Le fardeau administratif direct que représente l’armée de fonctionnaires qui s’activent à la tâche de nous contrôler ne comprend qu’une fraction minime du coût global de ce déchaînement bureaucratique. On conçoit que les membres de l’industrie régulée, propriétaires, managers et syndiqués organisés, se fassent les protagonistes enthousiastes de cette conspiration et que le politicien se montre attentif à leurs pressions. La création du cartel a pour effet de transformer une industrie concurrentielle en monopole. Toutes les réglementations sectorielles qui ont de tout temps perpétué des raretés coûteuses et des prix artificiellement gonflés s’inscrivent dans la même logique. On recouvre ainsi les industries agricoles (lait, volailles, céréales et oeufs au Canada), celles du camionnage (historiquement), du taxi, de la téléphonie et de la radiotélévision, des institutions financières. La collusion implicite est imposée à tous les membres par la régulation. La formation d’un cartel est en principe une opération illégale, sauf si elle se fait avec l’assentiment du législateur, et même grâce à ses bons offices. C’est le ministère lui-même qui se fait garant de sa mise en œuvre et de sa permanence.
La fixation des prix est tentante pour les politiciens parce qu’elle se fait surtout aux dépens du grand nombre de consommateurs qui écopent chacun d’un fardeau si minime qu’ils n’ont pas le souci de s’engager dans une résistance organisée. Au prix de quelques centaines de dollars par année imposés à la masse de consommateurs de lait, de services de télécom ou de taxis, chacun des quelques milliers d’offreurs encaisse un revenu supplémentaire qui peut atteindre des milliers, voire des dizaines de milliers de dollars. Même la réglementation des ressources environnementales ne se comprend souvent que comme le moyen de protéger les producteurs organisés et les bruyants écologistes sur le dos de la population. Ainsi, la suppression des titres de propriété sur l’eau réservés historiquement aux riverains a valu pendant la première moitié du XXe au complexe industrialo-syndical l’accès gratuit à cette précieuse ressource devenue conséquemment le dépotoir privilégié des industries. La pratique discriminatoire d’imposer des normes environnementales uniformes a valu aux grosses entreprises syndiquées des avantages concurrentiels énormes, du fait qu’il en coûte jusqu’à dix fois plus cher aux petites et moyennes entreprises de satisfaire à une même norme. Dans chacun de ces cas, on pourrait démontrer qu’en dépit du fait que la somme des pertes des consommateurs l’emporte de loin sur la somme des gains des producteurs, le caractère concentré des intérêts des producteurs fait qu’il s’avère politiquement rentable de leur donner la priorité.
L’Institut Fraser calcule que la seule régulation fédérale ajoute annuellement plus de 60 milliards au coût des biens et services que le consommateur doit supporter. C’est environ 6 500$ de déboursés supplémentaires pour la famille canadienne moyenne. Combiné à la multitude de décrets provinciaux tout aussi envahissants, et qui touchent toutes les dimensions de nos vies, depuis la largeur des échelons d’une échelle en milieu de travail jusqu’à l’horaire des arrosages sur nos pelouses, on découvre que le fardeau sur la famille moyenne s’approche des 13 700$ par année.