Le 20 mai 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Malheureusement, au plan politique, l’ignorance rationnelle des gens suscitera la perception d’une asymétrie entre exportations et importations. La restriction à l’importation entraîne directement des effets positifs et concentrés dans l’industrie protégée, mais des effets diffus et négatifs pour les consommateurs et les exportateurs. Les gains d’emplois sont évidents, tandis que les pertes découlant de la baisse des exportations se distribuent à travers la multitude des industries touchées. Le coût est diffus parce que porté par les entreprises d’exportation et leurs employés, de même que par les consommateurs. Les industries victimes de l’importation éprouvent plus le souci d’appeler au redressement politique et obtiendront pour cette raison l’oreille attentive des politiciens. Les industries d’exportation victimes de pertes marginales d’emplois et les consommateurs qui paieront quelques dollars de plus pour leurs achats peuvent ne pas même s’en rendre compte. Donc peu d’incitation à organiser la résistance politique au protectionnisme. Dans l’affrontement entre les libre-échangistes et les protectionnistes, ces derniers partent gagnants dans l’arène politique.

B. Caplan (2007) interprète l’appui généralisé en faveur du protectionnisme comme une exception au principe de la domination fréquente des groupes d’intérêt. Il note que depuis 1976 le nombre de ceux qui jugent les tarifs douaniers nécessaires l’emportent de loin sur ceux qui sympathisent avec le libre-échange. Il constate de même que le protectionnisme agricole reste populaire à 58%. Quatre-vingt pour cent des Américains souhaitent la hausse du salaire minimum. Dans notre perspective, la fausse perception des votants relève de l’ignorance rationnelle. Elle explique, on s’en souvient, que l’appui à ces politiques s’inspire de la pensée groupiste et elle donne bonne conscience aux tenants de la pensée anti marché. Elle explique également qu’en l’absence d’une analyse rigoureuse inconciliable avec l’ignorance rationnelle, les gens sous-estimeront les bénéfices sociaux du libre marché, particulièrement en matière d’échanges internationaux et de marché du travail. De toute façon, le débat public sur chaque question reste invariablement dominé par les groupes d’intérêt eux-mêmes qui ne manquent pas d’investir temps et argent pour perpétuer ce biais.

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Catégorie(s) : Articles Étiqueté : export, import, Industries, libre-échange, préjugés, protectionnisme

Autres formes de protectionnisme

Le 29 avril 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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On peut aller plus loin dans l’interprétation du protectionnisme. Posons d’abord que l’implantation du commerce libre hausse les salaires, c.-à-d. la rémunération du facteur le plus abondant qu’est le travail. Or les votants sont aussi des travailleurs. La démocratie semblerait donc conférer à une tranche élargie de la population le bénéfice de salaires accrus. On devrait prédire le recul du protectionnisme avec l’avènement du régime démocratique. Le fait est que depuis la deuxième guerre mondiale, les tarifs ont baissé. De 1981, année où le monde comptait une quarantaine de démocraties,  à 2003 où leur nombre avait plus que doublé, le tarif moyen des pays sous-développés a diminué de plus de la moitié, soit de 30% à moins de 15% (Kono 2006). Ce résultat reste trompeur. L’instrument tarifaire a sans doute reculé, mais les autres formes de protectionnisme mieux déguisées ont connu une recrudescence inégalée dans l’histoire. On les désigne souvent dans le monde politique comme des «sauvegardes», des instruments de protection sanitaire, du contingentement, des droits antidumping ou même des «restrictions volontaires à l’exportation». La réalité est que, si les barrières tarifaires ont baissé, les autres barrières ont gagné du terrain. Selon les calculs de Kono, la part des importations touchée par ces variétés de protectionnisme a gagné sept points en pour cent. Vingt pour cent des importations font l’objet de dispositions sanitaires, contre seulement neuf pour cent il y a vingt-cinq ans.

L’interprétation analytique de cette évolution reste la même: l’obscurité dans laquelle baignent ces outils protectionnistes dans l’esprit des masses. Kono les décrit comme des formes politiquement «optimales d’obscurité». La masse des votants peut à peine les distinguer dans le déluge d’interventions qui caractérisent les choix publics contemporains. Le politicien libre-échangiste pourra peut-être convaincre l’électorat que ses adversaires choisissent de frapper son lait ou sa voiture de tarifs qui lui valent des prix exorbitants dans ses achats. De discerner l’impact ou la signification d’une mesure sanitaire ou antidumping devient une démarche plus subtile. Peut-on raisonnablement s’élever contre une politique qui vise à protéger la santé et la sécurité publique? Qui oserait publiquement sacrifier la tortue marine dans les filets de pêcheurs au profit de crevettes moins chères?  Ces questions valent d’être posées, puisque les pays les plus soucieux de sécurité, de santé, de qualité et de pureté environnementale à la frontière, ne s’avèrent comme par hasard pas plus empressés d’appliquer les mêmes standards à l’intérieur. Dans la même veine, d’autres pays, comme le Mexique, se sont montrés particulièrement sévères à l’endroit du dumping pour gagner l’adhésion populaire au Traité de Libre-échange nord-américain.

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Catégorie(s) : Articles Étiqueté : bureaucratique, capitalisme, Commerce libre, gouvernement, industrialisation, influence politique, monopolisation, protectionnisme, votants

Protectionnisme, fardeau pour les consommateurs et exportateurs, bénéfice pour les industries protégées

Le 21 avril 2016 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

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Toutes les mesures protectionnistes que sont les tarifs douaniers, le contingentement (voitures japonaises entre autres), les autres barrières non tarifaires et les subventions aux producteurs nationaux ne se comprennent que comme une conspiration légalisée des détenteurs de facteurs de production pour extraire une richesse accrue aux consommateurs et aux exportateurs. Coûts diffus à travers toutes les industries d’exportation et les consommateurs, bénéfices concentrées dans les industries protégées. On peut dire que le nationalisme et le protectionnisme puisent leur inspiration à la même source en ce qu’ils sont tous deux des phénomènes de redistribution. En ce sens le nationalisme se distingue du patriotisme par lequel les gens eux-mêmes acceptent des sacrifices dans leurs échanges marchands pour favoriser leurs proches.

Depuis deux siècles, l’illusion persiste que la prospérité d’un pays repose sur les exportations, tandis que les importations constituent un mal nécessaire, regrettable. Le pendant de cette hérésie s’exprime dans la publication des chiffres sur la balance commerciale. On donne l’impression qu’un surplus commercial est, comme un profit, une bonne chose, un déficit une perte. Sait-on que pendant 350 des 400 dernières années de leur histoire, la balance commerciale des États-Unis était en déficit au compte marchandises? En vertu de cette vision erronée, les gouvernements doivent protéger les industries nationales contre les importations et en particulier subventionner les entreprises tournées vers l’exportation. Pendant la bataille référendaire d’octobre 1995, le président de Bombardier fondait son opposition au séparatisme sur le fait que le gouvernement provincial n’avait pas la taille fiscale suffisante pour perpétuer l’octroi de subventions à des firmes exportatrices comme la sienne. Le mercantilisme n’avait aucun fondement au XVIIIe siècle lorsque Adam Smith l’a démasqué. Il en a encore moins au XXIe dans un monde de plus en plus intégré, à taux de change variable.

Il n’est pas toujours facile pour les non initiés de comprendre les avantages du libre-échange. Il faut pour les appréhender faire intervenir une démarche théorique. La transition à opérer pour les régions et les employés touchés est souvent douloureuse. À l’intérieur du pays ou d’une province, on comprendra aisément que le commerce intérieur détruise des emplois dans une région, mais qu’il en crée d’autres et de meilleurs dans une autre région du même territoire. S’agissant du commerce extérieur, c’est à l’étranger que les emplois se créent directement, mais c’est à l’intérieur qu’ils se perdent. L’instinct spontané des profanes est de croire que les barrières à l’importation (ou l’octroi de subventions à l’exportation) suscitent l’emploi. Il n’en est rien pourtant. Au contraire, tout obstacle à l’importation comprime l’exportation. A la limite, comment les étrangers pourraient-ils acheter chez nous, si on n’importe rien d’eux? Mieux encore, la baisse des prix et des coûts qui accompagnera l’importation suscitera indirectement l’expansion consécutive de la production intérieure et stimulera l’emploi. C’est l’ensemble de la population qui profite des bienfaits du commerce, tandis que les coûts se concentrent sur quelques groupes d’intérêt dans des industries circonscrites. La thèse du libre-échange ne repose même pas sur la réciprocité, c.-à-d. sur son adoption universelle. Son fondement réside plutôt dans les avantages qu’encaisse le pays qui le pratique indépendamment des «concessions» consenties par les autres. En mots plus directs encore, ce sont les populations du pays qui se protège qui absorbent les pertes en prix accrus, en concurrence réduite et en productivité diminuée.  Mais au plan politique, l’ignorance rationnelle des gens suscitera la perception d’une asymétrie entre exportations et importations.

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Catégorie(s) : Articles Étiqueté : Etat, exportation, gouvernement, industrialisation, influence politique, libre-échange, Prospérité, protectionnisme, société

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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