Nous disposons déjà des éléments analytiques pour établir les caractéristiques particulières qui distinguent le marché politique du marché économique. Ce dernier repose d’abord sur l’engagement volontaire des parties à l’échange, tandis que le pouvoir de l’État repose sur la coercition. Toutes les parties à l’échange marchand y gagnent et la sanction contre les offreurs inefficaces est immédiate. L’intervention publique de son côté divise la population en gagnants, composés parfois de majorités parfois de groupes circonscrits, et en perdants, contribuables ou consommateurs. Et la sanction contre les politiciens prédateurs ne s’applique au mieux qu’à l’élection suivante, au pire ne vient jamais.
Dans un marché, le consommateur fait ses achats à la pièce, selon l’intensité de ses préférences et son revenu. Il peut les renouveler à volonté et délaisser les fournisseurs insatisfaisants. Quand il obtient un service de l’État, surtout en l’absence de référendums ou d’initiatives populaires, il doit forcément l’acheter « en bloc » du monopole public. Nous avons montré que l’offreur public combine les propositions en une seule, pour concentrer les bénéfices sur la majorité et en diluer le coût sur l’ensemble des contribuables ou des consommateurs rationnellement absents de l’échange. C’est la façon pour le politique de rallier plus de votes qu’il n’en perd. Le mandat du politicien s’étendant sur plusieurs années, l’électeur doit patienter tout ce temps pour le renverser.
Parce qu’il jouira de la bonne exploitation de ses ressources et qu’il pourra en disposer à son profit, l’exploitant commercial voudra en maximiser la valeur. Les ressources publiques ne sont la propriété de personne, certainement pas de l’homme d’État qui n’en est le gestionnaire que jusqu’à l’élection suivante. Le politicien n’a pas à se soucier de la valeur à long terme des richesses qu’il contrôle.
Le prix commercial exprime la rareté relative des biens et services qui s’échangent dans un marché. Il sert en même temps à canaliser les ressources vers ceux qui les valorisent le plus. Les taxes, qui sont la contrepartie du prix dans le secteur public, n’ont qu’une lâche relation avec la valeur des services que le contribuable obtient. L’intérêt de ce dernier est de consommer le maximum de voies publiques, de services scolaires, médicaux et hospitaliers, même s’ils n’en valent pas à ses yeux le « coût », acquitté d’avance. On comprend dès lors la généralisation des queues, du rationnement et l’épuisement des ressources désormais affectées d’un prix nul. Bien que les services étatiques se composent en grande partie de « biens non collectifs et donc divisibles », la tarification explicite à l’utilisateur touche moins de 3% des services offerts par Ottawa ou la capitale provinciale (environ 12 des services municipaux). Au total, l’échange marchand offre, mieux que le scrutin et l’action politique, aux destinataires ultimes de l’activité productive, une multiplicité de recours pour exprimer et combler leurs préférences.
Contribution du capitalisme à l`humanisme
Le dynamisme du vrai capitalisme lui vient, comme l’avait enseigné Hayek, de ce qu’il favorise les idées novatrices que les entrepreneurs traduisent en technologies profitables. Le régime alternatif (public) au contraire les repousse et les défavorise. D’autre part, les innovations du régime capitaliste découlent de ce que chacun dans ce contexte doit posséder des connaissances personnelles qu’il fera fructifier dans ses initiatives. Mais ce que Phelds dégage de son analyse fascine encore davantage. Le capitalisme dynamique impose aux gens de passer leur vie à résoudre des problèmes, ce qui réalise l’épanouissement personnel. C’est là aux yeux de l’auteur la contribution la plus grande du capitalisme à l’humanisme. De plus, il s’avère particulièrement bénéfique aux gens des classes de revenu inférieur, en leur donnant aussi à eux, non seulement un niveau de vie meilleur, mais l’occasion d’exercer leur créativité.
Aux yeux de l’analyste, l’avènement de cette grande coalition d’intérêts qu’on retrouve dans les « sommets » et les « États généraux », n’est donc ni réaliste ni souhaitable. L’hypothèse d’un consensus de cette nature n’augurerait rien de bon. Il ne pourrait s’établir qu’au détriment de groupes inorganisés ou pas encore existants. Les grandes coalitions ne se concrétisent que lorsque les victimes appropriées ont été ciblées. En général celles-ci se composent des contribuables ou des consommateurs. Alternativement, si un aménagement favorable à la productivité ou à l’innovation devait gêner les intérêts de l’une des parties à la coalition, il serait habilement écarté. Nous procéderons maintenant à l’étude de la domination des producteurs en faisant une revue partielle des deux formes distinctes de cartellisation publique, qui démontrera que, tout inefficaces qu’elles soient, ces mesures font gagner plus de votes chez les agents producteurs, qu’elles n’en font perdre chez les consommateurs ou les contribuables.
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