Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Archives pour juin 2015

Ignorance rationnelle et choix politiques en démocratie

Le 24 juin 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-IgnorRationn

Introduisons dès maintenant un concept central de la théorie économique de la politique, l’ignorance rationnelle.[1]

Lorsqu’un individu achète une voiture, les deux conditions à l’adoption du choix rationnel sont remplies : le choix individuel est décisif et l’enjeu personnel est grand. Son intérêt de consommateur est de choisir la voiture qui lui convient le mieux. La prudence et le grand soin s’imposent à lui. Il acquerra rationnellement l’information optimale. Supposé maintenant que la marque de voiture qu’il conduira soit déterminée, non par son choix particulier, mais à la majorité. L’enjeu pour lui reste aussi grand, mais son pouvoir sur les caractéristiques de la voiture qu’il obtiendra devient pratiquement nul. Il perd tout intérêt à acquérir l’information pertinente à l’achat.

Il s’ensuit souvent qu’une large fraction de la population ne saura jamais qu’une institution ou une mesure législative leur inflige des dommages réels. Les politiciens sont conscients de cette lacune et concevront leurs politiques pour attirer des votants mal informés.

[1] Les réflexions qui suivent s’inspirent surtout de Boudreaux, Donald J. et Eric Crampton, « Truth and Consequences: Some Economics of False Consciousness », The Independent Review, été 2003, pp. 27-46.

 

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Catégorie(s) : Socio-politique

Tarification de l’électricité

Le 17 juin 2015 par Jean-Luc Migué 2 commentaires

JLM-Electric

Deux économistes de l’Université Laval ont étendu systématiquement ce schéma d’analyse à la tarification de l’électricité par Hydro-Québec. Le point de départ de leur analyse est que ce monopole public accorde à ses abonnés industriels et résidentiels des tarifs sensiblement inférieurs au coût marginal de production et surtout fortement inférieurs aux tarifs que l’entreprise pourrait réaliser sur le marché du nord-est américain.

En 2005, l’électricité exportée aux États-Unis rapportait 9,6 cents à l’entreprise. Dans une conférence récente, Marcel Boyer de l’Université de Montréal calcule que le coût marginal s’établit à 8,8 cents le kilowattheure, mais que le gouvernement l’autorise à fixer des tarifs variant de 2,56 cents à 7,86 cents. Toute production marginale inflige donc des pertes au monopole de l’électricité, sauf la portion exportée. C’est le conditionnement qui explique que, dans une pratique « contre nature » pour une entreprise, Hydro-Québec investisse tant d‘efforts publicitaires pour nous convaincre de comprimer notre consommation. Cette tarification préférentielle représentait en 1995 un manque à gagner de 553 millions de dollars pour la société d’État et ultimement pour le gouvernement provincial. Ce qui explique en partie qu’Hydro-Québec ait réalisé de 1989 à 1995 des taux de rendement dérisoires variant de 3,3% à 8,4% sur ses investissements, à peine égaux au rendement des Bons du Trésor. Ce gaspillage honteux suscite immédiatement la question : Pourquoi les électeurs québécois élisent-ils des gouvernements qui laissent se perpétuer des pertes d’efficacité si manifestes et si grossières? Excluons sans réserve la rationalisation officielle qui prétend qu’on crée des emplois à subventionner ainsi des entreprises énergétivores. L’abaissement des taxes qui résulterait d’une tarification optimale ferait infiniment plus pour améliorer le marché de l’emploi et le revenu des Québécois.

La logique politique proposée par le théorème de la tendance centrale (souci de gagner l’appui d’une majorité) offre la réponse. Le manque à gagner ainsi sacrifié par le gouvernement doit être comblé par un alourdissement correspondant de la fiscalité générale.[1] Or celle-ci est proportionnelle, et même progressive, c.-à-d. que le taux de prélèvement augmente à mesure que le revenu du contribuable s’élève. Il en va différemment du budget d’électricité des familles, qui, lui, décroît en termes relatifs à mesure que le revenu familial augmente. Ainsi l’abonné qui fait un revenu de 13 000$ affecte 5,54% de son budget à la consommation d’électricité, plutôt que 1,85% dans le cas de l’abonné touchant 55 000$ par année. On démontre ainsi qu’en substituant une taxe proportionnelle ou progressive à un prélèvement uniforme sur la consommation, la majorité des abonnés et donc des votants y gagnent, au détriment des revenus moyens supérieurs. Une majorité d’électeurs préféreront un bas tarif d’électricité combiné à un haut taux de taxation, plutôt que l’inverse. En dépit de son inefficacité manifeste qui diminue la richesse des Québécois de 300 à 500 millions de dollars par année, cette pratique sera retenue par le politicien qui sait gagner des élections. Le souci d’opérer des transferts de richesse à la majorité explique aussi le choix retenu par Hydro-Québec d’imposer une faible redevance d’abonnement, combinée à un tarif inférieur au coût marginal.

[1]Reconnaissons au passage que même si les tarifs d’électricité étaient haussés à leur niveau optimal, la fiscalité générale n’en serait pas allégée d’autant. Cette dimension sera examinée ultérieurement avec la fiscalité générale.

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Catégorie(s) : Économie du Québec Étiqueté : consommation électrique, électricité, Hydro Québec, politique, Québec, société

Application de la théorie économique de la politique au régime de santé

Le 12 juin 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-EconoSante

Le temps est venu d’appliquer systématiquement notre analyse à des secteurs particuliers. Nous commencerons par les services de santé.

Nous avons déjà établi que l’étatisation des services de santé se fait en faveur d’une majorité aux dépens d’une minorité. La majorité des familles (celles qui comptent en politique) touche un revenu annuel d’environ 25% inférieur au revenu de la famille moyenne. Or, en vertu de la première des règles du jeu démocratique (majorité simple de 50%+1), c’est la famille médiane qui élit les gouvernements et qui, en première approximation, prend les décisions politiques. On dégage de ce calcul la proposition politique clé : Par la substitution du financement public à la tarification marchande (frais de santé), une majorité de la population n’aura à payer que 5 500$ ou moins (10% de 55 000), plutôt que 7,000$ (coût effectif des services), pour jouir des services de santé. Toutes les familles qui font un revenu inférieur à la moyenne paieront moins de 7 000$ pour leurs soins de santé; les familles qui font plus que la moyenne paieront plus de 7 000$.

La nationalisation de l’industrie de la santé a valu à une majorité de votants un transfert de richesse de plus de 1 500$ par année, prélevé sur les familles à revenu moyen supérieur. L’analyste politique Wilson[1] associe spécifiquement l’avènement du régime d’assurance santé au souci de la majorité de se faire payer le service par la minorité. Un parti politique qui sait gagner des élections proposera l’étatisation de l’industrie de la santé et en récoltera plus de votes chez les gagnants majoritaires qu’il n’en perdra chez les perdants minoritaires.

Par ailleurs, la théorie économique des choix publics prédit que la majorité optera pour un budget global de dépenses inférieur à ce qu’elle choisirait si chacun était libre d’acheter lui-même les soins. Sous un régime de monopole public exclusif, le budget public (et donc global) retenu par la majorité s’avérera en général inférieur au budget qui découlerait de la coexistence d’un secteur public et d’un secteur privé.[2] La raison en est que le budget public est déterminé par un décideur théorique (le votant médian) qui dispose d’un revenu inférieur de plus de 25% à la moyenne. Lorsque coexistent un régime public et privé, les consommateurs qui optent pour le service privé ajoutent à la capacité du système, en libérant même le secteur étatique d’une demande supplémentaire. Ce n’est pas la capacité totale que les tenants de la médecine d’État cherchent à maximiser, c’est le budget public.

Et le paradoxe du régime de santé est que ce contexte mène à la surconsommation. L’État est un mauvais assureur. Dans les termes de Boucher-Palda (2000, p. 57), on constate que « Il n’y a aucun lien direct entre l’assurance obtenue et le prix payé. …les citoyens sont portés à demander une protection excessive ». On conclut de cette logique que le rationnement des services de santé et son corollaire, la file d’attente, sont l’aboutissement incontournable de la socialisation de la santé en régime démocratique.

Les adeptes du monopole public se révèlent clairement incohérents à cet égard. Ils prônent d’une part la monopolisation publique intégrale au nom de la solidarité et de l’entraide aux défavorisés, sous le prétexte que l’État est un despote bénévolant, un instrument de générosité et de compassion. Ils postulent d’autre part que le même mécanisme politique, sans monopole public, suscitera l’avènement d’une santé à deux vitesses et laissera les soins de santé publics se détériorer parce que les patients détournés vers le marché retireront leur clientèle et leur appui aux services publics. En d’autres termes, la solidarité ne peut venir que du monopole public, mais si on lui retire son monopole et qu’on l’abandonne aux règles du jeu du scrutin, le gouvernement obéira au calcul des choix publics exposé ci-dessus. Ils reconnaissent donc implicitement le caractère illusoire de la solidarité par l’État. Le retrait du monopole de la santé à l’État constitue, à leurs yeux, un danger intolérable.[3]

Autre dimension significative de la santé socialisée : Les régimes publics mesquinent à l’endroit des services aux personnes gravement malades, mais offrent une multiplicité de services aux gens peu malades. On peut dès lors comprendre la tendance durable des gouvernements à détourner les ressources des soins coûteux destinés au faible nombre de personnes gravement malades, au profit d’une multiplicité de services de réconfort réclamés par le grand nombre pour des malaises mineurs. Ces derniers profitent à des masses tandis que les services intensifs concentrent des sommes énormes sur de petits groupes politiquement moins rentables. Les fonds publics servent d’abord au plus grand confort et au bien-être des personnes âgées, des malades chroniques et des handicapés mentaux, par opposition aux soins intensifs à l’américaine pour les gens dont la santé ou la vie est menacée. Convenons que l’attachement sentimental pour la médecine socialisée repose moins sur le noble idéal de la compassion ou sur la fidélité aux préférences générales, qu’en premier lieu sur le souci de la majorité d’accéder à l’assurance illimitée aux frais des autres.

 

[1] Wilson, L. S., « The Socialization of Medical Insurance in Canada », Revue canadienne d’économique,vol. XVII, mai 1985, pp. 355-76.

 

[2] Epple et Romano (1996) ont fait avec rigueur la généralisation de cette approche à l’ensemble de la production publique. Les observations empiriques s’avèrent ambiguës sur cette question. (Tuohy, Flood et Stabile, 2004)

[3] Lire à ce sujet l’argumentation de Pierre Lemieux, « Informational Cascades: Why Everybody Thinks Alike », Le Québécois Libre, 133, 22 novembre, 2003.

 

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Catégorie(s) : Économie du Québec, La santé au Québec Étiqueté : classe moyenne, économie, famille médiane, politique, société, système de santé

En démocratie, prédilection pour les services uniformisés médiocres

Le 3 juin 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-standard

La majorité qui se forme au scrutin majoritaire ne se compose pas, on l’a vu, d’un regroupement aléatoire de votants. C’est au centre de la distribution que se trouve la masse de la population d’où le politicien tire sa majorité. D’où l’expression tendance centrale pour désigner cette réalité. Les gens aux préférences non standards risquent la frustration permanente de la prise en charge d’une activité par l’État.

Cette grande sensibilité des politiciens aux préférences médianes entraînera la standardisation généralisée, l’uniformisation du service. L’égalitarisme, c.-à-d. la tendance des gouvernements à offrir à la population des quantités et des qualités identiques à tous les individus origine de cette pression en faveur du centre. Cette quantité standard et cette qualité uniformisée des services convergeront vers le niveau unique correspondant aux préférences et au revenu du votant médian. La majorité y gagne par la redistribution, mais la plupart de ceux qui la composent, à part le votant médian, restent frustrés loin de leur position optimale. La règle minimise l’insatisfaction. Contrairement au marché, qui répartit les biens et services entre les consommateurs selon l’intensité de leurs préférences et leur revenu, le mode de répartition privilégié par les pouvoirs publics est l’uniformisation des services. Que, dans la production bureaucratique, le partage se fasse par la file d’attente comme dans les rues de Montréal ou à l’hôpital, qu’elle s’opère par l’assignation de budgets uniformes comme à l’école ou à l’hôpital, l’étatisation s’accompagne invariablement de la standardisation. Elle supprime ou atténue la variété de quantités et de qualités que le marché susciterait. Discrimination fiscale et uniformisation des consommations sont un seul et même phénomène. C’est ainsi que les partis politiques ont tendance à converger vers des plates-formes qui se ressemblent, au grand scandale des puristes qui s’en formalisent. La médiocrité est la faveur que le contrôle étatique central doit à la majorité. Elle est inhérente aux règles du jeu.

Tel est le sens du théorème du votant médian auquel font appel de nombreux auteurs pour interpréter les nationalisations et réglementations incorporées aux régimes universels de services, tels l’éducation, la santé, l’assurance-chômage, les pensions de vieillesse, le transport urbain, le service postal, la tarification de l’électricité, du gaz naturel, du téléphone, pour n’en mentionner que quelques-uns. Examinons de plus près quelques applications de la « tyrannie de la majorité », de ce qu’il est convenu d’appeler l’État providence à des secteurs particuliers.

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Catégorie(s) : Socio-politique Étiqueté : bureaucratique, classe moyenne, étatisme, politiciens, politique, pouvoirs publics, Québec, société, votants

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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