Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Subventions à Bombardier comme politique industrielle

Le 3 mars 2016 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-Bombardier2016

Introduisons un peu de réalisme dans ce schéma pour mieux appréhender la signification de cet «outil de rationalisation» qu’est la «politique industrielle». Au moment où ces lignes sont écrites, la firme Bombardier offre au plus offrant des gouvernements du Royaume-Uni, de l’Irlande du Nord et du Kansas la faveur de construire dans leur territoire son prochain jet commercial de 110 places…en attendant de se retourner du côté d’Ottawa et de Québec pour exiger son dû du contribuable canadien. Le gouvernement Couillard offre déjà 1,3 milliard à Bombardier en ce début de 2016.

Or quels sont les bénéfices qui découleraient de la fabrication des avions en question dans un territoire? Quarante-trois mille «jobs» directs et quatre fois plus en retombées, selon les estimations du premier intéressé, Bombardier. La faille de cette argumentation est que l’alternative à ces emplois n’est pas le chômage ni la perte des revenus correspondants. Si tel était le cas, pourquoi ne pas offrir la même faveur à d’autres industries? Pourquoi pas à toutes les industries sous forme d’allègement fiscal général, qui ne manquerait pas de susciter un nombre supérieur d’emplois et de revenus? Ce qui signifie en fin de compte que le bénéfice net de l’opération pour l’économie aura été nul. Le vrai calcul qui se camoufle derrière ces estimations comptables s’avère plus sinistre et relève de la logique politique. Les 43 mille employés de Bombardier deviendront furieux si on leur refuse cette «rente» et voteront contre le parti qui l’aura rejetée. Le reste de l’électorat en sera à peine conscient.

Autres applications : Planification des hôpitaux et commerce de détail
La restructuration des établissements hospitaliers qu’on a opérée il y a quelques années fera aussi l’affaire pour illustrer le sens de la politique industrielle. Supposé que l’entreprise X gère une chaîne de magasins à rayons dispersés à travers le territoire et qu’elle fasse face à des difficultés insurmontables. Lorsqu’elle s’avère incapable de répondre aux préférences des consommateurs, la faillite ou ses substituts, les fusions, les acquisitions, les OPA, constituent l’instrument incontournable du redressement.

Quelle serait l’allure de l’industrie du commerce de détail, si l’entreprise X devait fonctionner comme l’hôpital ou l’école? L’ensemble de l’opération tiendrait de l’absurde. Il serait ridicule d’organiser le marché du détail à partir d’une commission centrale de l’industrie. Le système s’organise tout seul, spontanément. Les décisions se prennent par des détaillants particuliers en fonction des besoins des consommateurs. Point n’est besoin de comprendre le management ou le contrôle de l’ensemble de l’industrie du commerce de détail. Personne ne détient une connaissance intime de tous les aspects de l’industrie. Bien avant que l’entreprise X connaisse des difficultés, des concurrents plus perspicaces étaient déjà en place, impatients de prendre la relève. A l’aboutissement du processus, les consommateurs sont mieux servis, sans qu’une commission nationale y ait jamais imposé de plan rationnel. Pourquoi en irait-il autrement de l’industrie hospitalière ou scolaire?

S’il s’agit d’une chaîne d’hôpitaux typique du secteur public, l’option de déposer les livres et de reconnaître le fait de la faillite est bannie a priori. C’est un plan rationnel plutôt que le mécanisme de la faillite qui, dans un régime de planification centrale, doit présider au mouvement de restructuration. En devenant la manifestation d’une crise du système, la surcapacité d’hôpitaux appelle une solution qui englobe l’ensemble du système. L’essence du plan rationnel est précisément d’embrasser le contrôle et le management de tout le système. En tant que composante du réseau d’hôpitaux, chaque unité de production doit donc tomber sous l’autorité d’abord d’une autorité régionale, et ultimement des organismes centraux de l’État. Plutôt que de mettre au point sa propre stratégie et de réorganiser ses propres affaires comme dans le contexte du marché de détail, l’entreprise hospitalière est à la merci de quelque commission nationale, chargée de faire de l’ordre dans le réseau.

Ce n’est pas seulement le réseau d’une entreprise particulière qui sera en cause; tous les  établissements de la province tomberont sous le coup de la réévaluation. Une fois convenu que le système compte trop d’unités de production ou trop de superficie, le planificateur s’avisera de prendre des décisions relatives à l’ensemble de l’industrie. Un établissement fera l’objet de fermeture ici, un autre ailleurs; c’est peut-être la taille d’un autre groupe de producteurs qui sera touchée, ou des établissements de plus petite taille qui seront fermés ou fusionnés à un ensemble plus vaste. Le maire de la municipalité hypothétiquement touchée, et le député et le syndicat local auront entre-temps fait l’objet de consultations laborieuses pour dégager le sens de la volonté communautaire. L’option retenue par la commission nationale et imposée à la lumière du plan rationnel reposera sur des considérations qui n’ont rien à voir avec la demande réelle des patients.

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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