Pour illustrer le mécanisme majoritariste, que les économistes ont mis au point pour étudier les choix publics, on peut utilement en faire une application simplifiée au choix du gouvernement de prendre en charge la production des services de santé par le monopole public. Observons d’abord qu’il en coûte approximativement 7 000 dollars par année par famille pour obtenir les services de santé. Si la production de ces services se faisait dans des institutions privées régies par les règles du marché, chaque famille aurait donc du affecter en moyenne à peu près 10% de son budget annuel à l’acquisition de services de santé.
Il arrive en fait que le financement des soins se fait, non pas par le prélèvement de tarifs sur les usagers, mais plutôt par la fiscalité générale qui, elle, est à peu près proportionnelle (légèrement progressive en fait) au revenu des familles. Il s’ensuit que la famille moyenne se fait prélever pour le financement des services de santé, une combinaison de taxes qui s’élève aussi à 10% de son revenu.
Mais la majorité des familles (celles qui comptent en politique) touche un revenu annuel d’environ 25% inférieur au revenu de la famille moyenne. Cinquante pour cent des familles touchent moins de 55 000$, tandis que 50% ont un revenu supérieur à ce montant. Or, en vertu de la première des règles du jeu démocratique (majorité simple de 50%+1), c’est la famille médiane qui élit les gouvernements et qui, en première approximation, prend les décisions politiques. On dégage de ce calcul la proposition politique clé : Par la substitution du financement public à la tarification marchande (frais de santé), une majorité de la population n’aura à payer que 5 500$ ou moins (10% de 55 000), plutôt que 7,000$, pour jouir des services de santé. Toutes les familles qui font un revenu inférieur à la moyenne paieront moins de 7 000$ pour leurs soins de santé; les familles qui font plus que la moyenne paieront plus de 7 000$. La nationalisation de l’industrie de la santé a valu à une majorité de votants un transfert de richesse de plus de 1 500$ par année, prélevé sur les familles à revenu moyen supérieur. Un parti politique qui sait gagner des élections proposera l’étatisation de l’industrie de la santé et en récoltera plus de votes chez les gagnants majoritaires qu’il n’en perdra chez les perdants minoritaires