Le revenu global au Québec, ou le PIB, de même que la population québécoise, ont décliné fortement relativement à celui de l’ensemble du Canada depuis les années 60. La part québécoise est passée d’un peu moins de 30% en 1966 à environ 23% en 2011. Le revenu familial médian québécois de son côté est passé de 90% de sa contrepartie canadienne en 1976 à 83% en 2007. Le paradoxe est que, malgré cette évolution déprimante, le revenu réel par habitant s’inscrit chez nous au niveau du reste du Canada. Pourquoi ce contraste entre la faible croissance globale de l’économie québécoise et la hausse du niveau de vie? Pour une raison simple : lorsque le revenu par habitant baisse dans une province, les gens quittent cette région et les immigrants y affluent en moins grand nombre. L’offre de main-d’œuvre décline. Et ce processus de migration se poursuit jusqu’à ce que le revenu réel par habitant converge dans toutes les régions.
Ainsi, bien que le PIB nominal par habitant au Québec soit inférieur d’environ 15 % à celui de l’Ontario, le coût de la vie s’inscrit en 2006 à Montréal à 14,6 % en-dessous de celui de Toronto. Les Montréalais gagnent moins en dollars nominaux, mais ça leur coûte moins cher de se loger et dans les mêmes proportions. La divergence des taux de croissance globale entre les deux villes a donc été entièrement capitalisée dans le prix du sol. Les ajustements inter régionaux se sont faits par la mobilité de la population, plutôt que par l’élargissement du revenu réel moyen. Ce qui signifie en passant que la péréquation n’a aucun fondement, puisque le revenu réel moyen converge dans toutes les régions. C’est donc en dépit de la révolution tranquille que le niveau de vie des Québécois s’est aligné sur celui du Canada, non pas en conséquence de ce mouvement.
La convergence du revenu réel par tête dans les pays intégrés est documentée aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et au Canada. De 1920 à 2000, les variations du revenu par tête à travers les États-Unis ont fortement diminué sous l’effet de mouvements variables de la population. La part de la population de l’ouest a presque triplé, pendant que des déclins prononcés se produisaient dans le Northeast et le Midwest. Les économistes ont démontré en contrepartie que la distribution du revenu par tête s’est rétrécie dans ce pays au cours du vingtième siècle. En fait, à la fin du siècle, la dispersion du revenu réel par travailleurs s’avérait extrêmement réduite. Pour une moyenne nationale de 100 aux États-Unis, les variations interrégionales allaient de 96 à 105 en 1980[1].
Les variations interrégionales de revenu en Angleterre s’avèrent aussi étroitement distribuées, une fois incorporées les variations interrégionales du coût de la vie.[2] En général, les régions rurales affichent un revenu moyen inférieur à celui de Londres dans les statistiques officielles. Mais l’égalisation se réalise à travers les deux types de territoires pour des occupations semblables. En France, les analystes de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) résument comme suit les résultats de leurs travaux sur le revenu régional en France: “Les différences de niveaux des prix entre Paris et le reste du pays sont du même ordre de grandeur que les différences de niveaux des rémunérations”. [3]
Au Canada, le budget fédéral de 2006 souligne que « s’il est vrai que les disparités économiques régionales restent prononcées entre les provinces, elles ont grandement décliné au cours des 25 dernières années.[4] Cette dispersion rétrécie a accompagné d’importants mouvements de la population canadienne : baisses marquées dans les provinces atlantiques et le Québec, en même temps qu’accroissements prononcés de la part de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie Britannique. Tel que souligné précédemment, la part québécoise de la population est restée constante à 29% de 1941 à 1966, mais affiche par la suite une tendance négative constante, pour atteindre 23,1% en 2011. Au total, les données confirment que l’intégration économique liée au commerce, à la migration et aux ajustements du marché du travail, mène à l’égalisation du revenu personnel réel, non pas à des différences de prix ou de revenus.
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[1]Mitchener, K.J. and I.W. McLean (1999), « U.S. Regional Growth and Convergence, 1880-1980, » The Journal of Economic History, 59, 1016-1042.
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[2] D. B. Smith, Living with Leviathan, Hobart Paper 158, Institute of Economic Affairs, Londres, 2006.
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[3] M. Fesseau, V. Passeron et M. Vérone, « Les prix sont plus élevés en Île-de-France qu’en province », INSEE Première, No 1210, octobre 2008.
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[4]Ministère des Finances (2006), Budget 2006. Restoring Fiscal Balance in Canada: Focusing on Priorities, Ottawa, 2 mai, p.115.