Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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L’État, source déterminante des soucis écologiques

Le 12 août 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

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Même les mesures formellement destinées à réduire notre dépendance du pétrole entraînent l’effet contraire. L’ambition de substituer l’éthanol au pétrole élève l’émission de bioxyde de carbone. Il faut 75% de plus d’énergie pour cultiver, broyer, faire fermenter et distiller le maïs pour en faire de l’éthanol que l’éthanol lui-même n’en contient. La plupart des programmes de recyclage, vantés pour leur prétendue économie d’énergie, en élèvent plutôt la consommation. Il faut désormais subir le passage bruyant de trois camions d’éboueurs plutôt que d’un seul. L’octroi de subventions aux frigos « efficaces » en énergie, suscite l’achat d’appareils supplémentaires et l’installation d’un frigo à bière au sous-sol.

Nos manufacturiers de voitures encaissent de généreuses subventions, comme le font nos chemins de fer, nos chantiers navals et les jets de Bombardier. Nos ports et aéroports reçoivent aussi d’abondantes aides de l’État. Les producteurs les plus libéraux de gaz à effet de serre que sont les industries de ressources naturelles—le papier, les mines et l’agriculture—jouissent également d’une généreuse assistance de l’État. L’agriculture en particulier, qui compte pour le septième de toutes les émissions, fait l’objet d’énormes subventions, en plus de jouir d’une longue suite de subventions indirectes que sont nos régimes de régulation et de fiscalité. Même l’assurance emploi discriminatoire sert à garder le plus de travailleurs possibles dans les régions riches en ressources. Le système de péréquation a aussi pour effet de maximiser l’exploitation des ressources, en transférant la richesse des régions industrialisées en faveur des provinces rurales les plus dépendantes des ressources naturelles. Et de toute façon, la péréquation n’a aucun fondement, puisque le revenu réel par habitant ne varie pas suivant les régions dans les économies intégrées comme au Canada. A l’intérieur de chaque province, l’aide régionale est canalisée des régions urbaines en faveur des régions rurales les moins économes en énergie.

Même à l’intérieur des villes, le biais historique a favorisé la consommation de carburant. Les interventions publiques ont soustrait les résidents des villes au fardeau de leurs décisions de s’installer dans un endroit ou dans un autre : Subventions à la construction domiciliaire en faveur des banlieues, réglementations et normes de construction dans les villes centres, non tarification de la plupart des services et en particulier du transport routier, construction d’autoroutes et de voies d’accès aux frais de l’ensemble des contribuables plutôt que des utilisateurs, subvention aux services d’eau et d’égouts et programme fédéral d’infrastructures, subvention au transport en commun. Le cauchemar des encombrements urbains tient directement et exclusivement à la gratuité des routes et des rues imposée par l’État. Les maisons de rapport et les cafés du coin, même sis à proximité de stations de métro, ont l’obligation de prévoir de vastes espaces de stationnement, qui ont pour effet de hausser le loyer des logements tout en abaissant le coût de fonctionnement de l’automobile. Les villes interdisent l’implantation de transport en commun privé, de même que l’usage partagé du taxi, deux recours qui offriraient le transport plus rapide et par des itinéraires plus directs et donc plus économiques. Elles limitent en même temps le nombre de permis de taxis qui serviraient de substituts à la voiture privée. Conclusion : L’abandon pur et simple de Kyoto, sans implantation de programmes substituts factices, s’avère donc pour le Canada le plan optimal de réduction des gaz à effet de serre.

L’histoire des fumisteries groupistes ne se limite pas à la litanie des catastrophes écologiques qu’on prophétise, tels l’épuisement des ressources et l’extinction des espèces, en passant par l’enfer climatique imminent. Les plus gros titres des journaux nous en révèlent une longue liste supplémentaire observée ces quelques dernières années. Soulignons la bulle boursière de l’Internet, la présence de munitions de destruction massive en Iraq, la diabolisation de George W. Bush au Canada et en Europe, et plus significative encore, l’adhésion intellectuelle massive à l’étatisme qui a marqué la deuxième partie du XXe siècle et qui se perpétue au XXIe sous la forme du « développement durable ». L’un des dangers extrêmes de cette menace a pris la forme chez nous de ce qu’il est convenu d’appeler la doctrine Lalonde, du nom de l’ex-ministre fédéral. En vertu de cette règle de conduite, il est devenu légitime pour les agences publiques, en matière d’environnement et de santé, de manipuler l’enseignement de la science au profit de la propagande, si on peut par l’endoctrinement changer les styles de vie et promouvoir la santé des gens et de l’environnement. Concrètement, cette doctrine a servi récemment à emporter l’adhésion générale à la signature du protocole aberrant de Kyoto (abandonné depuis au Canada) et au refus de certains gouvernements provinciaux de financer des appareils PET et PRT-CT pour le dépistage du cancer.

 

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Catégorie(s) : Économie du Québec

L’unique système de progrès économique de l’humanité: le capitalisme

Le 4 août 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-Capitalism

Les préjugés et l’ignorance à l’endroit du capitalisme sont largement répandus. Les gens comptent sur les gouvernements pour réaliser la justice sociale, pour leur protection et leur assistance sous forme de législation en faveur des travailleurs et de la société en général, pour réaliser l’ordre social, le tout par la planification. Ils demandent la fiscalité progressive et la taxation des héritages, le salaire minimum, l’immunité en faveur des syndicats, les lois antitrust, la sécurité sociale, l’école et l’hôpital publics, l’habitation publique, la médecine publique, les bureaux de poste publics, le transport par rail, le métro et les lignes d’autobus, les subventions aux agriculteurs, aux manufacturiers, aux emprunteurs et aux prêteurs, aux chômeurs, aux étudiants, aux locataires, aux gens dans le besoin ou prétendus tels.

Voici quelques croyances populaires et naïves que George Riesman[1], le grand maitre de l’économique, observe et démasque dans un récent écrit sur une perception répandue du capitalisme: La recherche du profit est à l’origine des maigres salaires, des heures de travail épuisantes, et du travail des enfants; des monopoles, de l’inflation, des dépressions, des guerres, de l’impérialisme et du racisme. L’épargne est perçue comme la thésaurisation des capitaux. La concurrence est la loi de la jungle. L’inégalité est injuste et le fondement légitime de la guerre des classes. Le progrès économique suscite le ravage de la planète et, dans son association à l’efficacité, suscite le chômage et les dépressions. Le gonflement des dépenses publiques s’impose pour prévenir le chômage en régime capitaliste. Les hommes d’affaires et les capitalistes sont des exploiteurs et touchent des revenus qu’ils n’ont pas gagnés. La bourse est un casino. Les détaillants et les grossistes sont des intermédiaires, sans fonction autre que d’ajouter un « markup » aux prix exigés par les agriculteurs et les manufacturiers. Toutes ces accusations sont lancées ad nauseam dans les médias, dans les romans et les pièces de théâtre, dans les classes d’école et dans les allocutions publiques. Peu de gens, particulièrement au Québec, adhèrent au principe inhérent à l’analyse économique et donc à la prospérité : l’État est un mal nécessaire. On ne peut malheureusement pas s’en passer. Le mieux qu’on ait réussi à faire avant l’avènement de l’étatisme dans les années 60, c’est de le circonscrire. Nous reviendrons à l’examen des règles constitutionnelles susceptibles de réaliser cet objectif.

L’ignorance de l’économique et du capitalisme est généralisée. Le capitalisme a été et demeure l’unique système du progrès économique et de la prospérité; on peut même le désigner comme la pré condition à la paix mondiale. Tel qu’enseigné par Riesman, il peut servir de manuel substitut aux clichés répandus par Samuelson, par ses disciples et ses imitateurs. Quiconque a le souci de comprendre l’économique et la politique du monde moderne se doit de lire cet ouvrage. Comme l’énonçait James Buchanan, l’exposé que fait George Riesman des faussetés mercantilistes modernes l’élève au statut d’Adam Smith. Nous choisissons l’occasion pour souligner la contribution incontournable de cet auteur.

[1] George Riesman, Capitalism: A Treatise on Economics, TJS Books, Laguna Hills, California, 1990.

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Catégorie(s) : Économie du Québec

Tarification de l’électricité

Le 17 juin 2015 par Jean-Luc Migué 2 commentaires

JLM-Electric

Deux économistes de l’Université Laval ont étendu systématiquement ce schéma d’analyse à la tarification de l’électricité par Hydro-Québec. Le point de départ de leur analyse est que ce monopole public accorde à ses abonnés industriels et résidentiels des tarifs sensiblement inférieurs au coût marginal de production et surtout fortement inférieurs aux tarifs que l’entreprise pourrait réaliser sur le marché du nord-est américain.

En 2005, l’électricité exportée aux États-Unis rapportait 9,6 cents à l’entreprise. Dans une conférence récente, Marcel Boyer de l’Université de Montréal calcule que le coût marginal s’établit à 8,8 cents le kilowattheure, mais que le gouvernement l’autorise à fixer des tarifs variant de 2,56 cents à 7,86 cents. Toute production marginale inflige donc des pertes au monopole de l’électricité, sauf la portion exportée. C’est le conditionnement qui explique que, dans une pratique « contre nature » pour une entreprise, Hydro-Québec investisse tant d‘efforts publicitaires pour nous convaincre de comprimer notre consommation. Cette tarification préférentielle représentait en 1995 un manque à gagner de 553 millions de dollars pour la société d’État et ultimement pour le gouvernement provincial. Ce qui explique en partie qu’Hydro-Québec ait réalisé de 1989 à 1995 des taux de rendement dérisoires variant de 3,3% à 8,4% sur ses investissements, à peine égaux au rendement des Bons du Trésor. Ce gaspillage honteux suscite immédiatement la question : Pourquoi les électeurs québécois élisent-ils des gouvernements qui laissent se perpétuer des pertes d’efficacité si manifestes et si grossières? Excluons sans réserve la rationalisation officielle qui prétend qu’on crée des emplois à subventionner ainsi des entreprises énergétivores. L’abaissement des taxes qui résulterait d’une tarification optimale ferait infiniment plus pour améliorer le marché de l’emploi et le revenu des Québécois.

La logique politique proposée par le théorème de la tendance centrale (souci de gagner l’appui d’une majorité) offre la réponse. Le manque à gagner ainsi sacrifié par le gouvernement doit être comblé par un alourdissement correspondant de la fiscalité générale.[1] Or celle-ci est proportionnelle, et même progressive, c.-à-d. que le taux de prélèvement augmente à mesure que le revenu du contribuable s’élève. Il en va différemment du budget d’électricité des familles, qui, lui, décroît en termes relatifs à mesure que le revenu familial augmente. Ainsi l’abonné qui fait un revenu de 13 000$ affecte 5,54% de son budget à la consommation d’électricité, plutôt que 1,85% dans le cas de l’abonné touchant 55 000$ par année. On démontre ainsi qu’en substituant une taxe proportionnelle ou progressive à un prélèvement uniforme sur la consommation, la majorité des abonnés et donc des votants y gagnent, au détriment des revenus moyens supérieurs. Une majorité d’électeurs préféreront un bas tarif d’électricité combiné à un haut taux de taxation, plutôt que l’inverse. En dépit de son inefficacité manifeste qui diminue la richesse des Québécois de 300 à 500 millions de dollars par année, cette pratique sera retenue par le politicien qui sait gagner des élections. Le souci d’opérer des transferts de richesse à la majorité explique aussi le choix retenu par Hydro-Québec d’imposer une faible redevance d’abonnement, combinée à un tarif inférieur au coût marginal.

[1]Reconnaissons au passage que même si les tarifs d’électricité étaient haussés à leur niveau optimal, la fiscalité générale n’en serait pas allégée d’autant. Cette dimension sera examinée ultérieurement avec la fiscalité générale.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : consommation électrique, électricité, Hydro Québec, politique, Québec, société

Application de la théorie économique de la politique au régime de santé

Le 12 juin 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-EconoSante

Le temps est venu d’appliquer systématiquement notre analyse à des secteurs particuliers. Nous commencerons par les services de santé.

Nous avons déjà établi que l’étatisation des services de santé se fait en faveur d’une majorité aux dépens d’une minorité. La majorité des familles (celles qui comptent en politique) touche un revenu annuel d’environ 25% inférieur au revenu de la famille moyenne. Or, en vertu de la première des règles du jeu démocratique (majorité simple de 50%+1), c’est la famille médiane qui élit les gouvernements et qui, en première approximation, prend les décisions politiques. On dégage de ce calcul la proposition politique clé : Par la substitution du financement public à la tarification marchande (frais de santé), une majorité de la population n’aura à payer que 5 500$ ou moins (10% de 55 000), plutôt que 7,000$ (coût effectif des services), pour jouir des services de santé. Toutes les familles qui font un revenu inférieur à la moyenne paieront moins de 7 000$ pour leurs soins de santé; les familles qui font plus que la moyenne paieront plus de 7 000$.

La nationalisation de l’industrie de la santé a valu à une majorité de votants un transfert de richesse de plus de 1 500$ par année, prélevé sur les familles à revenu moyen supérieur. L’analyste politique Wilson[1] associe spécifiquement l’avènement du régime d’assurance santé au souci de la majorité de se faire payer le service par la minorité. Un parti politique qui sait gagner des élections proposera l’étatisation de l’industrie de la santé et en récoltera plus de votes chez les gagnants majoritaires qu’il n’en perdra chez les perdants minoritaires.

Par ailleurs, la théorie économique des choix publics prédit que la majorité optera pour un budget global de dépenses inférieur à ce qu’elle choisirait si chacun était libre d’acheter lui-même les soins. Sous un régime de monopole public exclusif, le budget public (et donc global) retenu par la majorité s’avérera en général inférieur au budget qui découlerait de la coexistence d’un secteur public et d’un secteur privé.[2] La raison en est que le budget public est déterminé par un décideur théorique (le votant médian) qui dispose d’un revenu inférieur de plus de 25% à la moyenne. Lorsque coexistent un régime public et privé, les consommateurs qui optent pour le service privé ajoutent à la capacité du système, en libérant même le secteur étatique d’une demande supplémentaire. Ce n’est pas la capacité totale que les tenants de la médecine d’État cherchent à maximiser, c’est le budget public.

Et le paradoxe du régime de santé est que ce contexte mène à la surconsommation. L’État est un mauvais assureur. Dans les termes de Boucher-Palda (2000, p. 57), on constate que « Il n’y a aucun lien direct entre l’assurance obtenue et le prix payé. …les citoyens sont portés à demander une protection excessive ». On conclut de cette logique que le rationnement des services de santé et son corollaire, la file d’attente, sont l’aboutissement incontournable de la socialisation de la santé en régime démocratique.

Les adeptes du monopole public se révèlent clairement incohérents à cet égard. Ils prônent d’une part la monopolisation publique intégrale au nom de la solidarité et de l’entraide aux défavorisés, sous le prétexte que l’État est un despote bénévolant, un instrument de générosité et de compassion. Ils postulent d’autre part que le même mécanisme politique, sans monopole public, suscitera l’avènement d’une santé à deux vitesses et laissera les soins de santé publics se détériorer parce que les patients détournés vers le marché retireront leur clientèle et leur appui aux services publics. En d’autres termes, la solidarité ne peut venir que du monopole public, mais si on lui retire son monopole et qu’on l’abandonne aux règles du jeu du scrutin, le gouvernement obéira au calcul des choix publics exposé ci-dessus. Ils reconnaissent donc implicitement le caractère illusoire de la solidarité par l’État. Le retrait du monopole de la santé à l’État constitue, à leurs yeux, un danger intolérable.[3]

Autre dimension significative de la santé socialisée : Les régimes publics mesquinent à l’endroit des services aux personnes gravement malades, mais offrent une multiplicité de services aux gens peu malades. On peut dès lors comprendre la tendance durable des gouvernements à détourner les ressources des soins coûteux destinés au faible nombre de personnes gravement malades, au profit d’une multiplicité de services de réconfort réclamés par le grand nombre pour des malaises mineurs. Ces derniers profitent à des masses tandis que les services intensifs concentrent des sommes énormes sur de petits groupes politiquement moins rentables. Les fonds publics servent d’abord au plus grand confort et au bien-être des personnes âgées, des malades chroniques et des handicapés mentaux, par opposition aux soins intensifs à l’américaine pour les gens dont la santé ou la vie est menacée. Convenons que l’attachement sentimental pour la médecine socialisée repose moins sur le noble idéal de la compassion ou sur la fidélité aux préférences générales, qu’en premier lieu sur le souci de la majorité d’accéder à l’assurance illimitée aux frais des autres.

 

[1] Wilson, L. S., « The Socialization of Medical Insurance in Canada », Revue canadienne d’économique,vol. XVII, mai 1985, pp. 355-76.

 

[2] Epple et Romano (1996) ont fait avec rigueur la généralisation de cette approche à l’ensemble de la production publique. Les observations empiriques s’avèrent ambiguës sur cette question. (Tuohy, Flood et Stabile, 2004)

[3] Lire à ce sujet l’argumentation de Pierre Lemieux, « Informational Cascades: Why Everybody Thinks Alike », Le Québécois Libre, 133, 22 novembre, 2003.

 

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Catégorie(s) : Économie du Québec, La santé au Québec Étiqueté : classe moyenne, économie, famille médiane, politique, société, système de santé

Perception plus nette de ses intérêts par la classe moyenne, grâce à son niveau d’éducation

Le 30 avril 2015 par Jean-Luc Migué 2 commentaires

JLM-NivEducation 

La formation de ce bloc central homogénéisé qu’est la classe moyenne s’accompagne d’un deuxième conditionnement déterminant. « L’embourgeoisement » du monde industriel est associé à la hausse du revenu de cette classe moyenne et en particulier à la hausse du niveau d’éducation. Ce conditionnement supplémentaire confère à ces groupes homogènes l’aptitude accrue à percevoir leurs intérêts, à les articuler et à les traduire en expression politique. L’exploitation de ces nouveaux talents sert en quelque sorte de catalyseur à l’activisme politique de la nouvelle classe moyenne, à sa prise de conscience des intérêts économiques qu’elle peut tirer de la redistribution par l’État.

Peltzman aligne un solide dossier empirique à l’appui de cette thèse. Il y voit l’explication du rétrécissement de l’État en Grande-Bretagne au XIXe siècle, avant l’apparition de la classe moyenne, et de sa croissance ultérieure aux XXe. Il y associe la montée plus prononcée de l’État en Suède où l’homogénéité s’avère encore plus intégrale. Il explique par son schéma la taille plus grande de l’État et sa croissance plus élevée dans les pays développés que dans les sous-développés. Le rôle de catalyseur de l’action politique d’une population scolarisée se serait exprimé particulièrement fort au Japon, une fois devenu démocratique et aux États-Unis où la scolarisation s’inscrivait au-dessus de la moyenne. Le processus serait particulièrement marqué, selon l’auteur, dans ces pays sous-développés qui, exceptionnellement, jouissaient d’un degré avancé de démocratisation et d’éducation. Au total, le schéma expliquerait la multiplicité des conditions qui distinguent d’une part l’État providence d’aujourd’hui dans les différents pays européens, et, d’autre part, les sociétés agricoles traditionnelles.

La signification la plus générale qu’on dégage de l’analyse du processus politique est que, dans la plupart des interventions redistributionnistes, les bénéfices obtenus par les gagnants sont plus concentrés que les pertes encourues par les perdants. Lorsque la majorité sort gagnante de programmes financés par la fiscalité générale, elle n’en reste pas moins une simple majorité ; le fardeau fiscal affecte cent pour cent de la population, tandis que le bénéfice se concentre dans la moitié de la population. C’est ce qui confère son attrait politique à cette pratique. Si c’était l’altruisme ou la solidarité qui inspiraient l’appel à l’appesantissement fiscal pour la santé par exemple, rien n’interdirait aux âmes généreuses la multiplication des contributions volontaires aux cliniques et aux hôpitaux. Or cette source de financement ne compte pour presque rien dans le budget de ces organismes. En un mot, l’affection apparente du grand nombre pour le medicare, pour l’éducation publique, pour les régimes de retraite publics et l’assistance sociale, pour l’État providence, repose, non pas sur le noble idéal de la compassion, mais sur le souci calculateur d’un grand nombre d’accéder aux allocations illimitées aux frais des autres.

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Publié dans Le Soleil, le 23 avril 2015 à 05h30 –

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Catégorie(s) : Économie du Québec

La politique scolaire au service de la majorité, aux dépens de la minorité

Le 2 avril 2015 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

JLM-PolitScolaire

En faisant le même exercice mais appliqué à l’éducation étatisée, on aboutit à un résultat semblable, c.-à-d. à des transferts de richesse au profit de la majorité (non pas spécifiquement aux gens dans le besoin) et aux dépens de la minorité. A raison de 6,000 dollars par année par élève pour dispenser l’enseignement à l’école publique, la substitution du financement public à la tarification marchande (frais de scolarité), vaudra à une majorité de la population comptant un enfant à l’école une économie de 1 500$ ou plus. Il suffit pour satisfaire au théorème du votant médian que la structure fiscale qui sert à financer l’opération soit proportionnelle au revenu ou mieux « progressive ». Dans la logique majoritariste, les consommateurs votants à revenu élevé portent le fardeau de prix (fiscaux) supérieurs aux demandeurs à revenu médian et inférieur. Sorte de discrimination par le prix fiscal contre les gens à revenu moyen supérieur.

En ajoutant la dimension monopolistique du secteur éducatif, on comprendra que les parents en ont hérité l’école de la médiocrité et le chômage, les contribuables, l’appesantissement fiscal et réglementaire. Les salaires excessifs et la permanence sont allés aux protégés du monopole syndical et bureaucratique. Le monopole public de l’éducation n’est pas qu’inefficace, il est inconciliable avec la diversité, avec la liberté de choix.

Cette conclusion vaut pour l’ensemble des activités publiques. En régime démocratique, le pouvoir politique se gagne au centre gauche. On a pu calculer qu’au Canada,  c’est vers le milieu des années 70 que le nombre de bénéficiaires nets (qui reçoivent plus en services qu’ils ne paient de taxes) des programmes gouvernementaux a commencé à l’emporter sur le nombre de perdants (qui paient plus de taxes qu’ils n’obtiennent de services) (Institut Fraser, 1999). Près de 45% des foyers québécois ne paient aucun impôt sur le revenu. Ce qui veut dire que pour près de la moitié de la population votante, le prix des services publics a baissé au point de n’avoir plus de signification. Forcément, le fardeau supplémentaire retombe sur les épaules de la classe supérieure de revenu. Au moment où ces lignes sont écrites, les 30% de la population qui gagnent le plus, assument 80% des prélèvements d’impôt sur le revenu. Même dans les années 1990, période où selon l’interprétation conventionnelle les coupes budgétaires se sont faites sur le dos des pauvres, le degré de redistribution a augmenté. Les gens à revenu élevé étaient forcés de sacrifier 16% de leur revenu en taxes, en transferts négatifs et en services publics qu’ils ne consommaient pas ; de leur côté, les gens au revenu inférieur obtenaient des gains nets accrus de 16% en conséquence de ces faveurs publiques. Les pertes et gains correspondants atteignaient 14% en 1994, et 15% en 1986. (Dyck 2005) On comprend dès lors qu’il s’avère si difficile d’apporter des changements sensibles au régime de santé ou d’éducation en place, de même qu’au régime fiscal qui sert à le financer.

On comprend aussi par la même logique, que les partis politiques convergent vers le centre de l’opinion publique, qu’ils proposent des politiques qui se ressemblent. C’est la façon que le politicien ne peut manquer de découvrir pour se faire élire ou réélire. C’est ainsi qu’on explique que le politicien dont le seul souci est de se faire élire en vient quand même à faire ce que veut la majorité. Pour concrétiser de façon encore plus vivante la dynamique sous-jacente à cette approche, imaginons un gouvernement mondial, démocratiquement élu à l’échelle de la planète suivant le principe d’un homme une voix. Quel serait le résultat probable de ce processus ? Le plus vraisemblable est qu’on aurait un gouvernement de coalition sino-indien. Et qu’est-ce que ce gouvernement serait enclin à faire pour plaire à ses électeurs et se faire réélire ? Il découvrirait que l’Occident a trop de richesses et le reste du monde, particulièrement l’Inde et la Chine, trop peu; il mettrait en œuvre une redistribution systématique du revenu du riche Occident vers le pauvre Orient. On obtient déjà une approximation de cet aboutissement dans la prédilection que l’Assemblée des Nations Unies affiche systématiquement en faveur de l’aide jamais suffisante aux pays sous-développés.

Ces « expériences mentales » servent à illustrer les conséquences du processus de démocratisation qui a commencé aux États-Unis et en Europe au milieu du XIX siècle, et qui porte ses fruits depuis la fin de la première guerre mondiale. L’extension progressive du droit de vote et finalement l’établissement du suffrage universel aux adultes de dix-huit ans et plus ont fait de chaque pays ce que la démocratie mondiale ferait de l’ensemble du globe : mettre en branle une tendance permanente à la redistribution du revenu et des biens en faveur de la majorité, non pas spécifiquement aux défavorisés.

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Catégorie(s) : Économie du Québec

La politique sous la domination de la majorité ou du votant médian

Le 17 mars 2015 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

JLMigue-PolitVotant

Dans le prolongement de notre approche positive fondée sur l’individualisme méthodologique, posons que les résultats du processus budgétaire ou réglementaire seront déterminés par le régime de sanctions et de récompenses qui encadrent les acteurs, votants, hommes de l’État et bureaucrates, tout comme l’aboutissement du marché dépend des incitations qui s’exercent sur les consommateurs et les producteurs. L’examen du contexte institutionnel dans lequel s’inscrivent les choix publics constitue donc une démarche absolument essentielle à la compréhension de la place effective des pouvoirs publics dans la société.

L’économiste identifie la finalité des politiques et des institutions, non pas par les déclarations des politiciens ou le préambule des lois, mais par leur incidence effective sur le revenu des intéressés. Or, la règle première de la logique démocratique, formellement énoncée il y a plus d’un demi-siècle par Downs (1957), est de répondre aux préférences de la majorité.[1] C’est d’abord en conférant des bénéfices à la majorité sur le dos d’une minorité que la victoire électorale se gagne en régime de scrutin majoritaire (Buchanan et Tullock, 1962, Buchanan et Congleton, 1998 et Tullock, 1976). Le souci premier, pour ne pas dire exclusif de l’homme politique, est de gagner la course électorale et donc d’adopter la plate-forme la plus favorable au votant majoritaire, le votant médian. C’est sa façon de gagner sa vie. Comme l’homme d’affaires vis-à-vis les acheteurs, le politicien adoptera les politiques qui lui vaudront la reconnaissance du votant médian.

La demande de services publics dépend d’abord du fardeau fiscal que chaque votant s’attendra d’assumer à différents niveaux de services. A cet égard, à mesure que la quantité de services s’élève, chacun atteindra un point où il juge que l’addition de service n’en vaut plus le coût. Selon les préférences de chacun, ce niveau variera. A un prix fiscal identique, certains en voudront plus, d’autres moins. On découvre en première approximation du vote à la majorité que seul le votant médian (la personne au centre de la distribution des votants) réalisera sa préférence optimale. Les votants les plus friands du service seront frustrés de n’en avoir pas assez, les votants les plus tièdes vis-à-vis du service, d’en avoir trop. C’est le sens du théorème du votant médian, où l’on compte autant d’individus qui en voudraient davantage que d’individus qui préféreraient en avoir moins. Ce théorème jouit empiriquement d’un pouvoir prédictif énorme dans toutes sortes de domaines, depuis les budgets scolaires, jusqu’aux politiques environnementales, etc.

Toutes les combinaisons majoritaires concevables n’inspirent pas les choix politiques cependant. C’est la combinaison médiane des votants que le politicien voudra privilégier. En fait, la politique majoritaire biaise les choix publics dans une première direction précise. La distribution du revenu est universellement asymétrique; il y a plus de familles qui font un revenu inférieur à la moyenne qu’il y en a qui font plus que la moyenne. En fait, la majorité des familles fait un revenu d’environ 55 000 dollars par année ou moins, soit un revenu inférieur à la moyenne qui, lui, s’établit à environ 73 000 dollars par année[2]. La logique du votant médian peut alors se formuler dans les termes formulés par Meltzer et Richard (1978, 1981, 1983). Les gens demandent la combinaison de taux d’imposition et de transferts (en argent ou en services) qui maximisent leur bien-être. Les individus dotés d’une productivité et donc d’un revenu inférieurs à la moyenne, c.-à-d. la majorité, opteront, comme tous les autres, pour des taux d’imposition réduits pour eux et des services publics gonflés en leur faveur. Mais, en tant que majoritaires, c’est eux qui domineront les choix publics en démocratie. A la limite, certains individus ne travaillent pas et ne paient pas d’impôt sur le revenu; c’est le cas de 44% des individus dans la province de Québec. Ils sont à l’origine de cette option. Donc les gens au revenu inférieur, qui forment la majorité, accorderont leur vote au candidat qui propose l’allègement du fardeau fiscal pour eux et son alourdissement pour les revenus moyens supérieurs. Entre autres, c’est en étatisant de vastes pans de l’activité économique et en recourant au financement public qu’on gagne les élections. Même si rien ne devait changer à la qualité ni à la quantité de services pris en charge par le gouvernement, une majorité de votants appuiera l’étatisation, uniquement parce qu’elle en tire des transferts de richesse de la minorité. La taille de l’État grossira.

[1] En réalité, Condorcet, au siècle des lumières, avait déjà énoncé la thèse, mais avant l’implantation méthodique de la démarche public choice dans les années 1960, il est tombé dans l’oubli.

[2] Statistique Canada, Income in Canada, catalogue 75-202-XIE.

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Catégorie(s) : Économie du Québec

Comment l’économiste aborde la question des choix publics

Le 11 mars 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-EconomLa méthodologie propre de l’économique des choix publics s’expose en deux étapes que nous présentons ci-dessous. La première, dite majoritariste, repose sur la règle du jeu première des régimes démocratiques et pose que le gouvernement se forme par la victoire de la majorité aux élections. Dans une deuxième étape, nous enrichirons cette première hypothèse par le modèle de la concurrence politique entre les groupes d’intérêt. Comme son titre le suggère, cette perspective pose que la détermination des programmes de dépenses, de régulation et de fiscalité, et leur incidence sur le bien-être social relève de la concurrence que se font les groupes plus ou moins organisés, dans leur souci d’obtenir des faveurs publiques.

L’école dite des choix publics est assez récente; elle entretient toutefois des liens étroits avec les théories des penseurs classiques de l’État. Dans son approche fondamentale à la réalité, elle s’insère dans la continuité des théories classiques de l’État. Comme le recherchaient les penseurs classiques, l’analyse économique de la politique a l’ambition d’acquérir une connaissance objective de la réalité. À partir d’hypothèses vérifiables et claires, l’école cherche, comme Montesquieu (1995), Condorcet et de Tocqueville (1968), à mieux comprendre le fonctionnement des gouvernements et ultimement la nature humaine. (Mueller, 1997) L’innovation fondamentale qui distingue l’école moderne des choix publics, c’est la clarté de ses fondements. La contribution de l’économiste a été de transposer son schéma analytique à la science politique. Elle se distingue des pionniers par l’utilisation qu’elle fait de la méthodologie économique traditionnelle, l’individualisme méthodologique, c.-à-d. l’hypothèse que chacun des acteurs du marché politique, votant, politicien ou bureaucrate, cherche non pas à maximiser le bien commun mais à maximiser son propre bien-être.[1] Au fonds, la démarche ne fait que reconnaître qu’une science se définit moins par l’objet sur lequel elle porte son regard que par la méthode qu’elle emprunte pour expliquer la réalité. L’école des choix publics se soumet aussi à la vérification, à la formalisation et à l’utilisation des mathématiques, tous instruments qui apportent aux descriptions et aux hypothèses une rigueur à laquelle n’accédaient pas les premiers classiques. (Mueller, 1997)

Tous les économistes n’adhèrent pas à cette démarche. Il faut dire que la plupart d’entre eux n’en font pas leur spécialité, de sorte que sa signification ne leur est pas familière. Comme les politicologues et la plupart des observateurs qu’on lit dans les média, ils se contenteront de postuler que la concurrence politique entre les groupes réalise vraisemblablement le bien commun, sinon les groupes s’organiseront spontanément lorsque l’oppression qu’ils subissent s’appesantit trop lourdement. On voudrait qu’ils aient raison, mais la rigueur appelle une démonstration plus systématique. En l’énonçant, on se rend compte que cette perspective souffre de la naïveté qui inspire la vision de l’État planificateur bénévolant que retiennent depuis toujours beaucoup d’économistes conventionnels.

[1]Le lecteur qui voudra suivre méthodiquement l’évolution de la démarche pourra parcourir Mueller 1976, Buchanan & Tollison, 1984 et Mueller 2003.

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Catégorie(s) : Économie du Québec, Socio-politique

Conséquence première de l’intégration du Québec à l’économie canadienne

Le 3 mars 2015 par Jean-Luc Migué 2 commentaires

JLM-socQuebL’histoire du régime démocratique depuis le XVIIe siècle laisse-t-elle quelque espoir qu’on puisse renverser la tendance négative du PIB global québécois au cours du dernier demi siècle? Il se trouve qu’au Québec les francophones s’avèrent moins mobiles. Ils seraient prêts à sacrifier une part de revenu pour bénéficier d’un environnement francophone.

Le paradoxe est que, grâce à la mobilité des autres résidents, ils n’ont même pas à faire ce sacrifice, puisque leur revenu réel converge vers le niveau national. En vertu de cette logique, le Québécois moyen non mobile ne se rend pas compte du piètre état de notre économie, parce son revenu personnel réel n’en souffre pas. En conséquence, sa résistance aux politiques qui ont entraîné notre recul ne s’exprime pas aussi clairement. Le nationalisme peut devenir une idéologie politiquement rentable mais dangereuse dans une économie intégrée.

L’évolution récente n’est guère encourageante. Le Québec reste aujourd’hui handicapé par la lourdeur d’une dette parmi les plus élevées au Canada (69% de son PIB, 14 000$ par tête, soit 5 000$ de plus que la moyenne des provinces); sa population vieillit et augmente à peine par suite de l’émigration vers les provinces plus prospères; dans quelques années, la baisse du nombre de travailleurs risque de lui interdire d’assumer le poids des programmes sociaux; sa productivité est faible. Selon le mot de notre collègue Montmarquette, le Québec vit aujourd’hui au-dessus de ses moyens.

Pour comprendre l’évolution du régime, il faut aller au-delà de ces simples observations pour examiner systématiquement les règles du jeu qui régissent le régime démocratique. Idéalement, ce sont ces règles qu’il faut corriger; nous en offrirons une interprétation dans la suite de notre démarche.

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Catégorie(s) : Économie du Québec

Revenu moyen des Québécois comparable au reste du Canada

Le 5 février 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

 JLMigue-Societe

Le revenu global au Québec, ou le PIB, de même que la population québécoise, ont décliné fortement relativement à celui de l’ensemble du Canada depuis les années 60. La part québécoise est passée d’un peu moins de 30% en 1966 à environ 23% en 2011.  Le revenu familial médian québécois de son côté est passé de 90% de sa contrepartie canadienne en 1976 à 83% en 2007. Le paradoxe est que, malgré cette évolution déprimante, le revenu réel par habitant s’inscrit chez nous au niveau du reste du Canada. Pourquoi ce contraste entre la faible croissance globale de l’économie québécoise et la hausse du niveau de vie? Pour une raison simple : lorsque le revenu par habitant baisse dans une province, les gens quittent cette région et les immigrants y affluent en moins grand nombre. L’offre de main-d’œuvre décline. Et ce processus de migration se poursuit jusqu’à ce que le revenu réel par habitant converge dans toutes les régions.

Ainsi, bien que le PIB nominal par habitant au Québec soit inférieur d’environ 15 % à celui de l’Ontario, le coût de la vie s’inscrit en 2006 à Montréal à 14,6 % en-dessous de celui de Toronto. Les Montréalais gagnent moins en dollars nominaux, mais ça leur coûte moins cher de se loger et dans les mêmes proportions. La divergence des taux de croissance globale entre les deux villes a donc été entièrement capitalisée dans le prix du sol. Les ajustements inter régionaux se sont faits par la mobilité de la population, plutôt que par l’élargissement du revenu réel moyen. Ce qui signifie en passant que la péréquation n’a aucun fondement, puisque le revenu réel moyen converge dans toutes les régions. C’est donc en dépit de la révolution tranquille que le niveau de vie des Québécois s’est aligné sur celui du Canada, non pas en conséquence de ce mouvement.

La convergence du revenu réel par tête dans les pays intégrés est documentée aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et au Canada. De 1920 à 2000, les variations du revenu par tête à travers les États-Unis ont fortement diminué sous l’effet de mouvements variables de la population. La part de la population de l’ouest a presque triplé, pendant que des déclins prononcés se produisaient dans le Northeast et le Midwest. Les économistes ont démontré en contrepartie que la distribution du revenu par tête s’est rétrécie dans ce pays au cours du vingtième siècle. En fait, à la fin du siècle, la dispersion du revenu réel par travailleurs s’avérait extrêmement réduite. Pour une moyenne nationale de 100 aux États-Unis, les variations interrégionales allaient de 96 à 105 en 1980[1].

Les variations interrégionales de revenu en Angleterre s’avèrent aussi étroitement distribuées, une fois incorporées les variations interrégionales du coût de la vie.[2] En général, les régions rurales affichent un revenu moyen inférieur à celui de Londres dans les statistiques officielles. Mais l’égalisation se réalise à travers les deux types de territoires pour des occupations semblables. En France, les analystes de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) résument comme suit les résultats de leurs travaux sur le revenu régional en France: “Les différences de niveaux des prix entre Paris et le reste du pays sont du même ordre de grandeur que les différences de niveaux des rémunérations”. [3]

 Au Canada, le budget fédéral de 2006 souligne que « s’il est vrai que les disparités économiques régionales restent prononcées entre les provinces, elles ont grandement décliné au cours des 25 dernières années.[4] Cette dispersion rétrécie a accompagné d’importants mouvements de la population canadienne : baisses marquées dans les provinces atlantiques et le Québec, en même temps qu’accroissements prononcés de la part de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie Britannique. Tel que souligné précédemment, la part québécoise de la population est restée constante à 29% de 1941 à 1966, mais affiche par la suite une tendance négative constante, pour atteindre 23,1% en 2011. Au total, les données confirment que l’intégration économique liée au commerce, à la migration et aux ajustements du marché du travail, mène à l’égalisation du revenu personnel réel, non pas à des différences de prix ou de revenus.

  • [1]Mitchener, K.J. and I.W. McLean (1999), « U.S. Regional Growth and Convergence, 1880-1980, » The Journal of Economic History, 59, 1016-1042.
  •  [2] D. B. Smith, Living with Leviathan, Hobart Paper 158, Institute of Economic Affairs, Londres, 2006.
  •  [3] M. Fesseau, V. Passeron et M. Vérone, « Les prix sont plus élevés en Île-de-France qu’en province », INSEE Première, No 1210, octobre 2008.
  •  [4]Ministère des Finances (2006), Budget 2006. Restoring Fiscal Balance in Canada: Focusing on Priorities, Ottawa, 2 mai, p.115.
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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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