Jean-Luc Migué, économiste Institut Fraser Profession émérite, ENAP Quebec

Senior Fellow, Institut Fraser et professeur émérite, ENAP - Senior Fellow, The Fraser Institute and professor Emeritus, ENAP, Québec.

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Archives pour mars 2015

L’étatisation des services de santé en faveur d’une majorité aux dépens d’une minorité

Le 26 mars 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-SantePour illustrer le mécanisme majoritariste, que les économistes ont mis au point pour étudier les choix publics, on peut utilement en faire une application simplifiée au choix du gouvernement de prendre en charge la production des services de santé par le monopole public. Observons d’abord qu’il en coûte approximativement 7 000 dollars par année par famille pour obtenir les services de santé. Si la production de ces services se faisait dans des institutions privées régies par les règles du marché, chaque famille aurait donc du affecter en moyenne à peu près 10% de son budget annuel à l’acquisition de services de santé.

Il arrive en fait que le financement des soins se fait, non pas par le prélèvement de tarifs sur les usagers, mais plutôt par la fiscalité générale qui, elle, est à peu près proportionnelle (légèrement progressive en fait) au revenu des familles. Il s’ensuit que la famille moyenne se fait prélever pour le financement des services de santé, une combinaison de taxes qui s’élève aussi à 10% de son revenu.

Mais la majorité des familles (celles qui comptent en politique) touche un revenu annuel d’environ 25% inférieur au revenu de la famille moyenne. Cinquante pour cent des familles touchent moins de 55 000$, tandis que 50% ont un revenu supérieur à ce montant. Or, en vertu de la première des règles du jeu démocratique (majorité simple de 50%+1), c’est la famille médiane qui élit les gouvernements et qui, en première approximation, prend les décisions politiques. On dégage de ce calcul la proposition politique clé : Par la substitution du financement public à la tarification marchande (frais de santé), une majorité de la population n’aura à payer que 5 500$ ou moins (10% de 55 000), plutôt que 7,000$, pour jouir des services de santé. Toutes les familles qui font un revenu inférieur à la moyenne paieront moins de 7 000$ pour leurs soins de santé; les familles qui font plus que la moyenne paieront plus de 7 000$. La nationalisation de l’industrie de la santé a valu à une majorité de votants un transfert de richesse de plus de 1 500$ par année, prélevé sur les familles à revenu moyen supérieur. Un parti politique qui sait gagner des élections proposera l’étatisation de l’industrie de la santé et en récoltera plus de votes chez les gagnants majoritaires qu’il n’en perdra chez les perdants minoritaires

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Catégorie(s) : La santé au Québec

La politique sous la domination de la majorité ou du votant médian

Le 17 mars 2015 par Jean-Luc Migué 1 commentaire

JLMigue-PolitVotant

Dans le prolongement de notre approche positive fondée sur l’individualisme méthodologique, posons que les résultats du processus budgétaire ou réglementaire seront déterminés par le régime de sanctions et de récompenses qui encadrent les acteurs, votants, hommes de l’État et bureaucrates, tout comme l’aboutissement du marché dépend des incitations qui s’exercent sur les consommateurs et les producteurs. L’examen du contexte institutionnel dans lequel s’inscrivent les choix publics constitue donc une démarche absolument essentielle à la compréhension de la place effective des pouvoirs publics dans la société.

L’économiste identifie la finalité des politiques et des institutions, non pas par les déclarations des politiciens ou le préambule des lois, mais par leur incidence effective sur le revenu des intéressés. Or, la règle première de la logique démocratique, formellement énoncée il y a plus d’un demi-siècle par Downs (1957), est de répondre aux préférences de la majorité.[1] C’est d’abord en conférant des bénéfices à la majorité sur le dos d’une minorité que la victoire électorale se gagne en régime de scrutin majoritaire (Buchanan et Tullock, 1962, Buchanan et Congleton, 1998 et Tullock, 1976). Le souci premier, pour ne pas dire exclusif de l’homme politique, est de gagner la course électorale et donc d’adopter la plate-forme la plus favorable au votant majoritaire, le votant médian. C’est sa façon de gagner sa vie. Comme l’homme d’affaires vis-à-vis les acheteurs, le politicien adoptera les politiques qui lui vaudront la reconnaissance du votant médian.

La demande de services publics dépend d’abord du fardeau fiscal que chaque votant s’attendra d’assumer à différents niveaux de services. A cet égard, à mesure que la quantité de services s’élève, chacun atteindra un point où il juge que l’addition de service n’en vaut plus le coût. Selon les préférences de chacun, ce niveau variera. A un prix fiscal identique, certains en voudront plus, d’autres moins. On découvre en première approximation du vote à la majorité que seul le votant médian (la personne au centre de la distribution des votants) réalisera sa préférence optimale. Les votants les plus friands du service seront frustrés de n’en avoir pas assez, les votants les plus tièdes vis-à-vis du service, d’en avoir trop. C’est le sens du théorème du votant médian, où l’on compte autant d’individus qui en voudraient davantage que d’individus qui préféreraient en avoir moins. Ce théorème jouit empiriquement d’un pouvoir prédictif énorme dans toutes sortes de domaines, depuis les budgets scolaires, jusqu’aux politiques environnementales, etc.

Toutes les combinaisons majoritaires concevables n’inspirent pas les choix politiques cependant. C’est la combinaison médiane des votants que le politicien voudra privilégier. En fait, la politique majoritaire biaise les choix publics dans une première direction précise. La distribution du revenu est universellement asymétrique; il y a plus de familles qui font un revenu inférieur à la moyenne qu’il y en a qui font plus que la moyenne. En fait, la majorité des familles fait un revenu d’environ 55 000 dollars par année ou moins, soit un revenu inférieur à la moyenne qui, lui, s’établit à environ 73 000 dollars par année[2]. La logique du votant médian peut alors se formuler dans les termes formulés par Meltzer et Richard (1978, 1981, 1983). Les gens demandent la combinaison de taux d’imposition et de transferts (en argent ou en services) qui maximisent leur bien-être. Les individus dotés d’une productivité et donc d’un revenu inférieurs à la moyenne, c.-à-d. la majorité, opteront, comme tous les autres, pour des taux d’imposition réduits pour eux et des services publics gonflés en leur faveur. Mais, en tant que majoritaires, c’est eux qui domineront les choix publics en démocratie. A la limite, certains individus ne travaillent pas et ne paient pas d’impôt sur le revenu; c’est le cas de 44% des individus dans la province de Québec. Ils sont à l’origine de cette option. Donc les gens au revenu inférieur, qui forment la majorité, accorderont leur vote au candidat qui propose l’allègement du fardeau fiscal pour eux et son alourdissement pour les revenus moyens supérieurs. Entre autres, c’est en étatisant de vastes pans de l’activité économique et en recourant au financement public qu’on gagne les élections. Même si rien ne devait changer à la qualité ni à la quantité de services pris en charge par le gouvernement, une majorité de votants appuiera l’étatisation, uniquement parce qu’elle en tire des transferts de richesse de la minorité. La taille de l’État grossira.

[1] En réalité, Condorcet, au siècle des lumières, avait déjà énoncé la thèse, mais avant l’implantation méthodique de la démarche public choice dans les années 1960, il est tombé dans l’oubli.

[2] Statistique Canada, Income in Canada, catalogue 75-202-XIE.

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Catégorie(s) : Économie du Québec

Comment l’économiste aborde la question des choix publics

Le 11 mars 2015 par Jean-Luc Migué Laisser un commentaire

JLM-EconomLa méthodologie propre de l’économique des choix publics s’expose en deux étapes que nous présentons ci-dessous. La première, dite majoritariste, repose sur la règle du jeu première des régimes démocratiques et pose que le gouvernement se forme par la victoire de la majorité aux élections. Dans une deuxième étape, nous enrichirons cette première hypothèse par le modèle de la concurrence politique entre les groupes d’intérêt. Comme son titre le suggère, cette perspective pose que la détermination des programmes de dépenses, de régulation et de fiscalité, et leur incidence sur le bien-être social relève de la concurrence que se font les groupes plus ou moins organisés, dans leur souci d’obtenir des faveurs publiques.

L’école dite des choix publics est assez récente; elle entretient toutefois des liens étroits avec les théories des penseurs classiques de l’État. Dans son approche fondamentale à la réalité, elle s’insère dans la continuité des théories classiques de l’État. Comme le recherchaient les penseurs classiques, l’analyse économique de la politique a l’ambition d’acquérir une connaissance objective de la réalité. À partir d’hypothèses vérifiables et claires, l’école cherche, comme Montesquieu (1995), Condorcet et de Tocqueville (1968), à mieux comprendre le fonctionnement des gouvernements et ultimement la nature humaine. (Mueller, 1997) L’innovation fondamentale qui distingue l’école moderne des choix publics, c’est la clarté de ses fondements. La contribution de l’économiste a été de transposer son schéma analytique à la science politique. Elle se distingue des pionniers par l’utilisation qu’elle fait de la méthodologie économique traditionnelle, l’individualisme méthodologique, c.-à-d. l’hypothèse que chacun des acteurs du marché politique, votant, politicien ou bureaucrate, cherche non pas à maximiser le bien commun mais à maximiser son propre bien-être.[1] Au fonds, la démarche ne fait que reconnaître qu’une science se définit moins par l’objet sur lequel elle porte son regard que par la méthode qu’elle emprunte pour expliquer la réalité. L’école des choix publics se soumet aussi à la vérification, à la formalisation et à l’utilisation des mathématiques, tous instruments qui apportent aux descriptions et aux hypothèses une rigueur à laquelle n’accédaient pas les premiers classiques. (Mueller, 1997)

Tous les économistes n’adhèrent pas à cette démarche. Il faut dire que la plupart d’entre eux n’en font pas leur spécialité, de sorte que sa signification ne leur est pas familière. Comme les politicologues et la plupart des observateurs qu’on lit dans les média, ils se contenteront de postuler que la concurrence politique entre les groupes réalise vraisemblablement le bien commun, sinon les groupes s’organiseront spontanément lorsque l’oppression qu’ils subissent s’appesantit trop lourdement. On voudrait qu’ils aient raison, mais la rigueur appelle une démonstration plus systématique. En l’énonçant, on se rend compte que cette perspective souffre de la naïveté qui inspire la vision de l’État planificateur bénévolant que retiennent depuis toujours beaucoup d’économistes conventionnels.

[1]Le lecteur qui voudra suivre méthodiquement l’évolution de la démarche pourra parcourir Mueller 1976, Buchanan & Tollison, 1984 et Mueller 2003.

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Catégorie(s) : Économie du Québec, Socio-politique

Conséquence première de l’intégration du Québec à l’économie canadienne

Le 3 mars 2015 par Jean-Luc Migué 2 commentaires

JLM-socQuebL’histoire du régime démocratique depuis le XVIIe siècle laisse-t-elle quelque espoir qu’on puisse renverser la tendance négative du PIB global québécois au cours du dernier demi siècle? Il se trouve qu’au Québec les francophones s’avèrent moins mobiles. Ils seraient prêts à sacrifier une part de revenu pour bénéficier d’un environnement francophone.

Le paradoxe est que, grâce à la mobilité des autres résidents, ils n’ont même pas à faire ce sacrifice, puisque leur revenu réel converge vers le niveau national. En vertu de cette logique, le Québécois moyen non mobile ne se rend pas compte du piètre état de notre économie, parce son revenu personnel réel n’en souffre pas. En conséquence, sa résistance aux politiques qui ont entraîné notre recul ne s’exprime pas aussi clairement. Le nationalisme peut devenir une idéologie politiquement rentable mais dangereuse dans une économie intégrée.

L’évolution récente n’est guère encourageante. Le Québec reste aujourd’hui handicapé par la lourdeur d’une dette parmi les plus élevées au Canada (69% de son PIB, 14 000$ par tête, soit 5 000$ de plus que la moyenne des provinces); sa population vieillit et augmente à peine par suite de l’émigration vers les provinces plus prospères; dans quelques années, la baisse du nombre de travailleurs risque de lui interdire d’assumer le poids des programmes sociaux; sa productivité est faible. Selon le mot de notre collègue Montmarquette, le Québec vit aujourd’hui au-dessus de ses moyens.

Pour comprendre l’évolution du régime, il faut aller au-delà de ces simples observations pour examiner systématiquement les règles du jeu qui régissent le régime démocratique. Idéalement, ce sont ces règles qu’il faut corriger; nous en offrirons une interprétation dans la suite de notre démarche.

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Catégorie(s) : Économie du Québec

ÉCONOMIE ET POLITIQUE

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JEAN-LUC MIGUÉ

Jean-Luc MiguéÉconomiste canadien. Maitrise de l’Université de Montréal. Ph.D. de The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Il a été professeur à l’Université Laval et est Professeur émérite à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Canadian economist. Master’s Degree, Université de Montréal. Ph.D., The American University, Washington, DC. Senior Fellow, Fraser Institute, Vancouver. Was professor at Université Laval. Is now Professor Emeritus, École nationale d’administration publique, (ÉNAP) Quebec City.

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