On peut maintenant dégager de l’analyse économique de la politique une proposition empirique générale. L’interventionnisme profitera principalement aux gens de la classe moyenne, non pas aux défavorisés comme le postule la vision conventionnelle, ni aux riches, comme l’enseigne la tradition marxiste. C’est moins de 10% du budget public qui profite vraiment aux pauvres.[1]
Le théorème de la tendance centrale enseigne que le mécanisme politique donne lieu à des coalitions majoritaires successives de votants ayant pour objet exclusif, non pas d’augmenter la richesse et d’améliorer le bien-être général, mais d’opérer des prélèvements sur l’ensemble de la population pour octroyer des transferts à des sous-groupes particuliers, fussent-ils majoritaires. Un jeu à somme nulle. La richesse n’augmente pas; elle n’est que redistribuée. Du vol légal, en somme. La règle d’un homme une voix, combinée à la « liberté d’entrer » dans l’arène politique, implique que toute personne et sa propriété personnelle sont mises à la portée de toutes les autres, et ouvertes au pillage. En ouvrant les couloirs du pouvoir politique à tout le monde, la démocratie fait du pouvoir politique une propriété collective, où personne ne souhaite qu’il soit restreint parce chacun espère avoir la chance de l’exercer. Les fumeurs de ce début de siècle en savent quelque chose, eux qui subissent les foudres de l’hystérie des non-fumeurs devenus majoritaires.
Le survol rapide que nous ferons de l’histoire contemporaine confirme que la croissance des gouvernements est un phénomène récent qui remonte aux années 30. Dans la perspective d’une interprétation analytique du phénomène, il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’avant cette époque les démocraties imposaient des conditions restrictives d’accès au suffrage : Une forme de propriété était requise, et donc les votants jouissaient de revenus supérieurs à la moyenne; l’âge du droit de voter était de 21 ans et donc les plus bas revenus s’en trouvaient exclus; les femmes, qui faisaient des revenus inférieurs, étaient aussi exclues du processus de scrutin. Notre intention n’est pas de porter un jugement sur ces exclusions, mais de montrer qu’en abaissant le revenu de la majorité des votants, on a favorisé le glissement vers le redistributionnisme accru.
[1] Vaillancourt, F., La répartition des revenus et la sécurité économique au Canada: un aperçu, Commission Macdonald, 1986, pp. 1-87.