Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Le revenu par habitant au Québec, comparable au reste du Canada

Le 1 octobre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLMigue-RevenuQ1

Le paradoxe est donc que, malgré l’évolution déprimante de la croissance globale du Québec depuis les années 60, le revenu par habitant s’inscrit chez nous au même niveau que dans le reste du Canada. Pourquoi ce contraste entre la faible croissance globale de l’économie québécoise et la hausse du niveau de vie égale à celle de l’ensemble du Canada? Pour une raison simple : lorsque le revenu par habitant baisse dans une province, les gens quittent cette région et les immigrants y affluent en moins grand nombre.

L’offre de main-d’œuvre décline jusqu’à ce que le salaire moyen y gagne au même rythme que dans les régions plus prospères du pays. Ce processus de migration se poursuit donc jusqu’à ce que le revenu réel par habitant converge dans toutes les régions. Ainsi, bien que le produit intérieur brut nominal par habitant au Québec soit inférieur d’environ 15 % à celui de l’Ontario, le coût de la vie s’inscrit en 2006 à Montréal à 14,6 % en-dessous de celui de Toronto. Les Montréalais gagnent moins en dollars nominaux, mais ça leur coûte moins cher de se loger et dans les mêmes proportions. La divergence des taux de croissance globale entre les deux villes a donc été entièrement capitalisée dans le prix du sol et des ressources fixes. Les ajustements inter régionaux se sont faits par la mobilité de la population, non pas par l’élargissement du revenu réel moyen entre les régions canadiennes. C’est donc en dépit de la révolution tranquille que le niveau de vie des Québécois s’est aligné sur celui du Canada, non pas en conséquence de ce mouvement, comme l’enseigne incorrectement l’interprétation conventionnelle.

Cette conclusion s’avère valide dans toutes les économies nationales. La convergence du revenu réel par tête dans les pays intégrés est documentée aussi aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et au Canada. De 1920 à 2000, les variations du revenu par tête à travers les États-Unis ont fortement diminué sous l’effet de mouvements variables de la population. La part de la population de l’ouest a presque triplé, pendant que des déclins prononcés se produisaient dans le Northeast et le Midwest. Les économistes ont démontré en contrepartie que la distribution du revenu par tête s’est rétrécie dans ce pays au cours du vingtième siècle. En fait, à la fin du XXe siècle, la dispersion du revenu réel par travailleurs s’avérait extrêmement réduite. Pour une moyenne nationale de 100, les variations interrégionales s’étalaient de seulement 96 à 105 en 1980.

Les variations interrégionales de revenu en Angleterre s’avèrent aussi étroitement distribuées, une fois incorporées les variations interrégionales du coût de la vie.

En général, les régions rurales affichent un revenu moyen inférieur à celui de Londres dans les statistiques officielles. Mais l’égalisation se réalise à travers les deux types de territoires pour des occupations semblables. Les analystes de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) résument comme suit les résultats de leurs travaux sur le revenu régional en France: “Les différences de niveaux des prix entre Paris et le reste du pays sont du même ordre de grandeur que les différences de niveaux des rémunérations”.

Cette dispersion rétrécie a accompagné d’importants mouvements de la population canadienne : baisses marquées dans les provinces atlantiques et le Québec, en même temps qu’accroissements prononcés de la part de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie Britannique. Tel que souligné précédemment, la part québécoise de la population est restée constante à 29% de 1941 à 1966, mais affiche par la suite une tendance négative constante, pour atteindre 23,1% en 2011. Au total, les données confirment que l’intégration économique liée au commerce, à la migration et aux ajustements du marché du travail, mène à l’égalisation du revenu personnel réel, non pas à des différences de prix ou de revenus.

Ce qui signifie en passant que la péréquation n’a aucun fondement. Il faut savoir que la péréquation est un régime institué par le gouvernement fédéral dans l’après-guerre, par lequel le gouvernement d’Ottawa verse aux provinces dont le revenu par habitant est inférieur à la moyenne canadienne, des allocations qui leur permettraient d’offrir les mêmes services publics que les provinces prospères. Le Québec touchera près de 9.3 milliards en 2015-16 en vertu de ce programme. Mais puisque le revenu réel par tête dans les occupations semblables converge dans toutes les régions canadiennes, ces versements n’ont aucun fondement.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : capitalisme, économie, émigration, gouvernement, Québec, société

L’avantage démocratique aux groupes d’intérêt

Le 24 septembre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-AvantDemocr

Tous les individus et tous les groupes ne s’engageront donc pas également dans la « course aux faveurs » politiques. Nous avons déjà établi qu’une mesure même impopulaire auprès de la majorité sera retenue par les décideurs politiques si elle s’avère très populaires auprès d’une minorité. Ce qui nous a justifiés de conclure que ce n’est que par hasard que la règle du scrutin majoritaire réalise le bien commun.

La règle générale que retient l’économiste pour prédire l’intensité de la participation veut que les gens ne s’adonnent à l’action politique que dans la mesure où les bénéfices attendus des politiques recherchées l’emportent sur les coûts. Ils ne se consacrent à une initiative de lobbying, à la vie d’un comité de citoyens ou à une manifestation dans les rues, que si l’impact prévu justifie l’investissement de temps, d’énergie et d’argent que l’opération comporte. Alternativement, il s’avère difficile d’organiser un grand nombre de votants pour ou contre une mesure qui n’entraîne que des effets mineurs sur eux. Toutes les parties affectées par les choix politiques ne siègent donc pas à la table de négociation. Si la politique est l’art du compromis, elle est surtout l’art du compromis sélectif. C’est la réalité de ces coûts qui expliquent que l’action politique soit principalement le fait de groupes organisés.

Les citoyens appartiennent à des groupes multiples définis par l’occupation, l’industrie, le revenu, la géographie, l’âge ou quelque autre caractéristique. L’influence politique des groupes sert à promouvoir les intérêts de leurs membres. On peut définir les groupes d’intérêt comme des regroupements organisés de votants (ou d’entreprises) ayant des préférences semblables pour une politique spécifique. En concentrant leur lobbying sur une mesure particulière, ces groupes peuvent gagner l’adoption d’une politique qui leur vaut des bénéfices directs, tout en en diluant le coût sur des millions de contribuables ou de consommateurs. Ces groupes seront donc disposés à engager des ressources pour obtenir des mesures qui les favorisent. On désigne le fardeau de ces investissements qui ne servent qu’à opérer des transferts de richesse, comme la course aux faveurs ou aux rentes.[1] Concrètement, ces « investissements politiques » prennent la forme de contributions à la caisse électorale et à la propagande du parti, de lobbying en faveur de causes privilégiées, de marches dans les rues, de lettres aux journaux. Le processus politique n’est pas gratuit. Cette dissociation entre les bénéfices et les coûts donnera lieu à un niveau inefficace de dépenses ou de taxes. Le coût social de la politique l’emportera sur les bénéfices.

« Est-ce l’activité des groupes
qui suscite le gonflement de l’État,
ou l’expansion de la taille de l’État
qui entraîne l’activisme des groupes? »

La tradition analytique introduite par Olson (1965) explique difficilement que les groupes puissent se former. En raison du problème du « passager clandestin » (free rider), il peut s’avérer irrationnel, même pour les individus qui y gagneraient au lobbying, de participer à l’opération, puisqu’ils y gagneront de toute façon, même en s’en excluant. Autre question non parfaitement résolue : Est-ce l’activité des groupes qui suscite le gonflement de l’État, ou l’expansion de la taille de l’État qui entraîne l’activisme des groupes? (Mueller et Murrel, 1986) Il reste qu’on compte par dizaines les écrits théoriques et empiriques sur le lien entre l’activité des groupes de pression et la taille de l’État. (Ekelund et Tollison, 2001) Entre autres, Sobel (2001) construit un solide dossier empirique sur la relation positive entre les PAC (political action committees) et le budget de dépenses du gouvernement fédéral américain. Face à la majorité rationnellement silencieuse, les groupes déjà organisés jouissent d’un avantage certain. L’agriculteur membre de l’UPA sait mieux que le consommateur de lait l’étendue des contrôles exercés sur la production de cette denrée. Les dirigeants d’entreprises et leurs syndiqués connaissent mieux que leurs acheteurs les restrictions tarifaires qui les affectent. Pour une organisation déjà en place et ses lobbyistes, pour une association de producteurs, un syndicat, un regroupement de votants géographiquement circonscrits, les ressources supplémentaires à engager pour influer sur les décisions publiques restent minimes, tandis que les bénéfices peuvent s’avérer énormes.

 

[1] La mesure théorique rigoureuse de ce transfert devient pur gaspillage.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : citoyens, classe moyenne, économie, étatisme, gouvernement, politiciens, politique, pouvoirs publics, société, votants

Politisation de la science et réchauffement de la planète

Le 26 août 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLMigue-RechauffPolitique

Bureaucrates, politiciens, écolos et leurs haut-parleurs dans les médias s’emploient à terroriser la population pour lui faire digérer l’intervention massive de l’État. La mortalité attribuée de façon absurde au smog sert à justifier le gaspillage gigantesque de ressources dans les moulins à vent et le transport en commun. Dans un monde d’ignorance rationnelle, les activistes peuvent rêver de nous imposer l’impossible Kyoto sous prétexte qu’il nous épargnera la dévastation future.

Le sens du protocole de Kyoto (rejeté par le Canada) fournira une deuxième illustration de la pensée grégaire et du biais rationnel en faveur de l’étatisme de la part de la masse de bonnes âmes, « des faux gentils ».[1] L’incertitude demeure sur l’origine du réchauffement climatique et surtout sur la part qu’on doit attribuer aux émissions humaines de gaz à effets de serre, plutôt qu’au magnétisme changeant du soleil, aux courants maritimes ou aux particules atomiques de la galaxie. Même si on accepte la validité de la thèse du réchauffement par l’homme, on peut dans cette matière adopter l’une ou l’autre de deux approches. La première exerce un impact direct et immédiat : faire appel à la régulation d’État pour freiner l’émission de gaz à effets de serre. On sait aujourd’hui que cette formule entraînera des coûts gigantesques, qu’elle condamnera de nombreux pays à rester pauvres, mais n’aura aucune incidence notable sur le réchauffement, tout au plus une réduction de moins de 0,1 de degré Celsius d’ici la fin du siècle.

La deuxième approche consisterait à s’en remettre à la discipline du marché pour susciter l’information et la motivation de s’adapter et de façon appropriée aux conditions nouvelles. Comme on l’a fait dans le passé d’ailleurs. Qu’on se rappelle qu’au début du XXe siècle, le problème urbain de l’heure découlait du fumier de cheval qui salissait les rues et empoisonnait l’atmosphère. C’est en peu de temps que le pétrole a évacué la question, dont la solution aurait été vraisemblablement retardée par les gouvernements du XXIe. Cette façon de faire, parce qu’indirecte, pourrait dans l’immédiat ne pas abaisser autant les émissions de CO2, mais, dans un avenir plus éloigné, elle susciterait notre adaptation aux circonstances nouvelles. Elle favoriserait l’innovation qui réduirait notre dépendance de l’énergie fossile, en même temps qu’elle garantirait la croissance et la liberté. À long terme, la logique du marché ferait plus pour ralentir le réchauffement (c’est à long terme qu’il se pose) que la méthode forte et directe de l’État. Comme pour le libre-échange, l’opération du marché reste souvent invisible et indirecte. Son modus operandi est difficilement accessible. La reconnaissance des droits de propriété et l’expansion consécutive du marché réalisent le miracle non seulement de multiplier la production de « ressources non renouvelables », mais encore de susciter l’apparition de nouvelles ressources et de nouvelles méthodes d’exploiter les anciennes.

Il faut malheureusement prévoir que telle ne sera pas l’option retenue. La flexibilité par le marché ne reçoit pratiquement pas d’appui dans le débat sur le réchauffement; peu de gens contestent que la solution doive venir du législateur. Non pas uniquement parce les bénéfices purement spéculatifs de l’action étatique auront entraîné la faveur d’un public rationnellement ignorant, mais parce que les énormes budgets bureaucratiques et les allocations de recherche comportent des avantages immédiats et concentrés dans les organisations « d’experts ». Dans un grand nombre de domaines, la science s’est politisée du fait que le financement public domine la recherche, surtout médicale et environnementale. Suivant la logique du ministre fédéral de l’environnement, c’est le consensus scientifique qu’il faut chercher désormais, non pas l’exploration de théories rivales et d’instruments concurrents associés à l’essai et l’erreur. Les agences publiques ne financent pas les théories rivales. La science et la politique sont devenues inextricablement liées, ce qui permet de passer du financement de la recherche sur le sida à l’aide internationale, de l’identification de plus de 100 oncogènes, dont aucun n’a été associé au cancer, à la régulation de tous les produits chimiques et à l’interdiction des aliments génétiquement modifiés.

Les gestes « audacieux » et immédiats se vendent mieux à un public rationnellement ignorant et inspiré par la peur, même si les bénéfices à court terme découlent exclusivement de leur apparence plutôt que de leur contribution effective à la solution d’un problème. Le politicien lui-même trouvera plus facilement dans ces gestes le moyen de s’arroger le crédit, que de solutions marchandes plus productives mais indirectes.

[1] L’expression est de Rioufol (2004)

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : bureaucratie, économie, Etat, gaz à effet de serre, gouvernement, industrialisation, pouvoirs publics, protocole de Kyoto, réchauffement climatique, société, système politique

Le recul économique du Québec depuis la révolution tranquille

Le 19 août 2015 par Jean-Luc Migué 2 commentaires

JLM-EconQc2Texte condensé.

Depuis les années 60, le Québec s’est assujetti à une idéologie plus asservissante que la ferveur qui a caractérisé sa foi religieuse traditionnelle. Cet asservissement a nom étatisme, contrôle de l’État. Et l`étatisme a donné lieu à un recul prononcé de la croissance économique, relativement au reste du Canada.

Les faits sur le recul du Québec

De 1961 à 2009, la population du Québec est passée de 29% de la population canadienne à 22%. Le Produit Intérieur Brut réel a fait un progrès global de 70,9% au Québec, mais de 96,3% dans le reste du Canada. S’agissant de l’investissement et de l’emploi, l’économie du Québec a vécu un écart grandissant avec le reste du Canada au cours des dernières décennies. De 70.4% de la moyenne canadienne qu’elle était en 1981, la part du Québec dans les investissements en machinerie et en équipement est tombée à 59% en ce début du XXIe siècle. Le recul relatif du Québec depuis les années 60 est incontestable.

Émigration

Recul accompagné depuis les années 60 d’une émigration nette de 387 100 personnes du Québec vers les autres provinces. Lorsque le revenu par habitant baisse dans une province, les gens quittent cette région et les immigrants y affluent en moins grand nombre. L’offre de main-d’œuvre décline et ainsi la rareté de main-d’œuvre fait monter les salaires. Et ce processus de migration se poursuit jusqu’à ce que le revenu réel par habitant converge dans toutes les régions. Ce qui fait qu’en dépit de sa faible croissance globale, le niveau de vie québécois s’inscrit au même niveau que dans le reste du Canada. En vertu de cette logique, le Québécois moyen non mobile ne se rend pas compte du piètre état de notre économie, parce son revenu personnel réel n’en souffre pas.

Cause majeure du recul du Québec : l’étatisme

Le Québec s’inscrit au sommet des 10 provinces et des 50 états américains en matière de fiscalité et de régulations. La part des dépenses publiques dans l’économie québécoise atteignait 47,3% en 2009, soit de près de 9 points de pourcentage supérieure à la moyenne canadienne. La fonction publique du Québec emploie le même nombre de personnes que la Californie. La cause déterminante de notre retard se trouve ainsi identifiée : Les études démontent universellement que la relation entre le rythme de croissance de l’économie et la taille de l’État est négative.

Correctifs à l’étatisme : préceptes constitutionnels

La hausse du niveau de vie et la longévité depuis deux siècles résultent du capitalisme, nonobstant la vision négative que les gens nourrissent à son endroit. L’État étant un mal nécessaire, le correctif qui s’impose, révélé par l’histoire du dernier demi-siècle, est que les règles constitutionnelles circonscrivent rigoureusement le Québec dans sa fiscalité et ses régulations.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : économie, émigration, étatisme, politique, Québec, société

Ignorance rationnelle chez les politiciens et les membres de la classe influente

Le 1 juillet 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-Rationnel

Chez les politiciens

De leur côté, les hommes d’État et les administrateurs publics ne subissent pas les conséquences directes de leurs décisions. L’enjeu d’une mauvaise allocation des soins pour eux est minime. Ils jouissent en contrepartie du pouvoir énorme de déterminer ce qui sera consommé par la population. Leurs décisions sont déterminantes. Comme l’enjeu à leurs yeux est moins grand que pour le consommateur lui-même, ils feront des choix moins appropriés que l’usager qui jouirait de la même information.

 Chez les membres de la classe influente

 À la limite, certains agents du processus politique seront à la fois indifférents à l’enjeu en cause et impuissants à affecter l’issue d’une décision. Les deux déterminants du choix rationnel sont pour eux absents. Nous venons d’exposer la position de ce qu’il est convenu d’appeler les intellectuels, les universitaires, les gens des médias et en général les critiques sociaux. Ces personnes ont encore moins que le votant ou l’homme public d’incitation à acquérir l’information pertinente. Cette catégorie de gens est presque invariablement anticapitaliste et pro interventionniste. Le premier facteur à l’origine de cette position idéologique est sans doute leur ignorance profonde des premiers principes de l’ordre social, de l’ordre économique en particulier. A ceux qui en douteraient nous suggérons d’examiner la logique qui sous-tend la position de cette élite dans des sujets aussi simples et pratiques que le contrôle des loyers (un fiasco pour les pauvres, mais partout associé à la solidarité), la croissance du secteur public (l’État et donc la solidarité se rétréciraient sous l’influence de la globalisation et la domination des « néo-libéraux »), le fardeau fiscal assumé par les riches (ils ne paieraient pas d’impôt; alors qu’en fait ils assument plus de 30% du fardeau), la détérioration alarmante de l’environnement (en fait il s’améliore constamment), le contrôle des armes à feu, perçues à tort comme source de criminalité.

La deuxième interprétation qu’on peut offrir de leur opinion découle de leur position de conflit d’intérêt permanent. La plupart d’entre eux, dont les universitaires en particulier, reçoivent l’essentiel de leur revenu des gouvernements. Dans les humanités et les sciences sociales, c’est le refrain socialiste et anti capitaliste qui se chante presque universellement. L’alourdissement des taxes, l’expansion de l’État, la discrimination positive, combinés à l’anti américanisme annonciateur de la chute prochaine de « l’empire américain », constituent les éléments du programme scolaire généralisé de nos universités « progressistes » et en général de nos institutions d’enseignement. De plus, l’envahissement de l’État fonde l’essentiel de leur pouvoir d’influence sur l’évolution sociale. Comparez le rôle des médias et des universitaires dans un contexte de décision personnalisée par un ministre, aux forces impersonnelles de l’action du marché. Mesurez leur impact selon que la hausse d’un prix (de l’électricité par exemple) provienne de la décision proclamée par un ministre ou de l’action de l’offre et de la demande. L’opinion publique sur laquelle ils exercent une forte influence ne joue aucun rôle sur les forces et les raretés réelles qui déterminent l’aboutissement du marché.[1] Les canaux politiques conventionnels de redressement que sont le vote, les lettres aux journaux, et en général l’action politique, n’offrent manifestement pas au citoyen des instruments très puissants pour influer en sa faveur sur les agissements du fournisseur public.

[1] La vision conventionnelle de l’État qui inspire cette classe s’est incarnée le plus clairement au Canada dans la pensée de deux maîtres de l’écriture, Claude Ryan au Québec et Margaret Atwood au Canada anglais.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : bourgeoisie, bureaucratique, économie, politique, Québec, société, système politique

Application de la théorie économique de la politique au régime de santé

Le 12 juin 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-EconoSante

Le temps est venu d’appliquer systématiquement notre analyse à des secteurs particuliers. Nous commencerons par les services de santé.

Nous avons déjà établi que l’étatisation des services de santé se fait en faveur d’une majorité aux dépens d’une minorité. La majorité des familles (celles qui comptent en politique) touche un revenu annuel d’environ 25% inférieur au revenu de la famille moyenne. Or, en vertu de la première des règles du jeu démocratique (majorité simple de 50%+1), c’est la famille médiane qui élit les gouvernements et qui, en première approximation, prend les décisions politiques. On dégage de ce calcul la proposition politique clé : Par la substitution du financement public à la tarification marchande (frais de santé), une majorité de la population n’aura à payer que 5 500$ ou moins (10% de 55 000), plutôt que 7,000$ (coût effectif des services), pour jouir des services de santé. Toutes les familles qui font un revenu inférieur à la moyenne paieront moins de 7 000$ pour leurs soins de santé; les familles qui font plus que la moyenne paieront plus de 7 000$.

La nationalisation de l’industrie de la santé a valu à une majorité de votants un transfert de richesse de plus de 1 500$ par année, prélevé sur les familles à revenu moyen supérieur. L’analyste politique Wilson[1] associe spécifiquement l’avènement du régime d’assurance santé au souci de la majorité de se faire payer le service par la minorité. Un parti politique qui sait gagner des élections proposera l’étatisation de l’industrie de la santé et en récoltera plus de votes chez les gagnants majoritaires qu’il n’en perdra chez les perdants minoritaires.

Par ailleurs, la théorie économique des choix publics prédit que la majorité optera pour un budget global de dépenses inférieur à ce qu’elle choisirait si chacun était libre d’acheter lui-même les soins. Sous un régime de monopole public exclusif, le budget public (et donc global) retenu par la majorité s’avérera en général inférieur au budget qui découlerait de la coexistence d’un secteur public et d’un secteur privé.[2] La raison en est que le budget public est déterminé par un décideur théorique (le votant médian) qui dispose d’un revenu inférieur de plus de 25% à la moyenne. Lorsque coexistent un régime public et privé, les consommateurs qui optent pour le service privé ajoutent à la capacité du système, en libérant même le secteur étatique d’une demande supplémentaire. Ce n’est pas la capacité totale que les tenants de la médecine d’État cherchent à maximiser, c’est le budget public.

Et le paradoxe du régime de santé est que ce contexte mène à la surconsommation. L’État est un mauvais assureur. Dans les termes de Boucher-Palda (2000, p. 57), on constate que « Il n’y a aucun lien direct entre l’assurance obtenue et le prix payé. …les citoyens sont portés à demander une protection excessive ». On conclut de cette logique que le rationnement des services de santé et son corollaire, la file d’attente, sont l’aboutissement incontournable de la socialisation de la santé en régime démocratique.

Les adeptes du monopole public se révèlent clairement incohérents à cet égard. Ils prônent d’une part la monopolisation publique intégrale au nom de la solidarité et de l’entraide aux défavorisés, sous le prétexte que l’État est un despote bénévolant, un instrument de générosité et de compassion. Ils postulent d’autre part que le même mécanisme politique, sans monopole public, suscitera l’avènement d’une santé à deux vitesses et laissera les soins de santé publics se détériorer parce que les patients détournés vers le marché retireront leur clientèle et leur appui aux services publics. En d’autres termes, la solidarité ne peut venir que du monopole public, mais si on lui retire son monopole et qu’on l’abandonne aux règles du jeu du scrutin, le gouvernement obéira au calcul des choix publics exposé ci-dessus. Ils reconnaissent donc implicitement le caractère illusoire de la solidarité par l’État. Le retrait du monopole de la santé à l’État constitue, à leurs yeux, un danger intolérable.[3]

Autre dimension significative de la santé socialisée : Les régimes publics mesquinent à l’endroit des services aux personnes gravement malades, mais offrent une multiplicité de services aux gens peu malades. On peut dès lors comprendre la tendance durable des gouvernements à détourner les ressources des soins coûteux destinés au faible nombre de personnes gravement malades, au profit d’une multiplicité de services de réconfort réclamés par le grand nombre pour des malaises mineurs. Ces derniers profitent à des masses tandis que les services intensifs concentrent des sommes énormes sur de petits groupes politiquement moins rentables. Les fonds publics servent d’abord au plus grand confort et au bien-être des personnes âgées, des malades chroniques et des handicapés mentaux, par opposition aux soins intensifs à l’américaine pour les gens dont la santé ou la vie est menacée. Convenons que l’attachement sentimental pour la médecine socialisée repose moins sur le noble idéal de la compassion ou sur la fidélité aux préférences générales, qu’en premier lieu sur le souci de la majorité d’accéder à l’assurance illimitée aux frais des autres.

 

[1] Wilson, L. S., « The Socialization of Medical Insurance in Canada », Revue canadienne d’économique,vol. XVII, mai 1985, pp. 355-76.

 

[2] Epple et Romano (1996) ont fait avec rigueur la généralisation de cette approche à l’ensemble de la production publique. Les observations empiriques s’avèrent ambiguës sur cette question. (Tuohy, Flood et Stabile, 2004)

[3] Lire à ce sujet l’argumentation de Pierre Lemieux, « Informational Cascades: Why Everybody Thinks Alike », Le Québécois Libre, 133, 22 novembre, 2003.

 

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Catégorie(s) : Économie du Québec, La santé au Québec Étiqueté : classe moyenne, économie, famille médiane, politique, société, système de santé

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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