Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Histoire de l’étatisme en Occident

Le 2 juillet 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Le défi politique majeur du Québec, plus que des autres provinces mais comme la plupart des pays d’Europe, est de régler la question de l’État omnivore. L’État en Occident est appelé à dégrossir, par suite du fait que la logique en place suscite le résultat alarmant qu’on connait, une crise fiscale en somme. L’Occident ne connait qu’un modèle depuis la deuxième guerre mondiale, surtout depuis les années 60, soit le gonflement incessant de l’État démocratique. L’égalité des chances est devenue l’égalité des résultats par l’insertion de l’État. L’histoire moderne depuis trois siècles n’a pas toujours suscité cet aboutissement. C’est au XVIIe siècle que l’occident a réalisé l’État nation centralisé. C’était l’époque du premier Léviathan, selon la désignation proposée par Thomas Hobbes. La démocratie libérale apparait et l’Ouest domine les autres régimes, politiquement et économiquement.

Fin du XVIIIe et XIXe siècle, les réformes libérales balaient la royauté et instaurent l’accountability, surtout en Grande-Bretagne. Sous la reine Victoria, la liberté et l’efficacité inspirent l’État. Les droits accaparés par l’État sont comprimés et le fonctionnarisme professionnel s’installe dans la santé et l’éducation, au point que les ressources prélevées par les pouvoirs publics baissent. Au XXe siècle, nonobstant la mondialisation, obstacle supposé au gonflement, et dans le souci déclaré d’améliorer le sort de tous les citoyens, les pays occidentaux inventent le «welfare state»; le reste du monde suit la tendance. Malgré les efforts de Milton Friedman et de Hayek[1][1] après la guerre pour freiner le gonflement de l’État, leur enseignement n’obtient pas un grand succès dans les pratiques effectives. Vers la fin de sa vie en 2004, Friedman en était conscient et formulait le sens de cette évolution dans une phrase expressive: « Après la deuxième guerre mondiale, l’opinion publique était socialiste mais la pratique reposait sur le marché libre; présentement l’opinion est pro marché libre, tandis que la pratique est nettement socialiste »[2][2].

De 1913 à 2011, la part du PIB absorbée par les pouvoirs publics passe de 7,5% à 41% aux USA, de 13 à 48% en Grande-Bretagne et de 10 à 47% dans les 13 pays les plus riches. Le gouvernement américain n’a connu que cinq surplus dans les 54 années depuis 1960; le gouvernement britannique, six depuis 1975. Un nombre élevé de pays portent une dette publique supérieure à 100 pour cent du PIB. A la fin de 2012, les 34 pays membres de l’OCDE étaient propriétaires, en tout ou en partie, de plus deux mille compagnies embauchant une main-d’œuvre de plus de six millions et dotées d’une valeur collective de 2 mille milliards. On estime que les gouvernements de ces mêmes pays détenaient des terres et des bâtiments évalués à neuf mille milliards. L’Institut  Économique de Montréal calcule en temps réel la croissance de la dette intégrale du secteur public du Québec. Il s’agit de la dette brute du gouvernement, à laquelle on ajoute la dette des réseaux de santé et d’éducation, des municipalités et des autres entreprises sous la responsabilité finale du gouvernement. En se basant sur les données fournies par le ministère des Finances dans son Plan budgétaire 2014-2015 (qui excluent la part de la dette fédérale qui revient au Québec), l’IÉDM en vient à estimer que la dette augmentera de 9,3 milliards $ d’ici le 31 mars 2015, ou de 25 millions $ par jour, ou de 17 670 $ par minute, ou de 294 $ par seconde. Elle se gonflera encore davantage dans les prochaines années, sous l’influence du vieillissement de la population. Les industries réseaux, tels le transport, l’électricité, les télécommunications, sont largement nationalisées, sous le douteux prétexte qu’elles constituent des biens collectifs ou des actifs stratégiques. C’est même sous la présidence du républicain George Bush, présumé favorable au rétrécissement de l’État, que les budgets publics américains gonflent le plus rapidement. Malgré la diffusion des services publics de santé et d’éducation, la productivité n’augmente que peu et le vieillissement de la population n’aide pas non plus. Au total, le processus d’explosion de l’État s’avère inhérent à la politique associée à la démocratie. La globalisation et la technologie parviendront-elles à transformer le secteur public. Certains y croient.[3][3] Nous nous en remettons quant à nous aux règles constitutionnelles.

Le Québec recule par rapport aux autres provinces depuis la révolution tranquille; cette évolution s’observe en matière de population, de PIB, et de main-d’œuvre. Le mouvement de la population et du PIB montre que dans l’économie d’une province intégrée à l’économie nationale, c’est dans les quantités plutôt que dans les prix et les revenus par habitant que les ajustements s’opèrent, sauf dans les prix du sol et des services locaux.  Parce que l’offre de sol est une ressource fixe, son prix augmente plus rapidement en Ontario qu’au Québec. Et l’ajustement se poursuit jusqu’à ce que le revenu réel par habitant converge vers le même niveau à travers les deux provinces. La divergence prononcée dans la croissance totale de chacune des deux provinces s’en est trouvée entièrement capitalisée dans le prix du sol et des services locaux. Grâce à la mobilité de la population et à la plus faible croissance de la population québécoise, les résidents québécois ont pu participer à la hausse du standard de vie canadien. Cette évolution comporte cependant un contrepoids: dans la mesure où les Québécois moins mobiles n’ont pas souffert de la baisse du revenu par habitant, dans la même mesure ils sont moins susceptibles de résister à l’envahissement étatique.

 

[1][1] Hayek, Friedrich A., The Road to Serfdom, The University of Chicago Press, 1944.
[2][2] Cité dans Burgin, Angus, The Great Persuasion: Reinventing Free Markets since the Depression, Harvard University Press, 2012, p. 223.
[3][3] Micklethwait, John et Adrian Wooldridge, The Fourth Revolution, The Penguin Press,            New-York, 2014.
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Relation négative entre croissance économique et taille de l’État

Le 3 juin 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Quelle est la signification globale de notre démarche au Québec? La croissance n’est pas le produit d’une seule cause. De prétendre que sa triste évolution ne fait que refléter le déplacement de l’activité depuis le nord-est de l’Amérique du Nord vers le sud-ouest n’est qu’un faux-fuyant. L’Ontario a fait beaucoup mieux, du moins jusqu’à récemment et les Maritimes aussi. Autre facteur qui déculpabilise partiellement la politique québécoise: les transferts fédéraux aux provinces et aux municipalités. Les politiciens provinciaux et locaux n’ont pas toujours à taxer leurs électeurs pour se payer les services publics qu’ils valorisent. Ce sont souvent les politiciens fédéraux qui prélèvent les revenus qu’ils transfèrent aux provinces. La thèse que nous soumettons ici s’applique à tous les niveaux, même en régime fédéral.

Ce qui n’explique pas que le Québec se soit montré sensiblement plus fervent que les autres provinces dans sa foi dans les vertus étatistes. Nous rappellerons donc la cause déterminante de notre retard: les obstacles à la liberté de commercer découlant de la lourdeur du fisc et des régulations s’avèrent toujours fatales à la prospérité. Les études démontrent universellement que la relation entre le rythme de croissance de l’économie et la taille de l’État est négative.[1][1] Le Québec s’inscrit déjà  au dernier rang des 10 provinces et des 50 États américains en matière de fiscalité et de régulations. En 2008, le gouvernement québécois dépensait 28% du PIB provincial, l’Ontario, environ 20% et l’ensemble des provinces, 18%[2][2]. A près de 40% du PIB, le fardeau fiscal québécois se hissait au plus haut niveau, non seulement du Canada, mais de tous les pays de l’OCDE en 2006[3][3]. Sa dette brute atteignait 88% du PIB, contre 68% pour l’ensemble des juridictions canadiennes.[4][4] Les faits sont incontestables. Les modes d’intervention qui affectent les prix relatifs ont explosé depuis les années 60: subventions, taxes, tarifs douaniers, quotas, nationalisations, entreprises publiques, achats préférentiels, régulations sociales et prohibitions. Dans les années 50, la part du secteur public au Québec s’avérait inférieure à celle des autres provinces; dans les années 60, elle s’est gonflée pour atteindre une part de l’économie supérieure au reste du Canada. Cette évolution s’est maintenue depuis et s’observe encore aujourd’hui. La part des dépenses publiques dans l’économie québécoise est passée de 4% inférieure à la moyenne canadienne en 1961, à plus de 4% supérieure en 1978.[5][5] Elle atteignait 47,3% de l’ensemble du  Canada en 2009, soit de près de 9 points de pourcentage supérieure[6][6]. La fonction publique du Québec emploie le même nombre de personnes que la Californie.[7][7] On réalisera que le séparatisme est lui-même le sous-produit de cette foi dans le pouvoir de l’État de réaliser le bien commun. Ce mouvement, apparu dans les années 60 constitue une aspiration promue principalement par les intellectuels de gauche qui associent le progrès et la modernité à la planification d’État. Dans la promotion du français chez nous, la croyance est généralisée que la régulation est plus importante que la prospérité économique.

__________________

[1][1] J. Gwartney, R. Lawson et W. Easterly, Economic Freedom of the World, Annual Report, The Fraser Institute, Vancouver, 2006.
[2][2]Joanis et Godbout, Graphique 60.
[3][3] Joanis et Godbout, Graphique 51.
[4][4]M. Joanis et L. Godbout, p. 341.
[5][5] Statistique Canada, Provincial Economic Accounts 1961-1976 and Provincial Economic Accounts 1963-1978, Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1978 et 1981. On lira une analyse plus étendue de l’histoire économique du Québec dans Vincent Geloso, Du Grand Rattrapage au Déclin Tranquille, Les Éditions Accent Grave, 2013.
[6][6] K Treff and D. Ort, Finances of the Nation 2011, Table B.8, p. B-14, Canadian Tax Foundation 2012.
[7][7] Mark Steyn, « Is Canada’s Economy a Model for America? », Imprimis, janvier 2008, vol. 37, numéro 1.

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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