Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Les défaillances de l’étatisme dans l’industrie de la santé

Le 31 décembre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-SanteEtat

L’étatisme relève de ce que le lauréat du prix Nobel, Frierich A. Hayek, appelait l‘illusion fatale : la prétention cartésienne d’imaginer qu’une organisation centrale, fût-elle démocratique, soit capable d’obtenir toute l’information nécessaire pour intégrer les milliards de relations nécessaires au bon fonctionnement d’un marché efficace; la prétention de croire qu’on peut, par des directives centrales adressées à des administrateurs, reproduire le dynamisme de l’entreprise novatrice. Les inventeurs, les innovateurs, les entrepreneurs n’ont a priori pas leur place dans un tel schéma. Ce faisant, on a banni de l’industrie de la santé le processus de «destruction créatrice» qui caractérise les économies dynamiques. Le système attend de ses administrateurs qu’ils gèrent le rationnement à la façon de l’ex-Union Soviétique. On y a supprimé les choix individuels et l’esprit d’entreprise. On y a également supprimé le profit qui est la récompense de l’innovation. On a écarté le capital privé et on a, ensuite, déploré que le régime de santé manque d’argent et d’investissement, et qu’il ne soit plus novateur.

Même dotée d’une information parfaite, l’intervention publique est inévitablement biaisée par la domination des groupes d’intérêt, fussent-ils majoritaires. Aucun appel au dépassement managérial ne saurait nous protéger contre cette pathologie de la logique politique. Les défaillances du socialisme de la santé ne sont pas accidentelles ; elles ne découlent pas de l’incompétence des politiciens et des bureaucrates en place, de l’absence de volonté politique. Ce sont ultimement les jeunes, les personnes responsables et la santé en général qui écopent du fardeau en taxes alourdies et en qualité déficiente. Il arrive même qu’en alourdissant le fardeau fiscal général, la médecine étatique ralentit la croissance qui est historiquement le déterminant premier de la santé générale, particulièrement chez les moins fortunés.

L’Internet joue dans certains endroits un rôle réel en permettant par exemple la recension des maladies chroniques. De minuscules sensors attachés au corps, ou même insérés dans le corps, peuvent faire rapport aux docteurs du niveau d’insuline. Le besoin de voir le médecin s’en est trouvé réduit et surtout le risque qu’une condition chronique dérive en urgence s’en trouve abaissé. Grâce à cet outil, les admissions urgentes sont tombées de 20% et la mortalité de 45% en Grande-Bretagne. L’Internet peut aussi diffuser l’information accessible par ordinateur et l’entraide sociale entre les groupes. La responsabilité individuelle en est accrue. Malheureusement cette forme de pluralisme reste assez peu utilisée chez nous dans le domaine médical.

Relation entre budgets publics et services 

En l’absence d’une dynamique d’adaptation, d’innovation et de croissance économique, il ne reste plus au régime public qu’une alternative pour tenter de répondre à la pression incontournable des besoins, l’injection de fonds supplémentaires ou le blocage de la capacité, le rationnement. Les comparaisons interrégionales confirment le caractère illusoire de cette voie facile. Le Canada se distingue par un budget de santé parmi les plus élevés de tous les pays du monde industrialisé qui offrent l’accès public universel aux soins. De nombreux autres pays obtiennent des résultats comparables tout en affectant moins de leurs ressources à ce secteur. Quand on compare le budget des provinces canadiennes entre elles, on découvre qu’il n’existe aucune relation entre la dépense publique de santé par tête et la longueur des files d’attente dans chacune d’elles. On n’observe aucune relation entre l’évolution des dépenses publiques de santé et le nombre de traitements par tête (Zelder, 2000). A titre d’illustration, rappelons que la Saskatchewan occupe le troisième rang sur dix en dépenses par tête, et pourtant le temps d’attente entre la référence d’un médecin et le traitement s’élevait à 34,5 semaines en l’an 2000 (14,0 semaines en moyenne au Canada). Tout se passe sous le régime public comme si l’apport de ressources fraîches ne faisait que se diluer en salaires supplémentaires, en prix accrus, ou en usages divers sans bénéfices pour les usagers. D’injecter des ressources dans un régime aux incitations perverses ne fait qu’empirer les choses.

De son côté, la Grande-Bretagne optait récemment pour l’injection de fonds publics comme solution presque unique aux déficiences de son régime. Le pari anglais a été mis à l’épreuve. Entre le tiers et les deux cinquièmes des hausses de budgets ont pris la forme de rémunération accrue, plutôt que de personnel plus nombreux et de meilleures installations. Les queues n’ont pas sensiblement raccourci. Les journaux font déjà état de l’absorption des ressources fraîches par les salaires et le raccourcissement des heures de travail. Le système britannique de santé compte presque autant de gestionnaires, d’administrateurs et d’employés de soutien que d’infirmières qualifiées. Par opposition, on dénombre dans un hôpital privé de Londres 43 postes administratifs pour 243 infirmières, ratio de 1 à 6, plutôt que de 1 à 1.

Autre illustration de cette loi d’airain, Medicare USA : Une étude publiée dans Annals of Internal Medicine vient de confirmer que la poussée des dépenses de Medicare n’a pas apporté de solution aux déficiences du régime. La démarche des chercheurs visait à déterminer si les patients qui habitent les régions à fortes dépenses (de la part de Medicare) obtiennent des soins de meilleure qualité. On sait que les variations interrégionales sont prononcées : 8 414$ par habitant à Miami, seulement 3 444$ à Minneapolis. S’agissant des traitements majeurs, tels les pontages, la cathéterisation cardiaque ou le remplacement d’une hanche, on découvre qu’ils sont essentiellement les mêmes indépendamment des régions et du coût. C’est lorsqu’il s’agit de soins plus discrétionnaires, tels les visites supplémentaires chez le médecin, chez le spécialiste en particulier, ou les tests diagnostiques, ou le nombre de jours dans les unités de soins intensifs, que les variations s’avèrent le plus prononcées. Au total, les résultats confirment que les dépenses publiques engendrent la multiplication des soins (jusqu’à 60% de plus), mais pas l’amélioration de la qualité des soins, ni l’accès, ni la satisfaction des patients.

La théorie économique et l’expérience universelle confirment que l’accès illimité à des ressources rares, à un prix voisin de zéro, n’est pas un aménagement durable On a observé cet aboutissement dans les pêcheries, dans les rues et les routes aux heures de pointe, dans la dégradation des nappes d’eau et ailleurs. Aujourd’hui c’est au tour du régime de santé de flancher sous le coup des déficiences inhérentes au système. Le principe qui préside à la prise en charge presque intégrale par l’État des frais de santé même mineurs est sans fondement moral ou économique et irréaliste.

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Catégorie(s) : La santé au Québec

Le cas du régime de santé, l’entrepreneur banni

Le 17 décembre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-RegimSante1

On estime qu’en 2030, 22 pour cent des personnes des riches pays de l’OCDE auront soixante-cinq ans ou plus, près du double du nombre actuel. On connaît donc peu de sujets qui suscitent plus de réactions viscérales que la place de l’entreprise privée dans les services hospitaliers. Les écrits sont nombreux sur la question et le diagnostic est net: les hôpitaux privés, à but lucratif ou sans but lucratif, l’emportent en efficacité sur les hôpitaux sous gestion publique. Qu’ils soient à but lucratif ou pas compte pour peu dans la performance. Même en France, la Cour des Comptes fait état d’études qui montrent que « les coûts seraient, dans le secteur public, supérieurs, pour une même pathologie, de 30% au moins à ceux des cliniques privées ».[1][1] Selon d’autres estimations (Mougeot, 1999), le coût par unité standardisée de traitement dans un hôpital public s’inscrirait à 50 % au-dessus de sa contrepartie privée à but lucratif. Ce qui infirme par l’expérience le préjugé facile selon lequel il est moralement condamnable de faire de l’argent à traiter des malades.

La prétention de pouvoir régler d’en haut l’offre de soins sur la demande par la macro régulation de la capacité ou le « micro management » des décisions est aujourd’hui discréditée. Le prix est à la fois la mesure de la valeur que les consommateurs attachent à un service et l’aiguillon qui amène les offreurs à investir, à innover, et à se régler sur les vraies préférences de la population. Le principe de la coassurance a pour effet, non seulement de susciter une plus grande parcimonie chez le patient, mais aussi d’entraîner une injection de ressources supplémentaires dans le système qui ne s’observe pas là où, comme au Canada, le financement reste exclusivement public. Il serait naïf, par contre, de voir dans l’implantation d’un régime parallèle la restauration d’un contexte de marché authentique. La portion à la charge des patients reste généralement marginale, comparée au budget global de santé directement assumés par l’assurance publique. D’autant que la multiplication des exonérations réduit l’impact de cet instrument. En France par exemple, le rapport de la Cour des Comptes fait à cet égard état de ce que 85% des patients hospitalisés restent exonérés du ticket modérateur, et d’environ 50% du forfait journalier. Pour 80% des Français, le budget qui reste à leur charge, avant la couverture complémentaire, ne dépasse pas 185 euros par an[2][2]. Le « reste à charge » pour les 20% d’autres ménages résiduels s’élève à 900 euros.

Le ticket modérateur favorise une certaine prise de conscience des consommateurs, mais, dans sa modalité française, il ne change pas grand-chose aux incitations à rebours dont sont victimes les offreurs régis par des barèmes uniformes établis par l’autorité centrale. Il ne contribue que peu à restaurer les vertus de la concurrence, de l’efficacité et de l’innovation, dans la mesure où la structure de l’industrie et sa capacité restent déterminées par des décisions centrales. La question se pose donc : pourquoi s’en tenir à des mécanismes imparfaits, à des ersatz du véritable mécanisme qu’on cherche à imiter, le marché ?

Le mécanisme de la tarification partielle repose sur une simplification extrême de la théorie économique. À la racine de cette démarche simplificatrice, on trouve l’inspiration d’une méthodologie séculaire: la tradition économique néo-classique conventionnelle (dite marshallienne). Cette approche repose sur la représentation théorique d’une économie statique où, comme des comptables, les producteurs, tous offreurs de biens et services identiques, se règleraient passivement sur un prix imposé de l’extérieur. Dans une telle situation, le marché est naturellement conduit vers un équilibre formel où l’on n’observe directement plus aucune pénurie ni excédent. Mais ce modèle, compatible avec la présence d’un planificateur central qui se réserverait de définir le budget global de dépenses ainsi que sa répartition entre les grandes fonctions, ne laisse aucune place à l’innovation. Schumpeter avait déjà montré que la réalisation de « l’équilibre » dans un marché réel tenait du non sens. Le marché y est réduit à une procédure mécanique purement abstraite et théorique où les acteurs sont en fait soustraits à l’obligation d’identifier l’évolution des besoins, de la technologie, des coûts. En réalité, dans une économie dynamique, les entreprises apparaissent, d’autres déclinent et meurent. L’innovation est à la base de ce processus. Lorsque Google a été lancé, on comptait déjà une dizaine d’autres moteurs de recherche. Qui aurait conçu qu’il en fallait une autre et comment déterminer qu’une formule marchera ou ne marchera pas? La photographie du moment ne signifie pas grand-chose. Le capitalisme est essentiellement perturbateur, en même temps que créatif. Depuis la première phase d’industrialisation du XIXe siècle, la dynamique capitaliste permet aux collectivistes d’exploiter la peur naturelle du changement.

Le contraste entre le régime de santé français d’une part, et les systèmes canadien et britannique d’autre part, peut servir d’illustration de cette problématique. La tarification partielle de l’usager et l’insertion d’une initiative privée circonscrite valent à la France de se soustraire aux files d’attente vécues par les patients britanniques et canadiens. En un sens, l’offre et la demande y sont en « équilibre statique », comme dans l’univers de représentation des économistes néo-classiques. Mais, dans les trois pays, le régime de santé publique centralisé aboutit au même résultat d’exclure du fonctionnement du marché toute logique dynamique d’entreprise innovante. Par construction la vision étatiste de la santé exclut les dimensions dynamiques de l’économie et de la croissance mises de l’avant par les auteurs libéraux comme Frédéric Bastiat, Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, Israêl Kirzner, pour expliquer la croissance moderne du niveau de vie dans les pays dits industrialisés.

A l’inverse, la pensée dominante reste fondée sur la chimère d’une société où ce serait l’État lui-même qui assumerait cette fonction d’entrepreneur. Mais l’État ne peut jamais être qu’un mauvais capitaliste, un mauvais entrepreneur. Par sa logique même, il est incapable de s’engager dans un processus dit de « destruction créatrice », essentiel à la croissance et à l’innovation dans une industrie comme la santé soumise à des évolutions sociologiques et technologiques accélérées. Les vrais capitalistes entrepreneurs ne sont pas à l’abri des erreurs, loin de là. Ce qui les distingue cependant, est qu’ils s’emploient à alimenter les projets prometteurs et fructueux pour les faire grandir et prospérer, tandis qu’ils retirent leur capital des initiatives qui s’avèrent malheureuses. Ils injectent en moyenne quatre fois plus de capital dans les initiatives qui réussissent que dans les projets qui tournent mal. L’appareil politico-bureaucratique, lui, confond création d’emplois et création de richesses.

[1][1]www.ccomptes.fr/Cour-des-comptes/publications/rapports/secu2002/synthese.htm, p. 13.

[2][2] – Haut Conseil 2004., p. 11.

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Catégorie(s) : La santé au Québec Étiqueté : entrepreneurs, financement, société, système de santé, système politique

Monopolisation publique aux dépens des contribuables

Le 11 décembre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-Monopol

Le premier et le plus explicite des mécanismes pour transférer la richesse des contribuables aux producteurs réside dans l’étatisation pure et simple d’industries entières. Voici une courte énumération non exhaustive des pièces maîtresses de l’arsenal politique qui interdit en pratique à quiconque autre que le monopole public d’offrir des services hautement recherchés par la population : l’éducation et la santé étatiques, les rues et les routes, le transport en commun, l’électricité et l’énergie nucléaire, la poste, l’assurance-chômage, la collecte et le traitement des déchets solides, les aéroports, la philanthropie, le crédit hypothécaire et l’assurance, le jeu, la vente d’alcools et la loterie. Dans la logique mystérieuse de la politique, la vente d’alcool constitue un service public dans neuf des dix provinces. Le Québec se targue d’agir en « venture capitalist ». La loi traite des industries légitimes comme s’il s’agissait d’activités criminelles.

Pour n’être pas transparent et déclaré, le profit ou la rente de monopole n’en est pas moins présent dans le monopole public; il est réparti entre les preneurs de décision à travers la structure impénétrable de la machine. On lui donne le nom de « budget discrétionnaire ». Ce budget se traduit en revenus réels supérieurs pour les agents producteurs engagés dans l’entreprise publique. Il fait fonction de subventions aux détenteurs de facteurs. Il explique que le bilan des entreprises d’État s’avère si piètre. La poste canadienne prend plus de temps qu’il y a 50 ans à livrer son courrier. Le mouvement de privatisation a perdu de sa faveur récemment. Ce n’est pourtant pas parce qu’il s’est avéré décevant. Le survol de 38 études (Megginson and Netter, 2001) de privatisations implantées dans de multiples industries à travers le monde mène aux conclusions suivantes : L’opération a valu plus de 600 milliards de dollars aux trésors publics. Plus fondamentale encore, l’injection de concurrence a forcé les entreprises à se montrer plus conscientes des coûts, à améliorer la qualité de leurs services, à augmenter leurs profits et à atteindre une meilleure position financière. Et cet heureux aboutissement ne se limite pas à quelques secteurs secondaires. Il touche les pièces maîtresses que sont l’éducation et la santé, les services postaux, le secteur de l’électricité, le transport aérien et le transport en commun, les télécommunications, les banques, la collecte et le traitement des déchets solides, les aéroports, la production et la distribution de pétrole et de gaz, l’assurance-chômage et l’assistance sociale.

Ces résultats sont confirmés par une publication de la Banque Mondiale (www.worldbank.org), qui examine la performance de 60 entreprises privatisées dans 16 pays différents. En conséquence de la privatisation, les investissements des firmes concernées ont augmenté de 44%, la production de 27%, l’emploi de 6% et l’efficacité de 11%. De l’avis de cet organisme, qui a été pourtant après la deuxième guerre mondiale l’artisan principal de la pratique ruineuse des nationalisations dans le Tiers Monde, les études les plus solides démontrent la réalisation de progrès énormes du bien-être général et d’impact réel sur les indicateurs sociaux, telle la mortalité infantile. Dimension intéressante à noter : De soumettre les entreprises publiques à la concurrence exerce un impact plus fort sur le taux d’investissement que la privatisation elle-même, et loin de diminuer, l’emploi (et souvent les salaires) des travailleurs y gagnent via l’expansion de la production qui en résulte. Selon une étude récente d’un secteur important, voici le condensé que fait l’auteur de l’analyse de la privatisation des télécommunications : La privatisation a valu une énorme amélioration de l’allocation du capital et du travail; elle a contribué à la diffusion du service, à la pénétration des réseaux de communication, et à la poussée de la productivité du travail et de l’ensemble des facteurs (Li, Weil et Xu, 2004). On ne s’étonnera guère de la piètre performance des sociétés d’État. Leurs décisions s’inspirent le plus souvent de considérations politiques, c.-à-d. redistributives plutôt que commerciales. Elles ne combinent donc pas leur capital et leur travail de façon optimale et ne subissent pas d’incitation à offrir de bons services. Elles deviennent la plupart du temps des créateurs d’emplois factices plutôt que des créateurs de richesse et n’obtiennent donc pas le capital nécessaire.

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Catégorie(s) : Socio-politique

Marché politique et marché économique

Le 4 décembre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-MarchePublic

Nous disposons déjà des éléments analytiques pour établir les caractéristiques particulières qui distinguent le marché politique du marché économique. Ce dernier repose d’abord sur l’engagement volontaire des parties à l’échange, tandis que le pouvoir de l’État repose sur la coercition. Toutes les parties à l’échange marchand y gagnent et la sanction contre les offreurs inefficaces est immédiate. L’intervention publique de son côté divise la population en gagnants, composés parfois de majorités parfois de groupes circonscrits, et en perdants, contribuables ou consommateurs. Et la sanction contre les politiciens prédateurs ne s’applique au mieux qu’à l’élection suivante, au pire ne vient jamais.

Dans un marché, le consommateur fait ses achats à la pièce, selon l’intensité de ses préférences et son revenu. Il peut les renouveler à volonté et délaisser les fournisseurs insatisfaisants. Quand il obtient un service de l’État, surtout en l’absence de référendums ou d’initiatives populaires, il doit forcément l’acheter « en bloc » du monopole public. Nous avons montré que l’offreur public combine les propositions en une seule, pour concentrer les bénéfices sur la majorité et en diluer le coût sur l’ensemble des contribuables ou des consommateurs rationnellement absents de l’échange. C’est la façon pour le politique de rallier plus de votes qu’il n’en perd. Le mandat du politicien s’étendant sur plusieurs années, l’électeur doit patienter tout ce temps pour le renverser.

Parce qu’il jouira de la bonne exploitation de ses ressources et qu’il pourra en disposer à son profit, l’exploitant commercial voudra en maximiser la valeur. Les ressources publiques ne sont la propriété de personne, certainement pas de l’homme d’État qui n’en est le gestionnaire que jusqu’à l’élection suivante. Le politicien n’a pas à se soucier de la valeur à long terme des richesses qu’il contrôle.

Le prix commercial exprime la rareté relative des biens et services qui s’échangent dans un marché. Il sert en même temps à canaliser les ressources vers ceux qui les valorisent le plus. Les taxes, qui sont la contrepartie du prix dans le secteur public, n’ont qu’une lâche relation avec la valeur des services que le contribuable obtient. L’intérêt de ce dernier est de consommer le maximum de voies publiques, de services scolaires, médicaux et hospitaliers, même s’ils n’en valent pas à ses yeux le « coût », acquitté d’avance. On comprend dès lors la généralisation des queues, du rationnement et l’épuisement des ressources désormais affectées d’un prix nul. Bien que les services étatiques se composent en grande partie de « biens non collectifs et donc divisibles », la tarification explicite à l’utilisateur touche moins de 3% des services offerts par Ottawa ou la capitale provinciale (environ 12 des services municipaux). Au total, l’échange marchand offre, mieux que le scrutin et l’action politique, aux destinataires ultimes de l’activité productive, une multiplicité de recours pour exprimer et combler leurs préférences.

Contribution du capitalisme à l`humanisme

Le dynamisme du vrai capitalisme lui vient, comme l’avait enseigné Hayek, de ce qu’il favorise les idées novatrices que les entrepreneurs traduisent en technologies profitables. Le régime alternatif (public) au contraire les repousse et les défavorise. D’autre part, les innovations du régime capitaliste découlent de ce que chacun dans ce contexte doit posséder des connaissances personnelles qu’il fera fructifier dans ses initiatives. Mais ce que Phelds dégage de son analyse fascine encore davantage. Le capitalisme dynamique impose aux gens de passer leur vie à résoudre des problèmes, ce qui réalise l’épanouissement personnel. C’est là aux yeux de l’auteur la contribution la plus grande du capitalisme à l’humanisme. De plus, il s’avère particulièrement bénéfique aux gens des classes de revenu inférieur, en leur donnant aussi à eux, non seulement un niveau de vie meilleur, mais l’occasion d’exercer leur créativité.

Aux yeux de l’analyste, l’avènement de cette grande coalition d’intérêts qu’on retrouve dans les « sommets » et les « États généraux », n’est donc ni réaliste ni souhaitable. L’hypothèse d’un consensus de cette nature n’augurerait rien de bon. Il ne pourrait s’établir qu’au détriment de groupes inorganisés ou pas encore existants. Les grandes coalitions ne se concrétisent que lorsque les victimes appropriées ont été ciblées. En général celles-ci se composent des contribuables ou des consommateurs. Alternativement, si un aménagement favorable à la productivité ou à l’innovation devait gêner les intérêts de l’une des parties à la coalition, il serait habilement écarté. Nous procéderons maintenant à l’étude de la domination des producteurs en faisant une revue partielle des deux formes distinctes de cartellisation publique, qui démontrera que, tout inefficaces qu’elles soient, ces mesures font gagner plus de votes chez les agents producteurs, qu’elles n’en font perdre chez les consommateurs ou les contribuables.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : capitalisme, économie, gouvernement, partis politiques, politiciens, politique, pouvoirs publics, Québec, société

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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