Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Archives pour mai 2015

Jeu à somme nulle en faveur de la classe moyenne

Le 28 mai 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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On peut maintenant dégager de l’analyse économique de la politique une proposition empirique générale. L’interventionnisme profitera principalement aux gens de la classe moyenne, non pas aux défavorisés comme le postule la vision conventionnelle, ni aux riches, comme l’enseigne la tradition marxiste. C’est moins de 10% du budget public qui profite vraiment aux pauvres.[1]

Le théorème de la tendance centrale enseigne que le mécanisme politique donne lieu à des coalitions majoritaires successives de votants ayant pour objet exclusif, non pas d’augmenter la richesse et d’améliorer le bien-être général, mais d’opérer des prélèvements sur l’ensemble de la population pour octroyer des transferts à des sous-groupes particuliers, fussent-ils majoritaires. Un jeu à somme nulle. La richesse n’augmente pas; elle n’est que redistribuée. Du vol légal, en somme. La règle d’un homme une voix, combinée à la « liberté d’entrer » dans l’arène politique, implique que toute personne et sa propriété personnelle sont mises à la portée de toutes les autres, et ouvertes au pillage. En ouvrant les couloirs du pouvoir politique à tout le monde, la démocratie fait du pouvoir politique une propriété collective, où personne ne souhaite qu’il soit restreint parce chacun espère avoir la chance de l’exercer. Les fumeurs de ce début de siècle en savent quelque chose, eux qui subissent les foudres de l’hystérie des non-fumeurs devenus majoritaires.

Le survol rapide que nous ferons de l’histoire contemporaine confirme que la croissance des gouvernements est un phénomène récent qui remonte aux années 30. Dans la perspective d’une interprétation analytique du phénomène, il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’avant cette époque les démocraties imposaient des conditions restrictives d’accès au suffrage : Une forme de propriété était requise, et donc les votants jouissaient de revenus supérieurs à la moyenne; l’âge du droit de voter était de 21 ans et donc les plus bas revenus s’en trouvaient exclus; les femmes, qui faisaient des revenus inférieurs, étaient aussi exclues du processus de scrutin. Notre intention n’est pas de porter un jugement sur ces exclusions, mais de montrer qu’en abaissant le revenu de la majorité des votants, on a favorisé le glissement vers le redistributionnisme accru.

 

[1] Vaillancourt, F., La répartition des revenus et la sécurité économique au Canada: un          aperçu, Commission Macdonald, 1986, pp. 1-87.

 

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : bourgeoisie, classe moyenne, coalition, droit de vote, interventionnisme, partis politiques, société

Représentation géographique et financement public des partis

Le 20 mai 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Représentation géographique

Dans nos régimes démocratiques, les votants ne choisissent pas les membres du parlement à partir d’une liste exhaustive unique de candidats, où ceux qui recueillent le plus de voix dans le pays ou la province (ou la municipalité) sont portés à l’assemblée législative comme représentants. Le pays ou la province sont plutôt divisés en aires de scrutin plus petites (les circonscriptions électorales), et les citoyens votent pour des candidats différents dans chaque circonscription.

La formule offre certains avantages, dont en particulier celui de représenter plus clairement les différents territoires géographiques et aussi de donner plus de poids aux tiers partis et aux indépendants. Elle comporte aussi ses travers que nous ne manquerons pas de faire ressortir ultérieurement. C’est ainsi que les projets d’intérêt strictement locaux en viennent souvent à dominer les décisions publiques, amplifiant encore plus la poussée des dépenses publiques et des taxes.

 Financement public des partis

L’analyse économique démontre hors de tout doute que le mode public de financement des partis et la régulation qui l’accompagne exercent une influence décisive en faveur des partis en place et donc contre les concurrents potentiels.[1] C’est du rationnement de la parole qu’il s’agit. Ainsi, la formule a pu modifier la « stratégie » des électeurs fédéraux aux élections de 2004.

Avant l’implantation du financement coercitif des partis, un électeur Conservateur du Québec, conscient que son candidat préféré n’avait aucune chance de l’emporter, aurait pu choisir de voter stratégiquement et appuyer le Libéral, pour barrer la route au Bloc Québécois qu’il abhorre encore plus. Mais il se trouve qu’au Canada à partir de 2004, chaque vote au-delà de 2% vaut 1,75$ au parti qui les recueille. En votant stratégiquement pour le parti Libéral, notre électeur aurait facilité le financement du parti qu’il n’aime pas et lui aurait fourni des armes contre son parti préféré aux élections suivantes. Il hésitera davantage à « gaspiller » son vote et appuiera plus probablement le candidat Conservateur. La mécanique électorale constitue un vaste champ d’analyse. Les modalités particulières du processus électoral et législatif ne sont pas neutres, mais elles ne sauraient modifier les tendances de fonds qui constituent l’objet de notre démarche.

[1] Lire Palda, Filip, Un combat à armes inégales, Institut Fraser, 1992 et Boucher, Michel et Filip Palda, Ici, le peuple gouverne, Les Éditions Varia, Montréal, 2000, chap. 7, pour saisir la signification de cette formule dans le contexte canadien.

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Catégorie(s) : Socio-politique

Autres considérations sur le régime de représentation proportionnelle

Le 13 mai 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Le trait distinctif de notre régime est que ce sont les citoyens de chaque circonscription qui choisissent l’individu qui les représentera au parlement. Sous la règle de la représentation proportionnelle par contre, les citoyens n’élisent pas un représentant spécifique dans chaque circonscription. En fait, ils ne votent pas pour le candidat de leur choix. Ils déposent plutôt deux votes, dont l’un en faveur d’un parti politique qui, comme ses concurrents, aura offert sa liste de candidats à l’appui des votants.

Plus le parti obtient de votes dans un territoire, plus le nombre de candidats élus est grand pour le parti. Ce qui signifie que les candidats placés en tête de liste sont presque assurés de leur élection. C’est donc le parti plutôt que l’électorat qui détermine l’ordre de la liste des candidats. Il s’avère souvent impossible pour les votants d’expulser un leader impopulaire, un ministre ou quelque autre politicien éminent mais détesté. On comprend donc que la formule obtienne l’oreille attentive des partis, surtout des partis marginaux qui moyennant 5 ou 10% d’appui peuvent désormais participer à l’exercice du pouvoir. Elle s’avère aussi populaire auprès des activistes des partis établis, qui obtiennent ainsi à la place des électeurs le pouvoir de définir la composition du parlement. Les fétiches à la mode, dont le nombre de femmes, la composante ethnique, religieuse ou l’orientation sexuelle, ont alors plus de chance de s’exprimer explicitement à l’assemblée des élus. Il importe enfin de souligner que la proportionnelle n’a nulle part remédié à la désaffection de la population vis-à-vis du système politique et qui s’exprime dans la chute constante du taux de participation au scrutin. Comme le prouve le rapport d’une commission britannique[1], le phénomène de désillusion est commun aux pays d’Europe régis par la proportionnelle et aux régimes régis par le vote uninominal.

Dans cette perspective, le projet de représentation proportionnelle avancé en 2005 en Colombie Britannique comportait certaines particularités qui avaient spécifiquement pour objet d’atténuer ces risques. Entre autres, l’identité des candidats choisis pour représenter les circonscriptions n’aurait pas été désignée à partir d’une liste établie par le parti, mais par les électeurs eux-mêmes grâce à leur vote transférable qui aurait classé les candidats dans l’ordre de leurs préférences (1, 2, 3) (à l’exemple de l’Irlande). Les votants auraient donc voté pour des candidats, non pas pour des partis; la représentation locale aurait été sauvegardée. Le statut du député y aurait gagné au détriment du parti, celui du challenger au détriment du candidat en place, et sans doute d’une façon générale, le statut du votant au détriment de la classe politique. Peut-être s’avère-t-il possible d’avoir les avantages de la représentation proportionnelle, sans pour autant souffrir de l’instabilité italienne ou israélienne.

Dans une perspective plus fondamentale et à plus long terme, il est pertinent de rappeler le trait suivant des régimes électoraux de l’histoire démocratique : Les pays régis par le régime uninominal ont au cours de l’histoire fait preuve d’une plus grande stabilité que les pays où la proportionnelle avait cours. On le conçoit aisément, en ce que la proportionnelle favorise la fragmentation des partis en une gamme de camps idéologiques, ce qui suscite plus directement l’intolérance et l’extrémisme. La France en est peut-être la plus claire illustration, elle qui en est revenue d’ailleurs au régime uninominale (à deux tours cependant) aux élections nationales. La république Weimar en Allemagne était le produit de la représentation proportionnelle et n’a pas su résister à la montée du nazisme. Il faut dire en contrepartie que, sous un régime de représentation proportionnelle, l’Allemagne a connu un demi siècle de performance économique exceptionnelle après la guerre. On ne peut pas dire non plus que des pays comme la Suède, l’Irlande, la Suisse, la Nouvelle-Zélande ou l’Allemagne souffrent de gouvernements trop faibles. Les démocraties américaine, britannique et même canadienne ont fait preuve de plus de résilience dans la résolution des plus graves crises. Sans compter qu’aux yeux de l’économiste, la stabilité s’avère la condition indispensable au maintien et à l’importation du capital indispensable à la croissance. Il n’est peut-être pas exagéré d’affirmer que c’est partiellement la stabilité des régimes qui explique que les pays anglo-saxons aient connu les économies les plus ouvertes au monde. Reconnaissons par contre que la démocratie américaine fonctionne souvent comme un gouvernement de coalition, où les budgets et les initiatives législatives doivent régulièrement recueillir l’appui des deux partis dans les deux Chambres.

[1] Independent Commission to Review Britain’s Experience of PR Voting Systems. The Constitution Unit, Londres 2003.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : candidats, partis politiques, politique, Québec, régimes électoraux, société, système politique

Gouvernement de coalitions et gonflement des budgets en régime de représentation proportionnelle

Le 6 mai 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Le théorème du votant médian tient dans tous les régimes démocratiques. Il y a lieu cependant d’insérer ici le rôle distinctif des modalités institutionnelles particulières des systèmes démocratiques en place. Mentionnons le sens de la représentation proportionnelle, commune en Europe, plutôt qu’uninominale à un tour qui caractérise les systèmes en Amérique du Nord et dans le monde anglo-saxon en général.

Au Canada, dont on dit qu’il représente un cas de dictature électorale en raison de la discipline de parti et parce qu’il confère un pouvoir illimité aux premiers ministres et aux cabinets, cinq provinces, dont le Québec, ont mis à l’étude des projets de réformes électorales allant dans ce sens. Le principe de la représentation proportionnelle aux votes obtenus a été récemment retenu par un groupe de citoyens choisis à seule fin de proposer un régime électoral pour la Colombie-Britannique. Les propositions du groupe, soumises intégralement à l’approbation de l’électorat dans un référendum qui coïncidait avec l’élection provinciale, ont cependant été rejetées mais de justesse. Il n’est pas inopportun de souligner au départ que ce système ne répond pas chez nous à un mouvement de masse en sa faveur, mais davantage au messianisme des activistes politiques et des organisateurs de partis. La confusion et le chaos qui ont suivi l’élection de 2005 en Allemagne et de 2006 en Israël, n’ont pas manqué de refroidir les ardeurs même des plus ardents adeptes de la représentation proportionnelle.

Le régime actuel favorise le bipartisme en ce qu’il réduit l’importance des groupes marginaux et des tiers partis dans les décisions politiques. C’est là le reproche essentiel qu’on formule à son endroit. On peut tous identifier des gouvernements majoritaires, élus non seulement par un vote minoritaire, mais qui comptaient moins d’appui électoral qu’un parti rival. Si la représentation proportionnelle présidait à la formation du parlement, le Canada et la plupart des provinces seraient vraisemblablement gouvernés par des coalitions ou par des gouvernements minoritaires. Le biais des gouvernements minoritaires ne neutralise pas pour autant la convergence vers le centre de la distribution. Les politiques de chaque parti peuvent ne pas converger vers le centre, mais les politiques que les coalitions combineront pour maintenir le gouvernement en place, elles, convergeront. Au lieu de se faire au sein des partis, du Cabinet ou des caucus, la négociation entre les groupes d’intérêt se ferait au Parlement même. Soit dit en passant, la multiplicité des partis au gouvernement ne suscite en rien la multiplicité des choix qu’on observe dans le marché. C’est plutôt le contraire qui en découle. Les partis politiques membres de la coalition s’entendent pour partager le pouvoir et convenir d’une politique commune, non pas pour multiplier les variétés de services.

Chaque mode de scrutin n’en comporte pas moins ses incidences particulières. Les alliances conclues entre les partis sous un régime proportionnel conféreraient un pouvoir accru aux partis marginaux qui réclameraient des lois favorables à leurs membres en retour de leur appui au gouvernement en place. On peut concevoir un législateur élu par 1% de la population et qui dicterait une loi qui régirait les 99 autres. Le parti nazi, avec 18% du vote populaire, a pu contrôler le gouvernement allemand en 1930. C’est après l’avènement de la proportionnelle que le Front National a pu s’imposer comme alternative possible en France. L’un et l’autre de ces aboutissements favorisent l’instabilité des gouvernements; Israël n’a jamais eu de gouvernement majoritaire et le gouvernement italien est tombé en moyenne chaque année. La proportionnelle entraîne aussi la croissance des budgets en ce que le grand parti cherchera à apaiser son ou ses partenaires dans la coalition. L’influence accrue conférée aux groupes marginaux consolide le pouvoir des groupes d’intérêt circonscrits. La proportionnelle bannit à toute fin pratique la formation de gouvernements majoritaires dirigés par un seul parti. Elle donne plutôt lieu au regroupement d’une collection de groupes d’intérêt. Le maquignonnage typique de tous les régimes démocratiques est amplifié par la proportionnelle. Les groupes marginaux accroissent ainsi leur pouvoir d’imposer leurs préférences à l’ensemble de la population qui les a rejetés à l’élection. On conçoit facilement en 2006 un gouvernement minoritaire dirigé par le Premier Ministre Harper, mais composé de Jack Layton comme ministre des finances et de Paul Martin comme ministre des Affaires Extérieures. La responsabilité de cette administration vis-à-vis l’électorat en serait donc la première victime.

Les deux plus récents analystes de la question (Persson et Tabellini, 2004) résument ainsi les résultats de leur enquête sur 80 démocraties du monde. Les démocraties régies par la représentation proportionnelle imposent des taxes et des régulations plus lourdes, ont des budgets de dépenses supérieurs de 6% du PIB et des déficits plus lourds. On comprend que les gouvernements de coalition éprouvent plus de difficulté à s’en tenir à leur budget dans l’éventualité d’un choc majeur. A cet égard, on peut arguer que l’élection à la proportionnelle, commune à la plupart des pays d’Europe, a facilité la montée et la permanence des partis socialistes et communistes dans ces territoires.

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Catégorie(s) : Socio-politique

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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