Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Autres formes de protectionnisme

Le 29 avril 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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On peut aller plus loin dans l’interprétation du protectionnisme. Posons d’abord que l’implantation du commerce libre hausse les salaires, c.-à-d. la rémunération du facteur le plus abondant qu’est le travail. Or les votants sont aussi des travailleurs. La démocratie semblerait donc conférer à une tranche élargie de la population le bénéfice de salaires accrus. On devrait prédire le recul du protectionnisme avec l’avènement du régime démocratique. Le fait est que depuis la deuxième guerre mondiale, les tarifs ont baissé. De 1981, année où le monde comptait une quarantaine de démocraties,  à 2003 où leur nombre avait plus que doublé, le tarif moyen des pays sous-développés a diminué de plus de la moitié, soit de 30% à moins de 15% (Kono 2006). Ce résultat reste trompeur. L’instrument tarifaire a sans doute reculé, mais les autres formes de protectionnisme mieux déguisées ont connu une recrudescence inégalée dans l’histoire. On les désigne souvent dans le monde politique comme des «sauvegardes», des instruments de protection sanitaire, du contingentement, des droits antidumping ou même des «restrictions volontaires à l’exportation». La réalité est que, si les barrières tarifaires ont baissé, les autres barrières ont gagné du terrain. Selon les calculs de Kono, la part des importations touchée par ces variétés de protectionnisme a gagné sept points en pour cent. Vingt pour cent des importations font l’objet de dispositions sanitaires, contre seulement neuf pour cent il y a vingt-cinq ans.

L’interprétation analytique de cette évolution reste la même: l’obscurité dans laquelle baignent ces outils protectionnistes dans l’esprit des masses. Kono les décrit comme des formes politiquement «optimales d’obscurité». La masse des votants peut à peine les distinguer dans le déluge d’interventions qui caractérisent les choix publics contemporains. Le politicien libre-échangiste pourra peut-être convaincre l’électorat que ses adversaires choisissent de frapper son lait ou sa voiture de tarifs qui lui valent des prix exorbitants dans ses achats. De discerner l’impact ou la signification d’une mesure sanitaire ou antidumping devient une démarche plus subtile. Peut-on raisonnablement s’élever contre une politique qui vise à protéger la santé et la sécurité publique? Qui oserait publiquement sacrifier la tortue marine dans les filets de pêcheurs au profit de crevettes moins chères?  Ces questions valent d’être posées, puisque les pays les plus soucieux de sécurité, de santé, de qualité et de pureté environnementale à la frontière, ne s’avèrent comme par hasard pas plus empressés d’appliquer les mêmes standards à l’intérieur. Dans la même veine, d’autres pays, comme le Mexique, se sont montrés particulièrement sévères à l’endroit du dumping pour gagner l’adhésion populaire au Traité de Libre-échange nord-américain.

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Catégorie(s) : Articles Étiqueté : bureaucratique, capitalisme, Commerce libre, gouvernement, industrialisation, influence politique, monopolisation, protectionnisme, votants

Protectionnisme, fardeau pour les consommateurs et exportateurs, bénéfice pour les industries protégées

Le 21 avril 2016 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

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Toutes les mesures protectionnistes que sont les tarifs douaniers, le contingentement (voitures japonaises entre autres), les autres barrières non tarifaires et les subventions aux producteurs nationaux ne se comprennent que comme une conspiration légalisée des détenteurs de facteurs de production pour extraire une richesse accrue aux consommateurs et aux exportateurs. Coûts diffus à travers toutes les industries d’exportation et les consommateurs, bénéfices concentrées dans les industries protégées. On peut dire que le nationalisme et le protectionnisme puisent leur inspiration à la même source en ce qu’ils sont tous deux des phénomènes de redistribution. En ce sens le nationalisme se distingue du patriotisme par lequel les gens eux-mêmes acceptent des sacrifices dans leurs échanges marchands pour favoriser leurs proches.

Depuis deux siècles, l’illusion persiste que la prospérité d’un pays repose sur les exportations, tandis que les importations constituent un mal nécessaire, regrettable. Le pendant de cette hérésie s’exprime dans la publication des chiffres sur la balance commerciale. On donne l’impression qu’un surplus commercial est, comme un profit, une bonne chose, un déficit une perte. Sait-on que pendant 350 des 400 dernières années de leur histoire, la balance commerciale des États-Unis était en déficit au compte marchandises? En vertu de cette vision erronée, les gouvernements doivent protéger les industries nationales contre les importations et en particulier subventionner les entreprises tournées vers l’exportation. Pendant la bataille référendaire d’octobre 1995, le président de Bombardier fondait son opposition au séparatisme sur le fait que le gouvernement provincial n’avait pas la taille fiscale suffisante pour perpétuer l’octroi de subventions à des firmes exportatrices comme la sienne. Le mercantilisme n’avait aucun fondement au XVIIIe siècle lorsque Adam Smith l’a démasqué. Il en a encore moins au XXIe dans un monde de plus en plus intégré, à taux de change variable.

Il n’est pas toujours facile pour les non initiés de comprendre les avantages du libre-échange. Il faut pour les appréhender faire intervenir une démarche théorique. La transition à opérer pour les régions et les employés touchés est souvent douloureuse. À l’intérieur du pays ou d’une province, on comprendra aisément que le commerce intérieur détruise des emplois dans une région, mais qu’il en crée d’autres et de meilleurs dans une autre région du même territoire. S’agissant du commerce extérieur, c’est à l’étranger que les emplois se créent directement, mais c’est à l’intérieur qu’ils se perdent. L’instinct spontané des profanes est de croire que les barrières à l’importation (ou l’octroi de subventions à l’exportation) suscitent l’emploi. Il n’en est rien pourtant. Au contraire, tout obstacle à l’importation comprime l’exportation. A la limite, comment les étrangers pourraient-ils acheter chez nous, si on n’importe rien d’eux? Mieux encore, la baisse des prix et des coûts qui accompagnera l’importation suscitera indirectement l’expansion consécutive de la production intérieure et stimulera l’emploi. C’est l’ensemble de la population qui profite des bienfaits du commerce, tandis que les coûts se concentrent sur quelques groupes d’intérêt dans des industries circonscrites. La thèse du libre-échange ne repose même pas sur la réciprocité, c.-à-d. sur son adoption universelle. Son fondement réside plutôt dans les avantages qu’encaisse le pays qui le pratique indépendamment des «concessions» consenties par les autres. En mots plus directs encore, ce sont les populations du pays qui se protège qui absorbent les pertes en prix accrus, en concurrence réduite et en productivité diminuée.  Mais au plan politique, l’ignorance rationnelle des gens suscitera la perception d’une asymétrie entre exportations et importations.

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Catégorie(s) : Articles Étiqueté : Etat, exportation, gouvernement, industrialisation, influence politique, libre-échange, Prospérité, protectionnisme, société

Concurrence des groupes de pression

Le 8 octobre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Pour isoler le rôle spécifique des groupes de pression, c.-à-d. pour des fins analytiques, Becker (1983) retient d’abord l’hypothèse que les votants ou les électeurs n’apparaissent pas directement dans le processus politique, même démocratique. Ils ne sont donc pas les déterminants essentiels de l’influence politique. Ils agissent surtout comme membres de groupes de pression ou comme objets passifs de la propagande des groupes auxquels ils se rallient. Ils ne font donc que transmettre les pressions des groupes actifs. Certains groupes sont plus habiles à « acheter » les votes même de citoyens qui n’appartiennent pas à leur groupe, tout comme certains votants sont plus faciles à persuader.

L’entrepreneurship en communication, manifeste dans les organismes environnementaux, confère à d’autres organisations une grande influence en dépit de leur taille modeste. On conçoit aussi que certains objectifs politiques soient plus faciles à promouvoir ou plus populaires que d’autres; on peut citer le nationalisme, la conservation et l’environnement, la santé, l’éducation, etc.

« Les gens peuvent être amenés
à associer une politique à des finalités nobles
et socialement désirables, plutôt qu’aux intérêts
des groupes particuliers. »

Les gens peuvent être amenés à associer une politique à des finalités nobles et socialement désirables, plutôt qu’aux intérêts des groupes particuliers qui en font la promotion; c’est le cas entre autres du salaire minimum, ou de l’autarcie en matière d’énergie et en général de ce que nous avons appelé la pensée groupiste. Parce qu’ils peuvent en quelque sorte acheter l’appui des votants, les groupes ne coopèrent pas, ne négocient pas entre eux, ni directement, ni par l’intermédiaire des politiciens qui agiraient comme managers de l’entreprise politique. Leur influence s’exerce directement sur les choix politiques. Les échanges de politiques sont exclus dans le schéma Becker.

C’est la concurrence des groupes de pression dans la recherche de faveurs publiques qui détermine ultimement la structure finale des taxes, des transferts ou des autres faveurs. L’équilibre ultime découle de leurs seules pressions directes sur les décideurs politiques. La distribution de l’influence politique n’est cependant pas fixe ni uniforme à travers tous les groupes; elle varie selon le temps et l’argent engagés par les groupes en contributions aux caisses électorales, en publicité politique, etc. Chacun des groupes maximise son revenu en affectant les efforts optimaux à l’exercice de pressions politiques. Pour chaque groupe de pression, les transferts obtenus en subventions de toute nature sont, à la marge, égaux aux coûts engagés par eux. Les groupes les plus habiles à exercer des pressions politiques jouiront dans ce contexte de fardeaux fiscaux réduits ou de transferts accrus.

L’un des coûts déterminants de l’action politique des groupes a déjà été souligné : il s’agit du contrôle des « passagers clandestins » (free riders). Seuls les groupes suffisamment habiles à limiter l’instinct des passagers clandestins deviennent politiquement puissants. Le faible nombre de leurs membres, leur homogénéité, ou le recours à des règles de décision autres que majoritaires, sont quelques unes des circonstances qui favorisent la formation de groupes influents. Les groupes les plus en mesure de surmonter cette « logique de l’action collective » exercent plus de pression politique et obtiennent ainsi plus de transferts ou jouissent de fardeaux fiscaux allégés. Par exemple, plus la taille du groupe est grande, plus cet obstacle à l’action politique se fait sentir et vice versa. Il est plus facile pour un groupe d’obtenir des transferts lorsque le nombre de membres qui le composent est faible relativement au nombre de contribuables ou de consommateurs. C’est ainsi que Becker explique entre autres la domination historique des agriculteurs sur le marché politique dans les pays riches et la domination des citadins dans les pays pauvres, où l’agriculture (en Afrique et même en Chine) subit un lourd fardeau fiscal.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : action collective, Etat, gouvernement, influence politique, politique, pouvoirs publics, Québec, société, système politique, votants

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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