La sous-traitance avec l’Inde et la Chine, dimension à la mode ces derniers temps, illustrera notre propos. A titre d’exemple, IBM projette de déplacer plus de 3 000 emplois de programmation en Chine, en Inde ou au Brésil. L’entreprise réalisera une économie de 168 millions par année à partir de 2006. Il s’agit là d’un exemple parmi des milliers d’autres qui marque l’évolution économique du Canada et des États-Unis. Or cette pratique inspire un mouvement contraire à l’enseignement unanime des économistes depuis plus de deux siècles. Le candidat démocrate à la présidence en faisait son cheval de bataille dans la campagne de 2004. L’échange international, surtout la sous-traitance, ferait obstacle à la prospérité! (Baumol, Blinder et Wolff, 2004) Une perspective plus pondérée ferait ressortir les deux côtés du bilan, dont les emplois gagnés en conséquence de la production de biens pour l’exportation.
Dans les années 1990, la technologie de l’information a suscité, à l’échelle globale, une poussée fantastique de la productivité dans le secteur manufacturier. C’est maintenant au tour des banques, des hôpitaux, des commerces de détail, de l’informatique, de l’industrie de la construction et en général des PME, d’en tirer la même leçon. Certains emplois de cols blancs se perdent par suite de la concurrence de l’Inde. Il s’agit surtout de services de centres d’appel téléphoniques, de télémarketing, de programmation primaire et de comptabilité. Sur les quelque 25 millions d’emplois qui sont créés en Amérique jusqu’en 2015, Forrester Research fixe le nombre de jobs exportés d’Amérique à 3,3 millions, la plupart dans les emplois d’écriture de codes informatiques (code writing). Il ne s’agit pas d’emplois de hautes qualifications high tech, de consultants en technologie de l’information. La sous-traitance se pratique depuis des siècles, mais ne forme qu’une part infime des emplois qui se créent et se détruisent à tout moment: les licenciements liés à ce commerce n’expliquent pas 0,6% du chômage.
Le libre mouvement des services qualifiés qui se pratique par le système global de télécommunication ne diffère pas du libre échange de biens qui se fait sur les mers. Suivant les enseignements de la théorie du commerce, le processus de globalisation suscite la plus grande spécialisation du travail, abaisse les coûts et partant les prix chez nous, diffuse la technologie et les nouvelles pratiques et suscite l’investissement qui crée des emplois chez nous et hausse la productivité.
Les économies de 168 millions que réalisera IBM ne s’évaporeront pas dans l’espace. Elles serviront à abaisser le prix des services électroniques, à augmenter la R&D en Amérique, à hausser les profits, qui serviront eux-mêmes à faciliter la levée de capital pour le lancement de nouveaux produits. Certaines estimations chiffrent ainsi les bénéfices globaux qui découlent de l’importation de services à bon compte (McKinsey Global Institute) : chaque fois qu’une entreprise de chez nous dépense un dollar en sous-traitance en Chine ou en Inde, elle entraîne une baisse de 58 cents des coûts ou des prix de ce qu’on achète; elle vaut 5 cents aux détenteurs d’actions en profits accrus; des revenus supplémentaires de 5 cents proviennent des achats étrangers supplémentaires chez nous; et 45 cents proviennent du redéploiement productif de la main-d’œuvre. Au total, 1,12 dollar de gains, sans compter les avantages de 33 cents réalisés par les économies étrangères. L’effet n’est pas seulement diffus, il est indirect et va de la baisse des prix à l’expansion de la demande, suivie de l’expansion de la production, de l’emploi et des salaires. Il serait tout aussi logique de déplorer et de bannir toutes les sources de productivité accrue que les importations à bon marché, puisque la poussée de la productivité est la source de pertes d’emplois tout autant que l’importation de poignées de porte de Chine. Indépendamment de la sous-traitance, la révolution de la technologie de l’information a détruit l’emploi de milliers de commis et haussé en même temps les salaires des employés les plus qualifiés relativement aux moins qualifiés. On calcule que la fabrication des ordinateurs Dell en Chine explique de 10 à 30% de la baisse du prix du hardware dans les années 90, qui a contribué pour ,3% à la croissance annuelle de la production en Amérique.
Dans un marché du travail flexible, loin de comprimer l’emploi, les gains de productivité et l’importation le stimulent. Par l’effet de ces gains de productivité (surtout aux USA, à 2 fois sa moyenne historique de 2,1%), il se crée beaucoup plus d’emplois, et de bien payés, qu’il ne s’en détruit en Amérique. Le seul roulement des emplois aux USA entraîne de 7 à 8 millions de perte d’emplois par trimestre. De 1980 à 2 000, la population américaine a augmenté de 23,9%, l’emploi, de 37,4%. Dans les années 90, les emplois perdus se chiffraient à 8 millions; les emplois créés, à 24 millions. On peut même soutenir que s’il existe une économie au monde qui soutire des emplois au reste du monde, c’est bien l’économie américaine. En effet la contrepartie du déficit commercial des États-Unis prend la forme d’investissements étrangers dans ce pays. Or lorsque Honda, Toyota ou BMW ouvrent des usines aux États-Unis, ce sont autant d’emplois qui ne vont pas au Japon ou en Allemagne.
Externalisation a écrit
Je ne prétends pas être un expert en économie, mais la sous-traitance ou plus précisément l’externalisation d’une partie de son activité est une source d’économie significative, ce qui explique d’ailleurs la popularité grandissante de cette pratique.