Malheureusement, au plan politique, l’ignorance rationnelle des gens suscitera la perception d’une asymétrie entre exportations et importations. La restriction à l’importation entraîne directement des effets positifs et concentrés dans l’industrie protégée, mais des effets diffus et négatifs pour les consommateurs et les exportateurs. Les gains d’emplois sont évidents, tandis que les pertes découlant de la baisse des exportations se distribuent à travers la multitude des industries touchées. Le coût est diffus parce que porté par les entreprises d’exportation et leurs employés, de même que par les consommateurs. Les industries victimes de l’importation éprouvent plus le souci d’appeler au redressement politique et obtiendront pour cette raison l’oreille attentive des politiciens. Les industries d’exportation victimes de pertes marginales d’emplois et les consommateurs qui paieront quelques dollars de plus pour leurs achats peuvent ne pas même s’en rendre compte. Donc peu d’incitation à organiser la résistance politique au protectionnisme. Dans l’affrontement entre les libre-échangistes et les protectionnistes, ces derniers partent gagnants dans l’arène politique.
B. Caplan (2007) interprète l’appui généralisé en faveur du protectionnisme comme une exception au principe de la domination fréquente des groupes d’intérêt. Il note que depuis 1976 le nombre de ceux qui jugent les tarifs douaniers nécessaires l’emportent de loin sur ceux qui sympathisent avec le libre-échange. Il constate de même que le protectionnisme agricole reste populaire à 58%. Quatre-vingt pour cent des Américains souhaitent la hausse du salaire minimum. Dans notre perspective, la fausse perception des votants relève de l’ignorance rationnelle. Elle explique, on s’en souvient, que l’appui à ces politiques s’inspire de la pensée groupiste et elle donne bonne conscience aux tenants de la pensée anti marché. Elle explique également qu’en l’absence d’une analyse rigoureuse inconciliable avec l’ignorance rationnelle, les gens sous-estimeront les bénéfices sociaux du libre marché, particulièrement en matière d’échanges internationaux et de marché du travail. De toute façon, le débat public sur chaque question reste invariablement dominé par les groupes d’intérêt eux-mêmes qui ne manquent pas d’investir temps et argent pour perpétuer ce biais.
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