Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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L’échange de faveurs au sein du Cabinet, des assemblées législatives et des caucus

Le 28 octobre 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-EchFaveurs

Dans notre régime parlementaire britannique, c’est plus le logrolling implicite qui se pratique, c’est-à-dire qu’il se fait au sein du Cabinet des ministres et des assemblées législatives ou des caucus, plutôt que par l’échange direct de faveurs entre les groupes d’intérêt.

Supposé qu’il existe un mécanisme qui permette aux agriculteurs de négocier avec, par exemple, un regroupement d’universitaires, ou avec les décideurs du monopole syndical des enseignants ou de la santé et de convenir avec eux de l’échange de faveurs suivant : Les agriculteurs s’engagent (via le programme d’un parti par exemple) à appuyer l’octroi d’un monopole aux enseignants ou aux infirmières, si ces derniers consentent à concéder aux premiers un cartel de production agricole. Or il arrive que cette sorte de tractation se poursuive de façon implicite ou explicite à l’intérieur des institutions démocratiques conventionnelles, au sein du Cabinet des ministres, dans les assemblées législatives, à l’intérieur des caucus partisans, au sein des congrès des partis. Les partis politiques sont eux-mêmes des coalitions qui ont implicitement combiné des alliances d’intérêt. Ces transactions donnent lieu à la solidarité partisane et aux plates-formes complexes des partis qui prévoient une multiplicité de faveurs à une multiplicité d’intérêts. Quand un député appuie un projet de loi qui lui déplaît par solidarité au parti, il pratique l’échange de votes.

Comme les lois, les lois fiscales en particulier, exercent des effets différentiels sur les groupes et les régions, le logrolling est généralisé. Les préférences d’un groupe peuvent être si intenses pour un élément particulier du programme qu’il est disposé à appuyer l’ensemble du programme, même au « prix » d’avoir à endosser toutes les autres composantes qu’il ne prise guère. On dit alors qu’à travers ces différents mécanismes, les citoyens achètent et vendent leurs votes, c.-à-d. qu’ils les échangent. C’est le marché politique, objet d’opprobre de la part des moralisateurs.[1] L’homme politique devient dans ce contexte l’agent intermédiaire chargé de faire les arbitrages les plus politiquement rentables. Ce mécanisme est si universel qu’il atténue, aux yeux de certains, les griefs formulés à l’endroit de la représentation proportionnelle. Les gouvernements minoritaires, on l’a vu, sont forcés de faire des compromis avec les tierces formations et amplifient à ce titre la montée de l’interventionnisme. Il reste par contre que même les partis majoritaires constituent aussi des coalitions de tendances et de factions variées, qui s’adonnent systématiquement au logrolling. On peut même arguer que l’échange de votes se fait de façon plus ouvertes en régime de représentation proportionnelle. L’aboutissement final en est que presque tous les projets de loi soumis à l’assemblée législative comportent cette variété d’échange implicite.

L’échange est a priori un mécanisme heureux.[2] On se souviendra que dans le schéma restrictif de Becker (2003), la redistribution qui se pratique à travers le marché politique se fait au coût minimum. L’échange de votes permet aussi aux intéressés de mieux révéler l’intensité variable avec laquelle ils appuient ou rejettent une mesure. Comme dans tout échange, les deux parties à ces ententes implicites y gagnent. Par son action, les bénéfices des choix publics l’emportent plus souvent que sans logrolling sur les coûts. Malheureusement, et contrairement aux échanges libres qui s’opèrent dans le marché, toutes les parties concernées ne participent pas également à la négociation. L’opération se fait en l’occurrence aux dépens d’une tierce partie qui n’apparaît que timidement à l’occasion des tractations, le consommateur non informé, les groupes incapables d’organiser un lobbying effectif, le contribuable rationnellement silencieux. En l’absence du perdant, l’échange se conclut dans des transactions pipées, même si les perdants y perdent plus au total que les gagnants n’y gagnent. On ne peut expliquer autrement, par exemple, la régulation agricole ou les subventions à la production automobile qui n’intéressent que marginalement la plupart des votants.

Dans leur récente étude, les professeurs J. T. Bernard et G. Bélanger (2007) situent le coût de la subvention à Alcan pour son investissement au Saguenay à 2,7 milliards de dollars, soit 275 000$ par année par emploi créé sur la période de 35 ans du projet. Il nous faut donc conclure que la participation à l’activité politique dont on vante tant les mérites dans les milieux conventionnels ne sert ni la vraie participation, ni l’intérêt public. Elle n’est le plus souvent que prétexte au viol de la majorité au profit des plus bruyants. Il n’est pas inopportun de rappeler ici qu’en renforçant l’influence des groupes marginaux et périphériques, la représentation proportionnelle sert le plus souvent, en théorie et dans l’histoire, à consolider le pouvoir des groupes d’intérêt les plus actifs.

[1] Albert Breton (1974 et 1998) fait une revue plus méthodique de ces instruments.

[2] Gwartney et Stroup (1997) ont montré que l’échange de votes peut mener à des mesures plus efficaces.

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Catégorie(s) : Socio-politique

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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