Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Histoire changeante de la démocratie

Le 26 février 2015 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

 JLMigue-Econom

La consigne conventionnelle dégagée des observations antérieures se résume généralement à prêcher en faveur de la correction des imperfections de l’État. Encore faut-il identifier la nature de ces imperfections. Dans les étapes de notre démarche à venir, nous associerons ces lacunes aux règles du jeu (à la constitution en fait) qui régissent l’État démocratique, non pas à chacune de ses décisions prises isolément. Dans sa nature et ses aspirations, le régime démocratique qui nous encadre n’est pas un phénomène récent.

L’État peut en principe varier de rythme d’expansion comme il l’a fait occasionnellement depuis le 17e siècle. Depuis cette époque, les pères fondateurs ont introduits l’esprit libéral aux États-Unis. L’État s’est sensiblement amélioré en Grande-Bretagne au temps de John Stuart Mill. L’État nation y a été inventé et la Grande-Bretagne est devenue la nation commerçante. A la fin du 18e et au cours du 19e siècle, les révolutions américaine et française (bientôt étendues à toute l’Europe) ont substitué le gouvernement responsable au régime de patronage royal. La tradition victorienne a circonscrit l’État et promu le libéralisme. La part de l’État britannique dans l’économie a même diminué en termes réels à cette époque. La France de de Tocqueville et de Condorcet a évolué dans le même sens.

Le concept d’État-nation est apparu dans sa première expression au XVIIe siècle avec Thomas Hobbes qui en a été le grand interprète en lui assignant la tâche d’assurer la sécurité. De son côté, l’État libéral (dans son sens classique) a été formellement exposé par John Stuart Mill[1] au XIXe siècle, qui lui confiait le rôle d’apporter la liberté, liberté d’opinion, liberté d’expression et liberté de la vie privée. Les Britanniques et les Français en ont fait alors le régime supérieur de l’Occident. Ce n’est qu’à compter de la fin du XIXe siècle que le Welfare State et le keynésianisme ont pris leur dimension moderne. Et au XXe siècle, nonobstant son influence sur Ronald Reagan et Margaret Thatcher, Milton Friedman pouvait constater et exposer le « Paradis Perdu » qu’était devenu l’État[2]. Il dure toujours. Le Léviathan moderne est dissocié de l’âge de l’Internet.

Revenons un moment sur ce que nous désignons ci-dessus comme le keynésianisme, c.-à-d. la mission que s’arroge l’État moderne de neutraliser les cycles économiques dans ses choix budgétaires et même dans ses régulations. Soulignons au départ que dans un ouvrage paru en 2014, James Grant[3] démontre que la dépression sévère de 1920 fut la dernière récession à se résorber sans l’intervention soi-disant stabilisatrice de l’État. Sa thèse pose et démontre que la baisse des prix qui l’accompagna non seulement n’a pas gêné la reprise, elle l’a plutôt suscitée. Les politiques retenues à l’époque consistaient à ne pas en adopter, c.-à-d. à ne rien faire de spécifique à la récession. En fait, le programme politique retenu s’inscrivait aux antipodes des prescriptions de la sagesse économique conventionnelle : Équilibre du budget, hausse des taux d’intérêt et attente patiente que la confiance se rétablisse et instaure les « Roaring Twenties ». En favorisant la reprise, la flexibilité maximale des prix et des salaires a fait que l’instabilité de la production et de l’emploi a été réduite au minimum. La main invisible d’Adam Smith en somme.

Quel contraste avec la décennie suivante, témoin de la plus grande dépression de l’histoire et en même temps de l’interventionnisme prononcé, sous Hoover qui a lancé le premier New Deal suivi de celui de Roosevelt. A l’époque, le gouvernement américain invitait les employeurs à ne pas couper les salaires, et par la même occasion à forcer l’emploi (et donc le chômage) à absorber l’impact de la dépression. Comme l’a calculé Milton Friedman, le Federal Reserve a comprimé la masse monétaire d’environ 25%, tournant ainsi une récession conventionnelle en véritable catastrophe. La grande dépression fut une création de l’État.

[1] « La seule liberté qui mérite son nom, écrivait Mill, est la liberté de rechercher notre propre bien et de le faire à notre façon ».

[2] Milton Friedman, Capitalism and Freedom, University of Chicago, 1962, et (avec Rose Friedman), Free to Choose, New-York, Harcourt Brace Jovanovich, 1980.

[3] James Grant, The Forgotten Depression, The Crash That Cured Itself, 2014.

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Catégorie(s) : Socio-politique

Commentaires

  1. Jean-Luc MiguéJean-Luc Migué a écrit

    26 février 2015 à 10 h 34 min

    jlm

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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