La méthodologie propre de l’économique des choix publics s’expose en deux étapes que nous présentons ci-dessous. La première, dite majoritariste, repose sur la règle du jeu première des régimes démocratiques et pose que le gouvernement se forme par la victoire de la majorité aux élections. Dans une deuxième étape, nous enrichirons cette première hypothèse par le modèle de la concurrence politique entre les groupes d’intérêt. Comme son titre le suggère, cette perspective pose que la détermination des programmes de dépenses, de régulation et de fiscalité, et leur incidence sur le bien-être social relève de la concurrence que se font les groupes plus ou moins organisés, dans leur souci d’obtenir des faveurs publiques.
L’école dite des choix publics est assez récente; elle entretient toutefois des liens étroits avec les théories des penseurs classiques de l’État. Dans son approche fondamentale à la réalité, elle s’insère dans la continuité des théories classiques de l’État. Comme le recherchaient les penseurs classiques, l’analyse économique de la politique a l’ambition d’acquérir une connaissance objective de la réalité. À partir d’hypothèses vérifiables et claires, l’école cherche, comme Montesquieu (1995), Condorcet et de Tocqueville (1968), à mieux comprendre le fonctionnement des gouvernements et ultimement la nature humaine. (Mueller, 1997) L’innovation fondamentale qui distingue l’école moderne des choix publics, c’est la clarté de ses fondements. La contribution de l’économiste a été de transposer son schéma analytique à la science politique. Elle se distingue des pionniers par l’utilisation qu’elle fait de la méthodologie économique traditionnelle, l’individualisme méthodologique, c.-à-d. l’hypothèse que chacun des acteurs du marché politique, votant, politicien ou bureaucrate, cherche non pas à maximiser le bien commun mais à maximiser son propre bien-être.[1] Au fonds, la démarche ne fait que reconnaître qu’une science se définit moins par l’objet sur lequel elle porte son regard que par la méthode qu’elle emprunte pour expliquer la réalité. L’école des choix publics se soumet aussi à la vérification, à la formalisation et à l’utilisation des mathématiques, tous instruments qui apportent aux descriptions et aux hypothèses une rigueur à laquelle n’accédaient pas les premiers classiques. (Mueller, 1997)
Tous les économistes n’adhèrent pas à cette démarche. Il faut dire que la plupart d’entre eux n’en font pas leur spécialité, de sorte que sa signification ne leur est pas familière. Comme les politicologues et la plupart des observateurs qu’on lit dans les média, ils se contenteront de postuler que la concurrence politique entre les groupes réalise vraisemblablement le bien commun, sinon les groupes s’organiseront spontanément lorsque l’oppression qu’ils subissent s’appesantit trop lourdement. On voudrait qu’ils aient raison, mais la rigueur appelle une démonstration plus systématique. En l’énonçant, on se rend compte que cette perspective souffre de la naïveté qui inspire la vision de l’État planificateur bénévolant que retiennent depuis toujours beaucoup d’économistes conventionnels.
[1]Le lecteur qui voudra suivre méthodiquement l’évolution de la démarche pourra parcourir Mueller 1976, Buchanan & Tollison, 1984 et Mueller 2003.