Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Le recul économique du Québec depuis la révolution tranquille

Le 19 août 2015 par Jean-Luc Migué 2 commentaires

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Depuis les années 60, le Québec s’est assujetti à une idéologie plus asservissante que la ferveur qui a caractérisé sa foi religieuse traditionnelle. Cet asservissement a nom étatisme, contrôle de l’État. Et l`étatisme a donné lieu à un recul prononcé de la croissance économique, relativement au reste du Canada.

Les faits sur le recul du Québec

De 1961 à 2009, la population du Québec est passée de 29% de la population canadienne à 22%. Le Produit Intérieur Brut réel a fait un progrès global de 70,9% au Québec, mais de 96,3% dans le reste du Canada. S’agissant de l’investissement et de l’emploi, l’économie du Québec a vécu un écart grandissant avec le reste du Canada au cours des dernières décennies. De 70.4% de la moyenne canadienne qu’elle était en 1981, la part du Québec dans les investissements en machinerie et en équipement est tombée à 59% en ce début du XXIe siècle. Le recul relatif du Québec depuis les années 60 est incontestable.

Émigration

Recul accompagné depuis les années 60 d’une émigration nette de 387 100 personnes du Québec vers les autres provinces. Lorsque le revenu par habitant baisse dans une province, les gens quittent cette région et les immigrants y affluent en moins grand nombre. L’offre de main-d’œuvre décline et ainsi la rareté de main-d’œuvre fait monter les salaires. Et ce processus de migration se poursuit jusqu’à ce que le revenu réel par habitant converge dans toutes les régions. Ce qui fait qu’en dépit de sa faible croissance globale, le niveau de vie québécois s’inscrit au même niveau que dans le reste du Canada. En vertu de cette logique, le Québécois moyen non mobile ne se rend pas compte du piètre état de notre économie, parce son revenu personnel réel n’en souffre pas.

Cause majeure du recul du Québec : l’étatisme

Le Québec s’inscrit au sommet des 10 provinces et des 50 états américains en matière de fiscalité et de régulations. La part des dépenses publiques dans l’économie québécoise atteignait 47,3% en 2009, soit de près de 9 points de pourcentage supérieure à la moyenne canadienne. La fonction publique du Québec emploie le même nombre de personnes que la Californie. La cause déterminante de notre retard se trouve ainsi identifiée : Les études démontent universellement que la relation entre le rythme de croissance de l’économie et la taille de l’État est négative.

Correctifs à l’étatisme : préceptes constitutionnels

La hausse du niveau de vie et la longévité depuis deux siècles résultent du capitalisme, nonobstant la vision négative que les gens nourrissent à son endroit. L’État étant un mal nécessaire, le correctif qui s’impose, révélé par l’histoire du dernier demi-siècle, est que les règles constitutionnelles circonscrivent rigoureusement le Québec dans sa fiscalité et ses régulations.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : économie, émigration, étatisme, politique, Québec, société

Ignorance rationnelle chez les votants

Le 15 juillet 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Une lourde conséquence risque de résulter de l’ignorance rationnelle des votants. Privés de l’information suffisante pour porter un jugement éclairé, les gens se laisseront guider par toutes sortes de préjugés dissociés du monde réel, mais qui leur vaut bonne conscience.

Par exemple, même s’ils ont moins d’une chance sur des millions d’influer sur l’issue d’un vote, et bien que friands des grosses voitures énergivores, ils appuieront les régulations qui les bannissent, si la satisfaction psychologique qu’ils dégagent de leur contribution présumée à l’environnement leur vaut le moindre contentement. S’ils ont le moindre préjugé que la médecine socialisée exprime leur sens de la solidarité, ils opteront, en tant que votant individuel parmi des millions, pour le parti qui la propose, et accepteront rationnellement d’ignorer les milliers de dollars qu’ils sacrifieront en liberté de choisir, en fiscalité allégée ou en accès plus sûr aux technologies médicales. Le jihad engagé ces dernières années contre le tabac par la majorité devenue non fumeur découle de cette logique; même les fumeurs se culpabilisent de leurs habitudes devenues honteuses et appuient les régulations qui les tyrannisent. Dans nos comportements de votants ignorants, la facilité est de voter de façon irrationnelle si on peut en dégager une satisfaction infime.

Qui prétendra que la satisfaction d’appuyer les mesures qui appellent à la sympathie ou à la vertu soit absente de la faveur dont jouissent des programmes politiques comme le salaire minimum, les monopoles syndicaux, les espèces menacées, la ferme familiale ou le café équitable qui ne résout rien ? Dans le cas limite, on se retrouvera dans un contexte où la sexagénaire aura à voter sur le droit à l’avortement. Elle se prononcera dès lors sur une initiative qui n’aura que peu d’incidence personnelle sur sa vie, mais qui affectera profondément la vie personnelle de ses voisins.

En même temps qu’il exploite les minorités pour octroyer ses faveurs à la majorité, le politicien s’emploiera à camoufler le coût de ses programmes aux masses qu’il veut servir. Le rationnement physique est la formule privilégiée par la logique politico-bureaucratique pour influer sur le comportement des consommateurs. Cette façon grossière de contenir les coûts n’est attrayante aux politiciens que parce qu’elle camoufle les vrais coûts aux consommateurs. En supprimant un lit d’hôpital, on retarde une intervention chirurgicale sans que le patient ne sache que la procédure aurait pu se faire si le lit avait été disponible.

Nos institutions démocratiques mènent à la prise de décisions non informées, capricieuses et souvent incohérentes. Par suite de l’ignorance rationnelle des votants, la politique est l’industrie la plus propice au mensonge. C’est le sens que donne le Lauréat Nobel d’économie James Buchanan à ce biais : les contraintes au pouvoir de l’État s’estompent, opine-t-il, lorsque le motif de ses actions est de réaliser notre bien, fût-ce par la coercition.[1] Selon le mot d’un observateur, dans la formulation des choix politiques, la démagogie l’emportera souvent sur les données objectives.

[1] Buchanan, J. M. et J. Brennan, The Power to Tax, Cambridge University Press, 1979.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : classe moyenne, pouvoirs publics, Québec, société, système politique, votants

Ignorance rationnelle chez les politiciens et les membres de la classe influente

Le 1 juillet 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-Rationnel

Chez les politiciens

De leur côté, les hommes d’État et les administrateurs publics ne subissent pas les conséquences directes de leurs décisions. L’enjeu d’une mauvaise allocation des soins pour eux est minime. Ils jouissent en contrepartie du pouvoir énorme de déterminer ce qui sera consommé par la population. Leurs décisions sont déterminantes. Comme l’enjeu à leurs yeux est moins grand que pour le consommateur lui-même, ils feront des choix moins appropriés que l’usager qui jouirait de la même information.

 Chez les membres de la classe influente

 À la limite, certains agents du processus politique seront à la fois indifférents à l’enjeu en cause et impuissants à affecter l’issue d’une décision. Les deux déterminants du choix rationnel sont pour eux absents. Nous venons d’exposer la position de ce qu’il est convenu d’appeler les intellectuels, les universitaires, les gens des médias et en général les critiques sociaux. Ces personnes ont encore moins que le votant ou l’homme public d’incitation à acquérir l’information pertinente. Cette catégorie de gens est presque invariablement anticapitaliste et pro interventionniste. Le premier facteur à l’origine de cette position idéologique est sans doute leur ignorance profonde des premiers principes de l’ordre social, de l’ordre économique en particulier. A ceux qui en douteraient nous suggérons d’examiner la logique qui sous-tend la position de cette élite dans des sujets aussi simples et pratiques que le contrôle des loyers (un fiasco pour les pauvres, mais partout associé à la solidarité), la croissance du secteur public (l’État et donc la solidarité se rétréciraient sous l’influence de la globalisation et la domination des « néo-libéraux »), le fardeau fiscal assumé par les riches (ils ne paieraient pas d’impôt; alors qu’en fait ils assument plus de 30% du fardeau), la détérioration alarmante de l’environnement (en fait il s’améliore constamment), le contrôle des armes à feu, perçues à tort comme source de criminalité.

La deuxième interprétation qu’on peut offrir de leur opinion découle de leur position de conflit d’intérêt permanent. La plupart d’entre eux, dont les universitaires en particulier, reçoivent l’essentiel de leur revenu des gouvernements. Dans les humanités et les sciences sociales, c’est le refrain socialiste et anti capitaliste qui se chante presque universellement. L’alourdissement des taxes, l’expansion de l’État, la discrimination positive, combinés à l’anti américanisme annonciateur de la chute prochaine de « l’empire américain », constituent les éléments du programme scolaire généralisé de nos universités « progressistes » et en général de nos institutions d’enseignement. De plus, l’envahissement de l’État fonde l’essentiel de leur pouvoir d’influence sur l’évolution sociale. Comparez le rôle des médias et des universitaires dans un contexte de décision personnalisée par un ministre, aux forces impersonnelles de l’action du marché. Mesurez leur impact selon que la hausse d’un prix (de l’électricité par exemple) provienne de la décision proclamée par un ministre ou de l’action de l’offre et de la demande. L’opinion publique sur laquelle ils exercent une forte influence ne joue aucun rôle sur les forces et les raretés réelles qui déterminent l’aboutissement du marché.[1] Les canaux politiques conventionnels de redressement que sont le vote, les lettres aux journaux, et en général l’action politique, n’offrent manifestement pas au citoyen des instruments très puissants pour influer en sa faveur sur les agissements du fournisseur public.

[1] La vision conventionnelle de l’État qui inspire cette classe s’est incarnée le plus clairement au Canada dans la pensée de deux maîtres de l’écriture, Claude Ryan au Québec et Margaret Atwood au Canada anglais.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : bourgeoisie, bureaucratique, économie, politique, Québec, société, système politique

Tarification de l’électricité

Le 17 juin 2015 par Jean-Luc Migué 2 commentaires

JLM-Electric

Deux économistes de l’Université Laval ont étendu systématiquement ce schéma d’analyse à la tarification de l’électricité par Hydro-Québec. Le point de départ de leur analyse est que ce monopole public accorde à ses abonnés industriels et résidentiels des tarifs sensiblement inférieurs au coût marginal de production et surtout fortement inférieurs aux tarifs que l’entreprise pourrait réaliser sur le marché du nord-est américain.

En 2005, l’électricité exportée aux États-Unis rapportait 9,6 cents à l’entreprise. Dans une conférence récente, Marcel Boyer de l’Université de Montréal calcule que le coût marginal s’établit à 8,8 cents le kilowattheure, mais que le gouvernement l’autorise à fixer des tarifs variant de 2,56 cents à 7,86 cents. Toute production marginale inflige donc des pertes au monopole de l’électricité, sauf la portion exportée. C’est le conditionnement qui explique que, dans une pratique « contre nature » pour une entreprise, Hydro-Québec investisse tant d‘efforts publicitaires pour nous convaincre de comprimer notre consommation. Cette tarification préférentielle représentait en 1995 un manque à gagner de 553 millions de dollars pour la société d’État et ultimement pour le gouvernement provincial. Ce qui explique en partie qu’Hydro-Québec ait réalisé de 1989 à 1995 des taux de rendement dérisoires variant de 3,3% à 8,4% sur ses investissements, à peine égaux au rendement des Bons du Trésor. Ce gaspillage honteux suscite immédiatement la question : Pourquoi les électeurs québécois élisent-ils des gouvernements qui laissent se perpétuer des pertes d’efficacité si manifestes et si grossières? Excluons sans réserve la rationalisation officielle qui prétend qu’on crée des emplois à subventionner ainsi des entreprises énergétivores. L’abaissement des taxes qui résulterait d’une tarification optimale ferait infiniment plus pour améliorer le marché de l’emploi et le revenu des Québécois.

La logique politique proposée par le théorème de la tendance centrale (souci de gagner l’appui d’une majorité) offre la réponse. Le manque à gagner ainsi sacrifié par le gouvernement doit être comblé par un alourdissement correspondant de la fiscalité générale.[1] Or celle-ci est proportionnelle, et même progressive, c.-à-d. que le taux de prélèvement augmente à mesure que le revenu du contribuable s’élève. Il en va différemment du budget d’électricité des familles, qui, lui, décroît en termes relatifs à mesure que le revenu familial augmente. Ainsi l’abonné qui fait un revenu de 13 000$ affecte 5,54% de son budget à la consommation d’électricité, plutôt que 1,85% dans le cas de l’abonné touchant 55 000$ par année. On démontre ainsi qu’en substituant une taxe proportionnelle ou progressive à un prélèvement uniforme sur la consommation, la majorité des abonnés et donc des votants y gagnent, au détriment des revenus moyens supérieurs. Une majorité d’électeurs préféreront un bas tarif d’électricité combiné à un haut taux de taxation, plutôt que l’inverse. En dépit de son inefficacité manifeste qui diminue la richesse des Québécois de 300 à 500 millions de dollars par année, cette pratique sera retenue par le politicien qui sait gagner des élections. Le souci d’opérer des transferts de richesse à la majorité explique aussi le choix retenu par Hydro-Québec d’imposer une faible redevance d’abonnement, combinée à un tarif inférieur au coût marginal.

[1]Reconnaissons au passage que même si les tarifs d’électricité étaient haussés à leur niveau optimal, la fiscalité générale n’en serait pas allégée d’autant. Cette dimension sera examinée ultérieurement avec la fiscalité générale.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : consommation électrique, électricité, Hydro Québec, politique, Québec, société

En démocratie, prédilection pour les services uniformisés médiocres

Le 3 juin 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-standard

La majorité qui se forme au scrutin majoritaire ne se compose pas, on l’a vu, d’un regroupement aléatoire de votants. C’est au centre de la distribution que se trouve la masse de la population d’où le politicien tire sa majorité. D’où l’expression tendance centrale pour désigner cette réalité. Les gens aux préférences non standards risquent la frustration permanente de la prise en charge d’une activité par l’État.

Cette grande sensibilité des politiciens aux préférences médianes entraînera la standardisation généralisée, l’uniformisation du service. L’égalitarisme, c.-à-d. la tendance des gouvernements à offrir à la population des quantités et des qualités identiques à tous les individus origine de cette pression en faveur du centre. Cette quantité standard et cette qualité uniformisée des services convergeront vers le niveau unique correspondant aux préférences et au revenu du votant médian. La majorité y gagne par la redistribution, mais la plupart de ceux qui la composent, à part le votant médian, restent frustrés loin de leur position optimale. La règle minimise l’insatisfaction. Contrairement au marché, qui répartit les biens et services entre les consommateurs selon l’intensité de leurs préférences et leur revenu, le mode de répartition privilégié par les pouvoirs publics est l’uniformisation des services. Que, dans la production bureaucratique, le partage se fasse par la file d’attente comme dans les rues de Montréal ou à l’hôpital, qu’elle s’opère par l’assignation de budgets uniformes comme à l’école ou à l’hôpital, l’étatisation s’accompagne invariablement de la standardisation. Elle supprime ou atténue la variété de quantités et de qualités que le marché susciterait. Discrimination fiscale et uniformisation des consommations sont un seul et même phénomène. C’est ainsi que les partis politiques ont tendance à converger vers des plates-formes qui se ressemblent, au grand scandale des puristes qui s’en formalisent. La médiocrité est la faveur que le contrôle étatique central doit à la majorité. Elle est inhérente aux règles du jeu.

Tel est le sens du théorème du votant médian auquel font appel de nombreux auteurs pour interpréter les nationalisations et réglementations incorporées aux régimes universels de services, tels l’éducation, la santé, l’assurance-chômage, les pensions de vieillesse, le transport urbain, le service postal, la tarification de l’électricité, du gaz naturel, du téléphone, pour n’en mentionner que quelques-uns. Examinons de plus près quelques applications de la « tyrannie de la majorité », de ce qu’il est convenu d’appeler l’État providence à des secteurs particuliers.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : bureaucratique, classe moyenne, étatisme, politiciens, politique, pouvoirs publics, Québec, société, votants

Autres considérations sur le régime de représentation proportionnelle

Le 13 mai 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-Regime

Le trait distinctif de notre régime est que ce sont les citoyens de chaque circonscription qui choisissent l’individu qui les représentera au parlement. Sous la règle de la représentation proportionnelle par contre, les citoyens n’élisent pas un représentant spécifique dans chaque circonscription. En fait, ils ne votent pas pour le candidat de leur choix. Ils déposent plutôt deux votes, dont l’un en faveur d’un parti politique qui, comme ses concurrents, aura offert sa liste de candidats à l’appui des votants.

Plus le parti obtient de votes dans un territoire, plus le nombre de candidats élus est grand pour le parti. Ce qui signifie que les candidats placés en tête de liste sont presque assurés de leur élection. C’est donc le parti plutôt que l’électorat qui détermine l’ordre de la liste des candidats. Il s’avère souvent impossible pour les votants d’expulser un leader impopulaire, un ministre ou quelque autre politicien éminent mais détesté. On comprend donc que la formule obtienne l’oreille attentive des partis, surtout des partis marginaux qui moyennant 5 ou 10% d’appui peuvent désormais participer à l’exercice du pouvoir. Elle s’avère aussi populaire auprès des activistes des partis établis, qui obtiennent ainsi à la place des électeurs le pouvoir de définir la composition du parlement. Les fétiches à la mode, dont le nombre de femmes, la composante ethnique, religieuse ou l’orientation sexuelle, ont alors plus de chance de s’exprimer explicitement à l’assemblée des élus. Il importe enfin de souligner que la proportionnelle n’a nulle part remédié à la désaffection de la population vis-à-vis du système politique et qui s’exprime dans la chute constante du taux de participation au scrutin. Comme le prouve le rapport d’une commission britannique[1], le phénomène de désillusion est commun aux pays d’Europe régis par la proportionnelle et aux régimes régis par le vote uninominal.

Dans cette perspective, le projet de représentation proportionnelle avancé en 2005 en Colombie Britannique comportait certaines particularités qui avaient spécifiquement pour objet d’atténuer ces risques. Entre autres, l’identité des candidats choisis pour représenter les circonscriptions n’aurait pas été désignée à partir d’une liste établie par le parti, mais par les électeurs eux-mêmes grâce à leur vote transférable qui aurait classé les candidats dans l’ordre de leurs préférences (1, 2, 3) (à l’exemple de l’Irlande). Les votants auraient donc voté pour des candidats, non pas pour des partis; la représentation locale aurait été sauvegardée. Le statut du député y aurait gagné au détriment du parti, celui du challenger au détriment du candidat en place, et sans doute d’une façon générale, le statut du votant au détriment de la classe politique. Peut-être s’avère-t-il possible d’avoir les avantages de la représentation proportionnelle, sans pour autant souffrir de l’instabilité italienne ou israélienne.

Dans une perspective plus fondamentale et à plus long terme, il est pertinent de rappeler le trait suivant des régimes électoraux de l’histoire démocratique : Les pays régis par le régime uninominal ont au cours de l’histoire fait preuve d’une plus grande stabilité que les pays où la proportionnelle avait cours. On le conçoit aisément, en ce que la proportionnelle favorise la fragmentation des partis en une gamme de camps idéologiques, ce qui suscite plus directement l’intolérance et l’extrémisme. La France en est peut-être la plus claire illustration, elle qui en est revenue d’ailleurs au régime uninominale (à deux tours cependant) aux élections nationales. La république Weimar en Allemagne était le produit de la représentation proportionnelle et n’a pas su résister à la montée du nazisme. Il faut dire en contrepartie que, sous un régime de représentation proportionnelle, l’Allemagne a connu un demi siècle de performance économique exceptionnelle après la guerre. On ne peut pas dire non plus que des pays comme la Suède, l’Irlande, la Suisse, la Nouvelle-Zélande ou l’Allemagne souffrent de gouvernements trop faibles. Les démocraties américaine, britannique et même canadienne ont fait preuve de plus de résilience dans la résolution des plus graves crises. Sans compter qu’aux yeux de l’économiste, la stabilité s’avère la condition indispensable au maintien et à l’importation du capital indispensable à la croissance. Il n’est peut-être pas exagéré d’affirmer que c’est partiellement la stabilité des régimes qui explique que les pays anglo-saxons aient connu les économies les plus ouvertes au monde. Reconnaissons par contre que la démocratie américaine fonctionne souvent comme un gouvernement de coalition, où les budgets et les initiatives législatives doivent régulièrement recueillir l’appui des deux partis dans les deux Chambres.

[1] Independent Commission to Review Britain’s Experience of PR Voting Systems. The Constitution Unit, Londres 2003.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : candidats, partis politiques, politique, Québec, régimes électoraux, société, système politique

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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